Frais universitaires pour les étudiants étrangers : quel impact sur les études en Norvège ?

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Publié le 2023-04-05 à 10:00 par Ameerah Arjanee
En mars, le parlement norvégien a approuvé une nouvelle politique visant à introduire des frais de scolarité pour les étudiants internationaux provenant de pays hors Union européenne ou n'appartenant pas à l'Espace économique européen. Même si cette mesure n'entrera en vigueur qu'à partir de l'automne 2023, au sein du secteur de l'enseignement supérieur, des critiques s'élèvent déjà. Selon les opposants, l'introduction de frais universitaires entachera la réputation des universités norvégiennes ainsi que l'image de la Norvège en tant que société égalitaire.

Norvège : un des derniers pays où l'enseignement est gratuit pour tous

Dans la majorité des pays, les universités publiques font payer des frais de scolarité aux étudiants étrangers. La France, l'Allemagne et l'Argentine font figure d'exception et jusqu'à tout récemment, la Norvège faisait partie de cette liste.

En France, les universités publiques ne font payer aux étudiants étrangers que des frais administratifs relativement faibles. Pour étudier dans une prestigieuse université, par exemple, depuis 2019, un étudiant non EU ne doit payer qu'entre 3000 et 4000 euros de frais administratifs par an. Depuis 2014, il en va de même pour les programmes de premier cycle dans toutes les universités publiques allemandes : les étudiants étrangers ne paient que des frais administratifs minimes et leurs dépenses quotidiennes. L'Argentine, qui abrite la prestigieuse université de Buenos Aires, n'impose aux étudiants internationaux que des frais nominaux d'environ 1 000 USD par an. Dans tous ces pays, l'une des principales conditions d'admission est la maîtrise de la langue locale et la capacité à suivre les cours en allemand, en français ou en espagnol aux côtés des étudiants nationaux.

Qu'en est-il de la Norvège ?

Jusqu'à cette année, tous les étudiants étrangers pouvaient obtenir gratuitement une licence, un master ou un doctorat. Ils devaient uniquement s'acquitter de frais administratifs de 30 à 60 euros, ce qui est encore moins élevé qu'en France ou en Allemagne. Ils étaient également tenus de réussir le niveau 3 d'un test de langue norvégienne, qui équivaut à un niveau intermédiaire supérieur. Toutefois, en octobre 2022, le gouvernement a présenté au parlement un projet visant à introduire des frais de scolarité pour les étudiants étrangers originaires de pays hors UE/EEE. Ce projet a été adopté le 24 mars dernier et le gouvernement a fait valoir que l'objectif était de favoriser l'augmentation des opportunités pour les étudiants locaux, plutôt que de soutenir l'éducation des étudiants internationaux par le financement direct de l'État.

La réputation de la Norvège va-t-elle prendre un coup ?

Même si l'État a recommandé que les universités commencent à mettre en place des frais d'inscription pour les étudiants internationaux, il est resté flou sur le montant de ces droits. Cette absence de précision a été source de confusion, tant pour les universités que pour les étudiants étrangers. Comme le rapporte University World News, le ministre de l'Enseignement supérieur, Ola Borten Moe, a insisté en janvier sur le fait que son ministère n'interviendrait que si les universités n'étaient pas en mesure d'établir leurs propres barèmes.

Ainsi, depuis le mois d'octobre, les universités norvégiennes ont commencé à publier leurs nouveaux frais d'inscription pour les étudiants internationaux. L'université d'Oslo, par exemple, a annoncé que ses programmes de premier cycle coûteraient entre 130 000 et 160 000 couronnes, soit entre 12 000 et 15 000 USD, et que les masters coûteront entre 180 000 et 260 000 couronnes, soit entre 17 000 et 25 000 USD, par année universitaire. Les programmes professionnels en médecine coûteront entre 380 000 et 500 000 couronnes, soit 35 000 à 48 000 USD, par an. Certaines universités ont pris plus de temps pour annoncer leurs frais d'inscription pour les étudiants non ressortissants de l'UE ou de l'EEE. C'est le cas pour l'Université de Stavanger, qui n'a publié sa grille tarifaire qu'en février 2023.

Vous aurez sûrement remarqué que les droits d'inscription pour les doctorants non ressortissants de l'UE/EEE à l'université d'Oslo n'ont pas été mentionnés ! En effet, les doctorants, les étudiants participant à un programme d'échange, les réfugiés et certains expatriés bénéficiant de prêts ou de bourses pourront continuer à étudier gratuitement. Les doctorants sont censés apporter une contribution au pays grâce à leurs recherches de pointe. Mais les opposants à la nouvelle politique soulignent que les étudiants de premier cycle et les étudiants diplômés contribuent aussi au pays à leur façon, même s'ils ne font pas de la recherche. Ils affirment par ailleurs, que tous les étudiants étrangers contribuent à la diversité culturelle et au futur vivier de main-d'œuvre de la Norvège.

Dans The PIE News, Bjarte Hoem, chef du bureau international de l'Université de Stavanger, s'inquiète de voir la Norvège perdre de son influence en tant que destination d'études lorsque les étudiants non ressortissants de l'UE ou de l'EEE se tourneront vers d'autres destinations. Au sein de l'UE, l'Allemagne et la France sont susceptibles de devenir des concurrents encore plus populaires. Study.eu a mené une enquête auprès de futurs étudiants non européens pour savoir pourquoi ils choisiraient la Norvège. Un nombre impressionnant de 74 % d'entre eux ont mentionné la gratuité des frais de scolarité comme raison principale. Plus d'un quart d'entre eux ont déclaré qu'ils ne seraient pas en mesure de payer des frais de scolarité de 50 000 couronnes ou 5 000 USD par an. Près de 65 % ont déclaré ne pas pouvoir payer le double de cette somme.

Près de 9 000 des 13 000 étudiants étrangers en Norvège sont originaires de pays hors Union européenne. Ils viennent notamment de Chine, d'Inde et du Népal. Le point commun entre ces pays est le fait qu'ils ont des monnaies moins fortes que la couronne norvégienne, ce qui rend encore plus difficile pour les étudiants de payer les nouveaux frais de scolarité. Le gouvernement estime que les universités deviendront moins dépendantes des subventions de l'État, et se doivent d'être plus indépendantes financièrement en s'appuyant sur l'argent provenant des frais d'inscription des étudiants étrangers. Toutefois, en envoyant un signal qui indique que seuls les riches étudiants non ressortissants de l'UE ou de l'EEE sont les bienvenus dans le pays, cette mesure risque à terme, de ternir la réputation de la Norvège en tant que pays égalitaire et méritocratique. Auparavant, les universités norvégiennes parvenaient à concurrencer les plus prestigieuses universités britanniques ou américaines, parce qu'elles n'essayaient pas de tirer profit des frais d'inscription des étudiants étrangers. Ce ne sera plus le cas !

Nombreux sont ceux qui ont également critiqué le mauvais timing de cette nouvelle politique. La politique a été adoptée alors que les demandes d'inscription pour la prochaine année universitaire battaient déjà leur plein. Que se passera-t-il pour les étudiants non ressortissants de l'UE ou de l'EEE ayant déjà déposé leur candidature ? Ils devront soit payer leurs droits d'inscription avant le 15 mai, soit retirer leur candidature avant cette date. La situation risque ainsi de devenir très frustrante pour beaucoup d'entre eux. D'une part, ils ne savaient pas qu'ils devaient faire des économies ou contracter un prêt d'études. D'autre part, ils auront déjà consacré du temps et de l'énergie à la procédure de demande d'admission pour finalement devoir se retirer à cause d'un changement soudain de politique. Toute cette confusion ne peut que nuire à la réputation de la Norvège.