Émeutes anti-immigrés : quels impacts sur les projets d'expatriation et le choix des destinations ?

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Publié le 2024-01-17 à 11:00
Les émeutes anti-immigrés qui ont éclaté à Dublin en novembre dernier ont braqué les projecteurs sur une préoccupation croissante à l'égard de la xénophobie dans des destinations prisées par de nombreux expatriés. La montée des groupes d'extrême droite, associée à des troubles urbains et à des mesures de sécurité renforcées, suscite des inquiétudes quant aux risques politiques, surtout pour les expatriés issus de minorités ethniques et religieuses. Dans quelle mesure ces événements pourraient-ils dissuader les candidats à l'expatriation ?

La xénophobie accompagne la montée de l'extrême droite

La xénophobie, imprégnée de préjugés et d'hostilité envers les étrangers, s'entremêle fréquemment avec le racisme, notamment à l'égard des expatriés non blancs du Sud s'établissant dans le Nord, ainsi qu'avec des formes de discrimination religieuse telles que l'islamophobie et l'antisémitisme. Au cours de la dernière décennie, de nombreux pays prisés des expatriés et des étudiants internationaux, tels que les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne et les Pays-Bas, ont vu la montée de groupes d'extrême droite.

La montée de l'extrême droite en Irlande a surpris de nombreux observateurs. Selon The Guardian, cette surprise s'explique par le caractère récent de ces groupes. Aucun candidat d'extrême droite n'a été élu lors des élections générales de 2020. Même les candidats d'extrême droite les plus performants n'ont recueilli que 2 % des voix dans leur région. Les sondages menés pendant ces élections indiquent que seulement 1 % des électeurs étaient préoccupés par l'immigration, un chiffre nettement inférieur à celui des pays où la xénophobie est un problème ancien, comme lors des élections américaines de 2016 ayant conduit Trump à la Maison Blanche.

L'Irlande, n'ayant pas une longue histoire de politique d'extrême droite, a été secouée par les émeutes du 23 novembre. À la suite de l'agression d'une femme et de trois enfants devant une école, l'information selon laquelle l'auteur était un immigré s'est rapidement répandue parmi les membres de l'extrême droite. Peu de temps après, des individus d'extrême droite ont envahi les rues du centre de Dublin, perpétrant des actes de pillage et vandalisant les infrastructures publiques. Au sein de leurs groupes WhatsApp, ils ont proféré des menaces de mort à l'encontre de tout étranger qu'ils pourraient croiser.

Même après que les autorités ont rétabli l'ordre, les expatriés et les étudiants étrangers ont déclaré persister dans un sentiment de peur et de choc. Selon le Irish Post, suite aux émeutes, certains expatriés à Dublin ont redouté pendant plusieurs jours de quitter leur domicile sans nécessité ou de circuler dans le centre-ville pour regagner leur domicile après le travail.

Les répercussions possibles sur les projets d'expatriation

Il est encore trop tôt pour déterminer si les émeutes xénophobes à Dublin auront des répercussions sur la capacité du pays à attirer des étudiants internationaux et des expatriés talentueux, voire si elles pousseront certains expatriés déjà sur place à envisager d'autres destinations.

Quoi qu'il en soit, des tendances analogues constatées dans d'autres nations suggèrent que les remous d'extrême droite peuvent véritablement exercer une influence sur la propension des étrangers à choisir un pays spécifique pour s'installer. Toutefois, d'autres éléments, en particulier les perspectives économiques, pourraient prendre une importance plus marquée pour certains candidats à l'expatriation par rapport au risque éventuel de se confronter à la xénophobie.

Le Migration Data Brief pour l'Allemagne, émis par l'OCDE au cours de l'année 2023, met en lumière que, pour la plupart des candidats à l'expatriation en Allemagne, les obstacles prédominants à l'immigration sont l'absence d'offre d'emploi (55 %), la difficulté à repérer des opportunités professionnelles (45 %), des contraintes financières (40 %), le manque de compétences linguistiques en allemand (38 %) et les délais prolongés pour l'obtention d'un visa (37 %). Seule une minorité, représentant moins de 20 %, a évoqué des préoccupations liées à la xénophobie et au racisme comme des obstacles majeurs.

Il est à noter que de nombreux candidats à l'expatriation, interviewés dans le cadre de l'étude Migration Data Brief, sont originaires de l'hémisphère sud et appartiennent en grande partie à des groupes ethniques tels que l'Inde, la Colombie et la Turquie. Malgré le fait que cela les expose davantage au racisme voire à l'islamophobie en Allemagne, ces préoccupations ne semblent pas les dissuader autant que des inquiétudes plus concrètes d'ordre matériel ou financier. Ceci intervient dans un contexte où le parti d'extrême droite anti-immigration AfD a progressé en Allemagne, dépassant les 30 % dans certains scrutins d'État.

Aux États-Unis, la période sous l'administration Trump (2017-2021) a nettement impacté l'attrait du pays pour les étudiants internationaux. Ces années ont été marquées par des manifestations d'extrême droite, dont le rassemblement nationaliste blanc de Charlottesville en 2017, ainsi que par des mesures xénophobes imprévisibles, dont la célèbre « interdiction des musulmans » - le Muslim Ban. Ce décret présidentiel a temporairement révoqué les visas des expatriés et des étudiants internationaux provenant d'une liste de pays à majorité musulmane. Le climat de peur et d'incertitude a entraîné une baisse d'environ 14 % des nouvelles inscriptions d'étudiants internationaux de premier cycle en 2017, selon les données du National Student Clearinghouse Research Center.

Il est essentiel de mesurer la réactivité et l'efficacité dont fait preuve le gouvernement d'un pays face aux émeutes d'extrême droite. Les candidats à l'expatriation et les étudiants internationaux se sentiront davantage accueillis s'ils constatent que les autorités ne tolèrent pas les menaces pesant sur leur sécurité.