Les Français en Tunisie aujourd'hui : contribution au débat sur la mobilité des personnes entre la Tunisie et l'UE
Martine VAUTRIN DJEDIDI , dans le mensuel LEADERS de mai 2014
Les Français en Tunisie aujourd'hui : comment, combien et qui sont ils ? comment sont ils perçus en France et représentés ?
D'abord, les mots pour le dire
Vu de France, expatriés est un terme générique utilisé par le Ministère des Affaires Etrangères et Européennes. On parle aussi de Français « de » ou « à » létranger. Notre administration de tutelle a une Direction des Français de létranger.
Et sil y a des « ex », il y a aussi des « in » : limpatrié est un salarié ou un individu rentré dans son pays dorigine , cest aussi une catégorie de contribuables du Ministère des Finances pour parler dimpatriation fiscale; dans le contexte professionnel, l'impatriation consiste pour une entreprise à faire venir des collaborateurs étrangers en France, un impatrié est alors un salarié étranger en France; Il sera qualifié en France, et parfois dans son pays dorigine, dimmigré et par les chercheurs en science sociale de migrant.
Que la parole vienne du nord ou du sud, les intervenants non scientifiques, quils soient politiques ou institutionnels évoquent rarement les Français expatriés en terme de migrants.
En Tunisie comme dans dautres pays démigration, au regard des populations locales, les personnes de type caucasien ne sont ni des immigrés, ni des migrants mais la plupart du temps des «touristes», quelle que soient par ailleurs la durée de leur séjour et leur(s) nationalité (s) ; les porteurs dune double nationalité de type méditerranéen sont des immigrés-émigrés avec parfois une ambiguïté de sens et de prononciation (qui donne au pluriel dans le langage populaire, zmmigré) .
Dun côté des associations représentatives des expatriés Nord/Sud et leurs représentants élus parlent désormais de « Français hors de France » Français du monde en est un exemple - . De lautre, des associations représentatives des migrants Sud/Nord nont pas abandonné lexpression « à létranger ».
La connotation générale de ces catégories est simple, sinon simpliste. Dun côté « émigrés/immigrés », et plus récemment « migrants », renvoie à des travailleurs socialement et économiquement défavorisés et installés durablement dans les pays d'accueil. De lautre, celles dexpatriés et, plus récemment, de « mobiles » renvoient à des cadres en quête de statuts professionnels valorisants et à un nouveau nomadisme post moderne.
QUI SONT ILS ?
Les Français issus de lère coloniale sont désormais très minoritaires et les mobilités de lère post coloniale ont évolué : après la période des coopérants et des détachés encadrés parlétat, nous avons connu celle de lexpatriation des cadres par les entreprises. Les uns comme les autres étaient souvent peu proches des populations locales, sinon par le biais de leurs élites, mêmes locales.
Il existe aujourdhui de nouvelles figures de la mobilité parmi lesquelles celles d« entrepreneurs », d« aventuriers » des classes moyennes, qui, à la différence des expatriés institutionnels ou privés, négocient elles-mêmes les conditions de leur déplacement et de leur avenir migratoire. Ils sont plus difficiles à classifier.
Ils sont souvent à mi chemin de rêveurs romantiques et de migrants économiques, parfois à la recherche inconsciente de racines oubliées puisque nombreux sont ceux qui ont une filiation ou des liens dans leur histoire personnelle avec lun des pays du Maghreb.
Leur parcours continue à surprendre les populations locales, avec une pointe de respect et dadmiration :comment peut on quitter ces contrées idéales, et idéalisées, où tant dentre eux rêvent de pouvoir aller ?
Il ya au moins deux visages de la mobilité récente
1/ les retraités. Phénomène dabord perçu comme anecdotique, ces exilés sociaux, pour la plupart modestes, nentraient pas dans les statistiques, non immatriculés au consulat, ils nétaient pas officiellement résidents, faisant des allers-retours afin de bénéficier de leur protection sociale et dun statut fiscal, étant souvent non imposables ou peu en France. Leur statut a évolué, ils adhérent à la Caisse Nationale dAssurance Maladie, leurs soins en France sont pris en charge plus facilement, une réforme fiscale leur accorde un abattement de 80 % sur les pensions de source étrangère, leur pouvoir dachat a augmenté mécaniquement avec lévolution du taux de change. Quand ils sont étrangers, ils résident sur les côtes à Jerba, Sousse ou Nabeul, ont trouvé ici les conditions de logement et dencadrement favorables à une vie digne, des possibilités daide ménagère ou médicale, de lentraide, du respect et du lien social.
2/ des jeunes actifs
certains sont arrivés par le biais de lexpatriation, volontaires internationaux en entreprise ou administration par ex , correspondants locaux , dautres un peu par hasard , à la recherche demplois ou dans le cadre de projets de vie, venus rejoindre ou sinstaller avec un(e) compagne . Certains ont connu la situation du sans papier en situation irrégulière.
Ils habitent le plus souvent dans les quartiers de la classe moyenne, ou dans le monde rural, comptent sur leur travail et parfois leurs économies, sont auto entrepreneurs ou collaborent avec des ONG, sont présents dans la société civile tunisienne et proches de tunisiens de leur génération.
Généralement, on constate que lexpatriation daujourdhui est mieux préparée que dans les années 70.80. Les sites internet, dont les sites institutionnels, Ministère des Affaires étrangères ou consulat général, ceux des associations, les fora, groupes et réseaux sociaux, les élus locaux , répondent à de nombreuses questions et permettent dappréhender les réalités locales.
Les moins jeunes des candidats au départ de France viennent en repérage, font des périodes dessai (ce que nous leur recommandons vivement), ne rompent pas les amarres derrière eux. En cas déchec, le retour en France est difficile à partir dun certain âge et sans lassurance dun logement et dun revenu.
Entre ces deux visages de la communauté française il y a toutes les catégories de population.
Des résidents de longue durée, qui bénéficient dans le cadre de lAccord bilatéral en matière de séjour et de travail signé à Paris le 17 mars 1988 (modifié en 1991, 2000, 2008 ) dune carte de séjour de 10 ans, et du droit au travail ; ils investissent, montent des projets, dans les nouvelles technologies et de la communication, le tourisme, la restauration, le secteur culturel , le conseil aux entreprises, le commerce... Sur le plan économique et social, ces Tunisiens de cur exercent une influence réelle dans certains secteurs.
100 % Français et 100 % Tunisiens, et ce même si la nationalité « seconde » peut être considérée comme instrumentale, environ 70% des Français résidents en Tunisie sont porteurs de deux nationalités, quils laient été avant dacquérir la nationalité française ou le soient devenus ; pour ceux-ci également les situations sont multiples.
Certains sont entre deux rives pour diverses raisons, souvent économiques, lidéal , auquel ils sont parfois contraints, étant davoir un revenu
en Euros et de faire vivre sa famille en Tunisie, des familles transnationales sont ainsi de plus en plus séparées.
De nouveaux nomades conservent des liens avec la France, y ont des intérêts ,parfois un domicile mais choisissent de faire des allers-retours.
A lépoque du ministère de limmigration, de lintégration, de lidentité nationale et du développement solidaire créé en 2007, un haut responsable de ladministration évoquait « ces poussières de la colonisation » en parlant de ces nouveaux français d'origine maghrébine le plus souvent et dont une partie de la classe politique et surtout des medias persiste à parler en terme de Français dorigine X, même après 3 générations !
Les « poussières » sont nombreuses, et Français à 100 % nen déplaise à tous ceux qui remettent en cause régulièrement le code de la nationalité française. Rappelons quen vertu du principe de souveraineté, la France considère le double national comme titulaire de l'ensemble des droits et obligations attachés à la nationalité française, qu'il s'agisse d'un Français ayant acquis une autre nationalité ou d'un étranger devenu Français.
Chaque Etat revendique ses nationaux.
Ainsi, au-delà de tentatives de catégories susceptibles didentifier scientifiquement les groupes dune diaspora qui nen est pas une, on peut dire qu'il existe presque autant de modèles de Français hors de France que de Français. Une des frontières invisibles se situant entre les natifs et les non natifs de Tunisie, une autre entre les générations et lappartenance à lune ou lautre culture, plus ou moins revendiquée, plus ou moins prégnante selon les individus, le milieu, le parcours scolaire et la ou les langues couramment pratiquées.
COMBIEN SONT ILS ?
Ils étaient moins de 10 000 à la fin des années 90.
Aujourdhui,officiellement , c'est-à-dire immatriculés au registre auprès du consulat,général de France en Tunisie les Français sont au nombre de 22 247 en 2012, 23 030 à fin 2013 ( sur un total d'environ 2 Millions ) soit une augmentation dapproximativement 3.6 %
Cest une progression constante depuis plusieurs années et les demandes dacquisition de nationalité française croissent régulièrement : 168 en 2013 contre 105 en 2012.
Le nombre délecteurs ( donc plus de 18 ans) inscrits sur la liste électorale 2014 est de 15 678.
Officieusement , la population totale est estimée à environ 30 000, linscription au registre nétant pas obligatoire, sauf pour les demandes de bourses scolaires ou daides sociales, le renouvellement de documents didentité et en cas de mariage.
Beaucoup de Français se sont immatriculés ou ont régularisé leur inscription grâce à la simplification administrative, l'accessibilité du Consulat par internet, la diffusion de l'information et au moment des évènements de fin 2010 début 2011, suite aux appels lancés à la vigilance dans un environnement où la sécurité civile était menacée. A noter que peu dentre eux, malgré des doutes et des velléités de départ, ont quitté la Tunisie.
Leur répartition géographique : plus de 60 % au nord et 25 % sur la côte plus au sud. Ils sont principalement installés dans le grand Tunis, en banlieue nord, à Sousse Monastir , Hammamet Nabeul et Jerba Zarzis ;
Les enfants porteurs de la double nationalité, majoritaires donc, sont aussi majoritairement scolarisés dans le système scolaire tunisien, par choix, à cause de léloignement géographique, mais aussi du coût de lenseignement français, pour lequel lattribution éventuelle de bourses scolaires est soumise à des conditions de revenus et dont la demande est renouvelable chaque année.
COMMENT SONT ILS REPRESENTES ?
Des élus locaux élus au suffrage universel, grands électeurs qui élisent 12 sénateurs dune part; dautre part, 11 députés élus au suffrage universel en 2012. Avec la réforme applicable cette année pour la circonscription Tunisie-Libye, et pour 6 ans, il y aura 5 conseillers consulaires membres du conseil consulaire à Tunis et un grand électeur Ils éliront les sénateurs dont le mandat est renouvelable en septembre2014.
La représentation est complète et plutôt exceptionnelle. Rares sont les pays pour lesquels les résidents hors du territoire disposent dune telle représentation.
Les élus locaux membres du conseil consulaire , comme les conseillers municipaux, portent les préoccupations et les thématiques de leurs électeurs. Ils sont comptables de l'argent public, ont voix délibérative dans les comités consulaires mais nont, par contre, pas de compétence décisionnaire budgétaire directe.
COMMENT SONT ILS PERÇUS ?
Après les mots pour dire le phénomène migratoire, trop souvent par des clichés !
Ce sont des rentiers sans soucis, ou des paresseux se contentant de peu , les doigts de pieds en éventail et au soleil, dans une maison bleue et blanche, un palais ou une habitation exotique. Un pays du sud à vocation touristique a nécessairement vocation à être imaginé comme un lieu de villégiature permanent. Et nous alimentons parfois involontairement cette vision , ne voulant pas renier des choix, écorner notre propre image ni celle du pays où nous vivons, certes agréable avec une qualité de vie qui en retient beaucoup, et ce malgré les vicissitudes. Il est donc parfois malaisé de faire partager notre vécu, mais ceci nest pas propre au sujet qui nous intéresse. Cest une question de regard, de prise en compte de la réalité complexe daujourdhui. Pour un expatrié ou évadé fiscal, il y a des milliers de migrants et de résidents permanents actifs, qui traversent les mêmes épreuves et ont les mêmes rêves que ceux dont ils partagent la vie.
Il nen reste pas moins quêtre porteur dun passeport européen offre un luxe inestimable et parfois difficile à faire : celui du choix, et que pour nombre dentre nous, le parcours de vie ne sera pas linéaire.
et en Libye ?
Les Français en Libye forment une communauté restreinte. 740 en 2009-2010, 290 en 2012, seuls 173 sont immatriculés fin 2013; souvent des cadres supérieurs, chefs d'entreprise, essentiellement à Tripoli. l'ambassade a été fermée et évacuée par le personnel diplomatique en février 2011 après le déclenchement de la guerre civile et a été la cible d'un attentat destructeur en avril 2013. Le consul honoraire à Benghazi a été également la cible d'un attentat en juillet 2013. D'autres Français présents depuis longtemps n'ont jamais quitté le territoire.
Par ailleurs, les employés des compagnies pétrolières sont souvent non identifiés auprès des autorités. pour des raisons de sécurité le Ministère des Affaires Etrangères ne communique pas la liste des inscrits sur la liste électorale.
Le Lycée Français de Tripoli a été fermé et poursuit la scolarisation des élèves par le Centre National d'Education à Distance.
Martine VAUTRIN DJEDIDI , dans le mensuel LEADERS de mai 2014
3ichek Si Ali ; rabbi yaamel dlil....................
La fiche d'investissement est délivrée par la BCT (super gentil à Tunis) sur présentation de la demande faite par la banque tunisienne qui a reçu les fonds lors du premier achat.
Le cri d'alarme d'un Bizertin pure souche :
http://www.tuniscope.com/index.php/arti … 2n-i1cfMfx
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