Léa Belooussovitch (°1989, Paris) vit et travaille à Bruxelles. En 2014, elle obtient un master en dessin d’ENSAV La Cambre et est lauréate du Prix MOONENS. En 2018, l’artiste se distingue une nouvelle fois en remportant le Prix du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Léa Belooussovitch est représentée par la Galerie Paris-Beijing (Paris, France).
Au Botanique, Léa Belooussovitch présente "Perp Walk", un projet touchant au rituel du même nom datant des débuts de la photographie judiciaire. Le perp walk définit l’action photographique de capturer, par l’image, le criminel qui sort du tribunal. Préparée en amont, anticipée et mise en scène, l’action du perp walk est presque devenue un style photographique, de nature accusatrice. Les visages se cachent, de honte suprême mais aussi pour ne pas se faire accuser par la photographie, ne pas dévoiler son visage.
Dans son exposition au Botanique, le projet "Perp Walk" prend d’abord la forme de tissus en velours en grands formats sur lesquels sont imprimés des photographies dans lesquelles l’artiste a opéré un recadrage. Ce sont, à l’origine, des images mettant en scène des personnes en train de subir le perp walk : un recadrage très rapproché sur ce qu’il reste des visages, les présentant d’une manière plus intime, et isolée d’un hors-champ absent qui exerce sur eux une pression, un stress.
La mise en scène photographique créée autour d’un individu est aussi le point de départ des nouveaux dessins sur feutre de l’artiste, présentés sous la forme d’un triptyque. Réalisés aux crayons de couleur sur du feutre textile, les dessins ont pour origine une photographie de presse qui a été incisive dans le périmètre intime d’une personne vulnérable, une victime dont la douleur est capturée lors d’un instant très rapide. Par le flou du traitement et le choix des trois points de vue différents du même évènement, la relation au sujet se fait distante et retrouve un certain anonymat, par rapport à ces photographies organisées.
Troisième axe de l’exposition, une vidéo projetée en grand format dans une pièce noire, qui enchaîne des recadrages dans des plans ralentis à l’extrême au moment d’un flash d’appareil photo pendant un perp walk. Images pixélisées qui font s’éterniser le moment de la honte et la rapidité de la vitesse de la lumière, dans un enchaînement sans son.
Aller du pixel au pigment, du pixel à la fibre textile, c’est ainsi dématérialiser l’image jusqu’à sa perte partielle et lui donner le corps physique qu’elle n’a pas. Les liens des fibres non tissées du feutre, tout comme les liens entre les fils du tissu en velours, donnent une force et une structure à l’image, qui la font exister dans un espace.
Les œuvres proposent un moment d’arrêt, une suspension de l’image dramatique qui devient comme un écran, un filtre qui retient la violence crue et à travers duquel les émotions passent.