Émeutes au Royaume-Uni : les expatriés doivent-ils s'inquiéter ?

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Écrit par Ameerah Arjanee le 13 août, 2024
Fin juillet, des émeutes xénophobes ont éclaté au Royaume-Uni suite à la diffusion d'une fausse information accusant un demandeur d'asile d'avoir perpétré une attaque massive à l'arme blanche. Ce mensonge a suffi à déclencher une vague de violence, orchestrée par des groupuscules d'extrême droite qui ont ciblé des personnes de couleur et celles qu'ils soupçonnaient d'être immigrées. Bien que des arrestations aient rapidement été effectuées pour endiguer la violence, l'incident a laissé de nombreux expatriés et même des Britanniques de couleur profondément secoués.

« Fake news », racisme et islamophobie : les origines de ces émeutes

Les dernières émeutes au Royaume-Uni remontent à 2011, provoquées par la mort d'un jeune homme abattu par la police. Touchant principalement les grandes villes comme Londres, Birmingham et Liverpool, ces violences ont fait cinq morts, plus de 200 blessés et ont entraîné des scènes de pillages ainsi que de destructions de biens. La police avait alors arrêté plus de 3000 émeutiers, dont un grand nombre ont été emprisonnés, même pour des délits mineurs.

Cette fois-ci, les émeutes ont été amplifiées par la désinformation numérique. Tout a commencé le 29 juillet, lorsqu'un adolescent britannique a tué trois petites filles lors d'une fête d'enfants à Southport, près de Liverpool. Avant même que la police ne divulgue l'identité de l'assaillant, une rumeur s'est rapidement propagée sur les réseaux sociaux, prétendant qu'il s'agissait d'un réfugié musulman récemment arrivé au Royaume-Uni. Cette fausse nouvelle, d'abord diffusée sur X (anciennement Twitter), a été relayée par un site d'information douteux, devenant virale et incitant des foules d'extrême droite à descendre dans les rues.

Contrairement aux émeutes de 2011, celles de 2024 ont été marquées par une implication bien plus importante et organisée de groupes d'extrême droite, notamment l'English Defense League (EDL). Formée en 2009 en tant qu'organisation nationaliste, l'EDL est ouvertement islamophobe. Bien qu'elle ne se soit pas officiellement qualifiée de groupe suprématiste blanc, elle a été associée à des organisations néonazies et à des crimes de haine contre des personnes de couleur, qu'elles soient musulmanes ou non. L'idéologie nativiste de l'EDL est à l'origine de son opposition farouche à l'immigration et à l'expatriation au Royaume-Uni.

Les personnes de couleur et les musulmans pris pour cible, en particulier dans le nord de l'Angleterre

Les émeutiers d'extrême droite ont ciblé les personnes de couleur et les musulmans, rendant les immigrés, expatriés et demandeurs d'asile particulièrement vulnérables. De nombreux reportages ont relaté ces attaques violentes. À Manchester, un homme noir a été passé à tabac dans un parc public avant l'intervention de la police. Plusieurs femmes musulmanes portant le hijab ont témoigné avoir été victimes de crachats, d'insultes et d'arrachage de foulards. À Liverpool, un musulman a été poignardé alors qu'il attendait son train.

Dans des villes comme Hull et Middlesbrough, des groupes d'extrême droite ont intercepté des voitures pour vérifier la couleur des conducteurs : les non blancs ont été soit bloqués, soit forcés de quitter leur véhicule avant d'être agressés. À Middlesbrough, un étudiant nigérian rentrant de son travail à temps partiel comme aide-soignant a découvert sa voiture incendiée. À Belfast, des commerces appartenant à des immigrés musulmans, notamment des cafés, ont été incendiés. Des hôtels accueillant des demandeurs d'asile ont également été la cible d'incendies, tout comme des mosquées. Les bureaux et domiciles d'avocats spécialisés en immigration ont également été menacés.

Les émeutes ont principalement touché l'Irlande du Nord et le nord de l'Angleterre. L'Écosse et le Pays de Galles ont été épargnés, tandis que les villes du sud de l'Angleterre, y compris Londres, ont connu des troubles de moindre envergure. Le nord de l'Angleterre, confronté à des niveaux de pauvreté plus élevés depuis les années 1980, a vu une montée de la frustration et une tendance à désigner les immigrés comme boucs émissaires. Londres, quant à elle, est relativement épargnée par la violence d'extrême droite grâce à son multiculturalisme et à la présence importante de sa population expatriée.

Conseils aux voyageurs pour le Royaume-Uni et craintes des expatriés

De nombreux pays ont émis des avertissements aux voyageurs concernant le Royaume-Uni en raison des émeutes. La Malaisie, l'Indonésie, les Émirats arabes unis, le Nigeria, le Kenya, l'Inde, l'Australie et la Suède ont recommandé à leurs ressortissants d'éviter les grandes foules et les zones touchées par les troubles. De plus, plusieurs des pays ayant émis des avertissements comptent une population musulmane significative, ce qui expose davantage leurs citoyens résidant au Royaume-Uni à des risques.

Le Royaume-Uni abrite une importante communauté d'expatriés indiens et nigérians. Une expatriée nigériane, que nous avons interrogée, a exprimé son soulagement de vivre à Reading, une ville proche de Londres et largement épargnée par les émeutes. Elle souhaiterait que les loyers à Londres et dans les villes environnantes soient plus abordables, notamment pour les jeunes expatriés comme elle, afin de pouvoir continuer à résider dans cette région où elle se sent en sécurité en tant que femme de couleur et immigrée. Bien qu'elle puisse déménager dans des zones moins chères, elle préfère rester dans un environnement où elle se sent en sécurité, loin des menaces de l'extrême droite.

Une autre expatriée que nous avons interrogée exprime sa peur en tant que femme de couleur, musulmane et portant le voile. Les avis de sécurité l'ont poussée à douter de la pertinence de la visite de sa famille au Royaume-Uni cet été. Si elle confirme leur visite, elle prévoit de les accueillir à l'aéroport en taxi pour garantir leur sécurité, plutôt que de les laisser voyager seuls. Actuellement, elle évite également de sortir tard le soir pour se protéger.

De nombreuses personnes ont dû annuler et reprogrammer leurs voyages à travers le pays, comme le confie une étudiante britannique. « J'ai dû annuler une excursion à la station balnéaire de Clacton-on-Sea avec mes amis de l'université, qui sont des étudiants internationaux. La raison en est que cette localité est un bastion du parti d'extrême droite, le Reform Party. » Il était troublant, pour elle, de réaliser que ses amis venant de pays d'Afrique pourraient être à risque en raison de leur couleur de peau pendant les semaines d'émeutes, tandis que d'autres étudiants étrangers, blancs, venant des États-Unis et d'Espagne, seraient moins affectés. « Mes amis étaient également soulagés d'annuler le voyage. »

Certains employeurs ont été particulièrement attentifs aux risques que les employés de couleur peuvent courir en se rendant au bureau pendant les émeutes. Selon le magazine RH People Management, certaines entreprises ont permis aux travailleurs à risque d'adapter leurs heures de départ ou d'arrivée, de travailler à domicile ou d'être accompagnés par un collègue lorsqu'ils quittent le bureau le soir, afin de garantir leur sécurité.

La rapidité de la justice et les manifestations antiracistes ont rassuré les travailleurs

Malgré l'effroi suscité par la situation, la réactivité du gouvernement britannique a été rassurante. Les nombreuses manifestations de solidarité antifasciste et antiraciste de la société civile ont également apporté un certain réconfort.

En un peu plus d'une semaine, plus de 700 émeutiers ont été arrêtés, dont plus de 300 ont déjà été condamnés. Les tribunaux fonctionnent 24 heures sur 24 pour accélérer les procédures. Bien que la diffusion en direct des procès soit rare au Royaume-Uni, la condamnation des émeutiers à la Liverpool Crown Court a été retransmise en direct dans ce contexte exceptionnel, afin de dissuader toute nouvelle agitation. Le gouvernement a averti que les émeutiers risquent jusqu'à 10 ans de prison.

L'incitation à la haine raciale en ligne est également sévèrement réprimée. L'épouse d'un conseiller municipal a été arrêtée pour avoir tweeté en faveur de l'incendie d'hôtels accueillant des demandeurs d'asile : elle risque une peine d'emprisonnement d'un an et demi. Une deuxième femme, soupçonnée d'avoir rédigé le faux tweet à l'origine des émeutes, a également été interpellée à son domicile. Les services de renseignement de la police scrutent les plateformes de médias sociaux pour identifier ceux qui, derrière leur écran, incitent à la violence d'extrême droite. Certaines personnes ont déjà été arrêtées pour avoir partagé des mèmes incitant au meurtre d'immigrés.

La société civile s'est mobilisée pour exprimer sa solidarité avec les immigrés, les personnes de couleur et les musulmans. Les inquiétudes concernant de nouvelles émeutes d'extrême droite dans plusieurs villes se sont apaisées grâce aux contre-manifestations antifascistes, qui ont attiré des foules plus nombreuses. Les immigrés et les étudiants étrangers dont les biens ont été endommagés ont bénéficié d'un large soutien, y compris financier. Des campagnes de crowdfunding, par exemple, ont été organisées pour reconstruire les petits commerces musulmans incendiés à Belfast et l'étudiant nigérian dont la voiture a été brûlée a reçu un nouveau véhicule de la part de son employeur. Ces actions devraient rassurer les expatriés au Royaume-Uni, leur montrant qu'une grande partie de la population britannique, ainsi que le gouvernement et la société civile, les soutiennent face à la xénophobie violente.

Un expatrié mauricien à Birmingham nous fait part de sa réaction aux émeutes. « Le premier jour, lorsque j'ai eu vent des rumeurs, j'avais prévu de prendre un pot avec mes collègues après le travail, mais j'ai décidé d'annuler pour rester chez moi. » Plus tard dans la soirée, alors qu'il consultait les réseaux sociaux, il a été soulagé de constater que l'extrême droite n'était finalement pas apparue comme le prétendaient les rumeurs et, qu'à la place, une grande foule antifasciste s'était rassemblée pacifiquement dans la rue.

A propos de Ameerah Arjanee

Ameerah est chargée de cours et tutrice privée enseignant l'espagnol et le mandarin à l'île Maurice. Elle a aussi été traductrice indépendante, éditrice et rédactrice de contenu pendant une décennie. Elle a vécu à Madrid et à Pékin.