Installée au Japon depuis près de 40 ans, Sublime, la fondatrice de La Petite École Solidaire, a su transformer les défis posés par la pandémie de COVID-19 en une opportunité pour aider les enfants franco-japonais à développer leur maîtrise du français. Dans cette interview, elle nous partage son parcours, les origines de La Petite École Solidaire et les défis rencontrés par les familles bi-culturelles au Japon.
Pouvez-vous nous parler de vous et de votre parcours ?
Je vis au Japon depuis près de 40 ans. J'ai fait carrière dans le spectacle vivant, mais la pandémie de COVID-19 a bouleversé de nombreux aspects de ma vie professionnelle.
Pouvez-vous présenter La Petite École Solidaire à nos lecteurs ? Quelles sont ses principales missions et objectifs ?
La Petite École Solidaire s'adresse principalement aux enfants franco-japonais scolarisés dans le système japonais. Notre objectif est de leur offrir un espace où ils peuvent pratiquer le français en dehors du cadre familial, tout en développant leur vocabulaire et en apprenant à lire et écrire en français. Nous les accompagnons afin que la langue française ne devienne pas un obstacle, en particulier s'ils décident à un moment donné de leur parcours scolaire de passer dans un système d'enseignement en français, ce qui se produit souvent lors de l'entrée en 6e ou au début des études supérieures.
Comment est née La Petite École Solidaire ?
La Petite École Solidaire est née en plein cœur de la pandémie de Covid-19. Avec le développement des outils de communication à distance et les changements radicaux provoqués par le confinement, même si celui-ci était moins strict au Japon qu'en France, trois amis et moi avons décidé de mettre en commun nos compétences pour créer une petite école en ligne. Cela permettrait aussi aux familles éloignées des grandes villes comme Tokyo ou Kyoto, où se trouvent les écoles françaises, d'entrer en contact avec d'autres familles dans la même situation. Nous avons rapidement constaté que même les familles vivant en ville étaient intéressées par cette initiative.
Quelles ont été les principales évolutions de l'école depuis sa fondation ?
Nous avons commencé par des veillées francophones en ligne deux fois par mois sur Zoom. Face au succès de cette formule, nous avons ajouté des veillées « Un soir, un son » pour initier les enfants à la lecture, puis « Un soir, un thème » pour développer leur vocabulaire. Ensuite, il y a eu une demande pour des cours de français FLAM, de lecture/écriture, ainsi que des préparations au DELF Prim, DELF B1 et B2 pour les adolescents.
Actuellement, nous cherchons un lieu où nous pourrions organiser des sessions en présentiel deux à quatre fois par mois. Nous prévoyons également un projet pédagogique sur le thème du cycle de l'eau, qui se déroulera en ligne et en présentiel, avec des productions telles que des kamishibaïs, des articles, des podcasts et des vidéos, en fonction de l'âge des enfants.
Comment La Petite École Solidaire aide-t-elle les enfants de familles bi-nationales ou bi-culturelles à maîtriser la langue française au Japon ?
Nos veillées francophones en ligne jouent un rôle essentiel. À travers des activités ludiques comme les jeux, les chants, les quiz, les histoires et le dessin, les enfants apprennent à utiliser le français dans un contexte différent de celui de la maison. Cela leur permet de gagner en confiance et de se faire des amis tout en pratiquant la langue.
Quels sont les principaux défis rencontrés par les familles bi-culturelles au Japon et comment votre école les aide-t-elle à les surmonter ?
Lorsque les enfants binationaux sont scolarisés dans le système japonais, le japonais devient souvent la langue dominante à la maison. Nous offrons une approche ludique pour encourager l'usage du français, en leur permettant de se faire des amis francophones et en les motivant à développer cette partie de leur identité linguistique.
Y a-t-il des défis propres à l'apprentissage du français alors que la langue la plus parlée est le japonais ? Quels conseils avez-vous pour les parents d'enfants franco-japonais ?
Le japonais et le français sont des langues très différentes, avec des structures grammaticales souvent opposées. Par exemple, le français suit une structure sujet/verbe/complément, tandis que le japonais commence par le contexte et termine par le verbe, sans forcément mentionner le sujet.
Mon conseil principal aux parents serait de ne pas rendre l'apprentissage du français stressant ou pesant. Les enfants FLAM ne partent pas de zéro, ils ont déjà une certaine maîtrise de la langue, même si leur grammaire interne peut être un peu désorganisée. Il est donc important de procéder en douceur, avec un renforcement positif, pour les encourager à structurer leurs connaissances tout en leur donnant confiance.
Pouvez-vous nous parler des programmes pédagogiques que vous proposez, comme les cours de lecture-écriture et les préparations au DELF Prim ?
Pour les cours de lecture-écriture, nous utilisons la méthode Léo et Léa (éditions Belin), qui offre une progression claire et adaptée. En ligne, nous travaillons à travers des diaporamas et les parents reçoivent un kit de devoirs pour que les enfants puissent s'entraîner à l'écriture.
Nous prévoyons d'utiliser également du matériel Montessori dès que nous pourrons organiser des cours en présentiel, afin d'initier les plus jeunes enfants à la lecture et à l'écriture.
Pour les préparations au DELF Prim, nous utilisons des manuels existants tout en restant attentifs à la concentration des enfants, particulièrement lors des cours en ligne. Si nous sentons que l'attention diminue, nous passons à une activité plus ludique tout en restant dans le cadre des compétences à développer.
Comment FLAM Monde soutient-elle La Petite École Solidaire dans ses missions ?
FLAM Monde a joué un rôle clé dans notre développement. Lors de nos débuts, face aux défis administratifs, leurs conseils et leur soutien nous ont permis de réussir notre demande d'aide au démarrage auprès de l'AEFE, après un premier échec. De plus, faire partie de la Fédération FLAM Monde nous a aidés à gagner en confiance et à nous sentir légitimes. Nous avons également pris conscience que nos doutes et difficultés étaient partagés par d'autres associations, ce qui nous a encouragés.
Quelles ressources et outils La Petite École Solidaire offre-t-elle aux parents pour soutenir l'apprentissage de leurs enfants ?
Nous partageons le matériel pédagogique utilisé en cours avec les parents, et notre site propose des histoires, vidéos, chansons et autres contenus pour les membres adhérents. Cependant, la création de contenu reste un point à améliorer pour mieux soutenir les parents.
Quelle est votre vision pour l'avenir de La Petite École Solidaire ?
Nous espérons toucher un plus grand nombre de familles, créer une véritable communauté d'entraide, enrichir nos contenus en ligne et développer nos activités en présentiel dans un cadre convivial.
En tant qu'expatriée, quel conseil donneriez-vous aux familles qui s'installent au Japon ?
Je préfère éviter de donner des conseils trop généraux, car chaque famille vit une expérience unique. Cela dit, il est essentiel de rompre l'isolement rapidement, notamment pour le parent qui n'est pas au travail, surtout au Japon où la langue peut être une barrière à la socialisation. Mon conseil serait de rejoindre les associations de la communauté française et de chercher des activités locales pour rencontrer des Japonais. Même quelques mots d'anglais, ou des gestes, peuvent faciliter les interactions et créer des moments de partage. Le Japon est un pays où l'on apprend à avoir l'air "bête" avec élégance !
Qu'est-ce qui vous passionne le plus dans votre travail avec La Petite École Solidaire ?
J'adore interagir avec les enfants ! J'aime réfléchir à des contenus qui permettent à leur esprit de s'épanouir en français, même en ligne. Ce que je préfère, c'est voir cette petite étincelle dans leurs yeux, ce moment où ils comprennent quelque chose, ce ‘tilt', cet ‘eureka'...
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