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L'après cyclone Garance : explosion des prix des légumes à l'île Maurice

legumes a Maurice
Phuong D. Nguyen / Shutterstock.com
Écrit parOummé Deedarun-Guérinle 05 Mars 2025

Le cyclone Garance a profondément bouleversé l'équilibre agricole à Maurice. Si les précipitations ont été accueillies comme une bénédiction après une période de sécheresse intense, elles ont aussi déclenché une flambée des prix qui affecte durement le budget des ménages. Plongée dans un marché en pleine tempête où les agriculteurs et consommateurs tentent de garder la tête hors de l'eau.

Des pluies attendues, mais accompagnées de difficultés

« Enfin de l'eau ! » C'est le soupir de soulagement poussé par de nombreux agriculteurs après des mois de sécheresse implacable. Contrairement aux craintes initiales, le cyclone Garance n'a pas causé de dégâts majeurs aux cultures vivrières de l'île. Ces précipitations représentent une véritable bouffée d'oxygène pour les plantations locales, comme le souligne Jacqueline Sauzier, secrétaire générale de la Chambre d'Agriculture : « Ces pluies étaient vitales pour relancer nos cultures après des conditions climatiques particulièrement difficiles ces derniers mois. »

Mais la médaille a son revers. Dans certaines régions comme Mare d'Australia et Poste-de-Flacq, l'eau qui stagne dans les champs menace désormais les récoltes. Les agriculteurs jonglent entre soulagement et inquiétude, scrutant leurs parcelles où les accumulations d'eau pourraient compromettre la qualité des légumes. La gestion de ces excès d'eau est devenue leur nouvelle priorité pour sauver ce qui peut l'être.

Une production déjà durement touchée

Le mal était fait bien avant l'arrivée du cyclone. La canicule et le manque d'eau ont sabré la production locale de moitié en 2024 par rapport à l'année précédente, selon les données alarmantes de la Small Planters Association (SPA). Les terres asséchées ont forcé de nombreux agriculteurs à ralentir leurs activités, créant des pénuries sur plusieurs produits essentiels.

« Les semis reprennent enfin grâce aux conditions plus favorables, mais patience, » tempère Kreepalloo Sunghoon, secrétaire de la SPA. « Il faudra attendre encore 15 à 20 jours avant de voir les premiers fruits de cette reprise sur les marchés. » En attendant, la demande pour les légumes locaux reste forte, tirant les prix vers le haut.

Le portefeuille sous pression

Le passage du cyclone Garance a exacerbé une situation déjà tendue pour les habitants. Les prix des légumes ont connu des hausses spectaculaires : la tomate, par exemple, est passée de Rs 60-70 à Rs 110 et le piment a vu son prix doubler, atteignant Rs 200 le kilogramme. Des augmentations similaires concernent des produits de base comme le chou, désormais vendu entre Rs 125 et Rs 135, ainsi que les haricots verts et laitue, dont les prix varient respectivement entre Rs 150 pour ½ kg et Rs 50-60 l'unité. Cette flambée des prix transforme le panier de courses des consommateurs en un luxe, alors qu'ils sont déjà confrontés à des coûts de production en constante augmentation.

Cette flambée s'explique par un cocktail de facteurs. D'abord, l'offre limitée face à une demande stable crée mécaniquement une pression à la hausse. Ensuite, les agriculteurs font face à une augmentation des coûts de production, notamment sur les engrais et les semences, qu'ils répercutent sur leurs prix de vente.

La valse météorologique, sécheresse prolongée suivie de pluies abondantes, a également perturbé les cycles naturels de récolte. Certains légumes à feuilles profitent de l'eau nouvelle, tandis que les racines et tubercules souffrent de l'excès d'humidité. Cette disparité crée des déséquilibres supplémentaires sur les marchés.

Les consommateurs contraints de s'adapter

Face à cette inflation galopante, les familles réinventent leur alimentation pour faire face à la hausse des prix. Kreepalloo Sunghoon, porte-parole des petits agriculteurs, offre un conseil pratique aux consommateurs : « Achetez pour 2-3 jours maximum. » Les légumes post-cyclone, gorgés d'eau, se conservent moins bien et risquent de se gâter rapidement. 

Une gestion prudente des achats permettrait d'éviter le gaspillage et d'atténuer l'impact des prix élevés. D'autres astuces incluent l'optimisation des produits locaux en saison pour limiter les achats coûteux et favoriser des alternatives plus abordables. Enfin, la préparation de repas plus simples, mais nutritifs à partir d'ingrédients de base peut aussi aider à mieux gérer son budget alimentaire.

Le contrôle des prix

Le gouvernement a déjà annoncé des réformes visant à contrôler les prix des légumes surgelés et en conserve pour soulager les consommateurs. Mais ces mesures devront être appliquées avec discernement pour ne pas pénaliser davantage les producteurs locaux déjà sous pression.

Le plafonnement des marges sur les légumes transformés offre un répit immédiat, mais est-ce une réponse durable à la crise ? Cette mesure traite les symptômes plutôt que les causes profondes du problème. Les distributeurs pourraient réagir en réduisant la qualité de leurs produits, tandis que rien n'est fait pour renforcer la production locale face aux défis climatiques. Une stratégie véritablement responsable exigerait des investissements dans les infrastructures agricoles, l'irrigation et la recherche de variétés résistantes. Sans ces changements structurels, Maurice risque de dépendre continuellement d'interventions gouvernementales temporaires, au lieu de construire un système alimentaire résilient et autonome.

Des solutions durables deviennent indispensables

Cette crise met en lumière les vulnérabilités profondes du secteur agricole mauricien face aux aléas climatiques. Pour réduire la dépendance aux importations coûteuses, l'île doit investir dans des solutions à long terme.

L'adoption de pratiques agricoles plus résilientes comme l'irrigation contrôlée et le stockage efficace de l'eau permettrait de mieux gérer les ressources hydriques face aux conditions extrêmes qui deviennent la nouvelle norme. Ces technologies ne sont plus un luxe mais une nécessité pour garantir la sécurité alimentaire de l'île.

Un secteur à la croisée des chemins

Le passage du cyclone Garance a relancé les débats sur l'avenir de l'agriculture mauricienne. Bien que les pluies aient offert un répit bienvenu, elles soulignent aussi l'urgence d'une transformation plus profonde du secteur.

La hausse des prix actuels n'est qu'un symptôme d'un système agricole vulnérable aux chocs climatiques. Pour les agriculteurs comme pour les consommateurs, l'enjeu est désormais d'apprendre à naviguer dans cette nouvelle réalité où les extrêmes climatiques dictent le contenu des assiettes et le poids des portefeuilles.

Une chose est certaine : le coût des légumes raconte aussi l'histoire d'une île qui doit repenser son rapport à l'agriculture et au climat pour assurer sa résilience alimentaire face aux tempêtes à venir, qu'elles soient météorologiques ou économiques.

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A propos de

Après une carrière en informatique en France, j’ai choisi de revenir à l’île Maurice, où je suis née, avec mon mari et mes deux enfants en 2011. Depuis près de 10 ans, je travaille comme rédactrice de contenu web et traductrice indépendante.

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