D'où viens-tu, Dominique, et que fais-tu dans la vie ?
J'ai 60 ans et suis résidente en Argentine depuis septembre 2008. Nous étions venus en vacances en 2007 à deux reprises. Nous avions décidé de venir afin de connaitre l'Amérique du Sud que nous ne connaissions pas du tout. Nous connaissions mieux les autres continents, l'Europe bien sûr; puis le continent indien pour y avoir habité 6 ans, et l'Asie pour avoir vécu en Thaïlande pendant 4 ans environ.
Comment s'est passée ton installation en Argentine ?
Nous n'avons pas rencontré de problèmes particuliers, ayant l'habitude d'être expatriés et sachant faire les démarches. Nous avions acheté un terrain en 2007 et avions fait construire notre maison via un architecte. La mauvaise surprise fut le manque de respect des délais (comme à peu près partout). La maison promise terminée en mai 2008, nous avions pris une marge de sécurité en décidant de venir le 1er septembre. Mais finalement, nous avons emménagé mi-octobre après avoir passé un mois et demi à l'hôtel. Lors de notre emménagement, rien n'était fini, ni la piscine ni les abords, ni l'étage. Nous vivions au rez de chaussée uniquement. Les derniers ouvriers sont partis en début janvier 2009. Compte tenu de notre désir de partir, nous avons vendu l'an dernier et occupons pour l'instant une seconde maison que nous avions construite et qui est en vente également.
Qu'est-ce qui t'a attirée vers Cordoba ?
Nous avions rencontré des expatriés sur des forums et notre choix a été guidé par plusieurs choses. Nous souhaitions déjà un climat relativement chaud (semblable à celui de la Côte d'Azur à peu près). Notre souhait était de vivre au calme, donc à la campagne, mais avec les avantages de la ville pas très loin. C'est ce qui a dicté notre choix. Nous sommes à 7 kilomètres d'une ville de taille moyenne (40 000 habitants) où nous trouvons tout ce qui est nécessaire au quotidien. Et si nous cherchons un centre plus important, nous sommes à 30 minutes du centre de Cordoba qui est la deuxième ville d'Argentine et qui offre quasiment tout ce que l'on peut espérer ou nécessiter, notamment des centres de pointe au niveau médical. Ce qui n'est pas négligeable en vieillissant. Nous sommes un couple reconstitué.
Quelles étaient les procédures à suivre pour s'expatrier en Argentine ?
Un des gros avantages de l'Argentine est sa facilité dans les démarches d'immigration. Nous avons fait en une journée notre visa « rentier » à Paris. Puis, arrivés ici, nous sommes allés à l'immigration et avons commencé le processus de résidence temporaire afin d'aboutir au bout de deux renouvellements, donc trois ans à la résidence permanente. Si l'on prend soin d'avoir tous les documents nécessaires le processus est très simple. Il faut seulement aller tôt le matin à l'immigration car il y a souvent beaucoup de monde (arriver à 6h alors qu'ils ouvrent à 8h. Ce qui n'est pas toujours agréable quand votre renouvellement tombe en plein hiver comme le nôtre, car il fait froid à cette heure le matin). Ensuite, il faut soumettre les papiers et attendre jusqu'à environ la mi-journée pour sortir avec son « nouveau » visa.
Des procédures de simplification seraient encore possibles parce que par exemple, le fait d'aller à l'immigration, d'obtenir après étude du dossier un ticket, pour aller payer les frais de visa dans une banque qui est à une demie-heure à pied pour revenir ensuite est ridicule. Ils simplifieraient les choses en encaissant les fonds eux mêmes ce qui éviteraient les allers-retours, comme ils le font en Thaïlande par exemple. Mais en général, sauf point de détail, le processus est simple.
Qu'est-ce qui t'as le plus surpris à ton arrivée à Cordoba ?
Je n'ai pas eu de grosses surprises à l'arrivée. Les surprises ont commencé au bout de plusieurs mois. Nous étions venus en 2007 alors que la situation de l'Argentine était en voie de grande amélioration. Peu à peu, le pays s'est à nouveau enfoncé dans une voie, selon moi, peu souhaitable. Les importations ont été fermées peu à peu et sont maintenant quasi totalement arrêtées. On arrive à des situations ubuesques. Mon réfrigérateur, acheté ici il y a un an, n'a plus de pièces de rechange disponibles. Donc ma centrale à glaçons ne fonctionne plus et aucun moyen de réparer. Ce modèle n'existant pas en France, je ne peux pas non plus me faire envoyer la pièce.
Idem pour la nourriture. On ne trouve plus de produits importés. Varier les menus est très difficile. Beaucoup moins de variétés de fruits et légumes que dans beaucoup d'autres pays et encore moins de variétés de viandes. A part le bœuf et le poulet et moins le porc, peu de choses sont disponibles : pas de gibier, ni de canard, ni d'oie, ni de cailles, quasiment aucun poisson frais (seulement de la morue et quelques poissons de rivière), pas d'huitres ni de fruits de mer sauf des crevettes congelées. L'année dernière, c'était pire que tout. J'avais commandé depuis septembre des langoustes pour Noël (congelées de Cuba, mais bon...). Mon poissonnier m'a dit ne pas pouvoir en obtenir.
Vu la fermeture des importations les prix des vêtements fabriqués localement augmentent et la qualité est très moyenne voire basse. Idem pour les chaussures. A qualité égale, les vêtements sont plus chers ici qu'en France si l'on sait acheter en France et profiter des discounts, soldes etc. Les « discounters » n'existent pas ici.
Une idée reçue qui s'est avérée fausse ?
Le miracle argentin vanté dans la presse européenne prend l'eau. La pauvreté atteint quasiment les 30% de la population. L'inflation est galopante (un taux qui a frôlé les 40% en 2014). L'idée que l'Argentine est une destination bon marché est fausse. Compte tenu d'un marché parallèle des devises permettant à ceux qui arrivent avec des dollars ou des euros au marché noir et les vendent 50% plus cher qu'au cours officiel, ce qui est d'ailleurs illégal, cela peut encore être attrayant pour les touristes (ça l'est redevenu alors qu'il y a 2 ans c'était cher même pour les touristes). Mais ceux qui doivent vivre ici avec un revenu argentin (donc à part les rentiers, retraités ou les expatriés de grosses entreprises) ont des problèmes, et il y a eu pas mal de départs. Une personne qui a une retraite française qui augmente de 1% par an, ne peut pas à long terme subir des hausses de 20, 25, voire 35 à 40% par an sans voir son pouvoir d'achat fortement amputé et rapidement la situation n'est plus viable. Autour de nous, il y a eu encore trois départs en fin 2014 de personnes qui étaient venues pour finir leurs jours ici.
As-tu eu à rechercher un logement ? Quels sont les types de logements qui y sont disponibles ?
Nous avons construit. Il existe des possibilités de location mais c'est compliqué pour les étrangers car les propriétaires demandent de fortes garanties, et souvent la garantie demandée est un bien immobilier dont on est propriétaire en Argentine. L'avantage en construisant est d'avoir un cadre de vie correspondant à ce que l'on souhaite et à l'endroit souhaité. Nous avons choisi un petit « barrio » privé où nous avons un cadre de vie idyllique. Mais cela peut se refaire ailleurs. La qualité de la construction est en générale très moyenne ici. Les Argentins ne sont pas encore habitués au double vitrage, au fait d'isoler les maisons, etc. Jusqu'à présent, le gaz ne leur coûtait pas cher. Peut-être que les hausses successives et le fait que le pays doit importer beaucoup de carburant feront changer les choses.
Que penses-tu du mode de vie des Argentins, particulièrement à Cordoba ?
Les Argentins vivent très tard le soir et ont des horaires très différents des nôtres. Les repas sont décalés, souvent vers 13 ou 14 h voire plus le week-end. Idem le soir. Il est rare de passer à table avant 21h, voire 22h. Nous avons aussi été surpris de voir à quel point les Argentins vivent à crédit et s'endettent. Ils paient beaucoup de choses par cartes et par mensualités. Il n'est pas rare de voir des gens au supermarché payer une addition de 150 pesos (soit 10 euros environ) en 3 ou 4mensualités, bien sûr avec les intérêts inhérents.
Nous avons par ailleurs souffert du manque de fiabilité et de la lenteur et du manque d'implication commerciale. Il faut relancer pour obtenir le déplacement d'une entreprise. Ils arrivent systématiquement en retard, il faut faire des heures de queue à la banque... Les Argentins sont passifs quand on leur fait remarquer et disent que « ça a toujours été comme ça ». Seuls ceux qui ont étudié ou qui ont vécu à l'étranger se rendent compte que cela se passe différemment ailleurs.
As-tu eu des difficultés d'adaptation à ton nouvel environnement ?
Nous pensions, s'agissant d'un pays catholique, que nous serions culturellement plus proches d'eux que des asiatiques. En fait je trouve que l'écart est plus important ici. Je suis vraiment lasse du manque d'implication de la population et du « laisser faire, laisser aller » général.
Que fais-tu généralement pendant ton temps libre ? Quels sont les loisirs accessibles aux expatriés à Cordoba ?
Cordoba offre des tas de possibilités, théâtres, cinémas, restaurants (même si nous souffrons dans ceux-ci du même manque de variété que lorsque nous cuisinons chez nous). Il existe aussi des clubs de sport, bien sûr les autres régions à découvrir, les beaux paysages, les rios.... Un point important pour ceux qui ont des animaux de compagnie : ceux-ci ne sont quasiment admis nulle part, ni dans les hôtels, ni au restaurant.
Quel est ton avis sur le coût de la vie à Cordoba et en Argentine en général ?
J'ai quitté la France depuis longtemps et je ne peux donc donner un vrai avis. Il est clair que la vie est encore moins chère en Argentine. Par contre, le manque de choix et d'opportunités est très pesant. Tout ne se résume pas au coût en matière de qualité de vie. L'Asie est bien moins chère que l'Argentine et on y a tout disponible alors qu'ici on trouve de moins en moins de choses.
Ton pays natal ne te manque-t-il pas ?
Non, la France ne me manque pas. C'est un pays magnifique, mais j'ai décidé d'en partir compte tenu d'inconvénients majeurs qui s'y posent.
Des conseils aux personnes qui souhaiteraient s'expatrier en Argentine ?
Ne pas venir sans avoir trouvé un emploi, ou des revenus confortables à l'étranger permettant de vivre ici. Faire plusieurs séjours et se positionner lors de ces séjours avec l'optique « expatrié », c'est-à-dire, en ouvrant les yeux sur ce qu'on trouve ou pas, et faire son choix en fonction de la capacité que l'on a de supporter à long terme le style de vie et les manques rencontrés, notamment en matière alimentaire.
Tes projets d'avenir ?
Je quitte définitivement l'Argentine cette année-ci pour les raisons ci-dessus évoquées, et ce sera sans regret et sans volonté d'y revenir, mais également sans amertume. Nous avons découvert une autre culture, et c'était également le but. Nous regrettons juste de partir alors que nous pensions que l'Argentine serait notre dernière étape de vie.