Quelle est votre définition du terme « éco-expat » et comment peut-on le devenir ?
Je ne pense pas qu'il y ait de définition exacte à ce terme. Je pense cependant que chacun, quel qu'il soit, devrait prendre conscience de l'importance de préserver l'environnement. Là où je pense cependant que l'expat joue un rôle important dans cette prise de conscience, c'est lorsqu'il sensibilise, aide à sensibiliser et/ou informe les populations locales.
Certains pays sont moins développés que d'autres et ont pris beaucoup de retard sur des choses basiques et qui, pourtant, sont indispensables pour préserver l'environnement. Je pense, par exemple, au tri sélectif ou au recyclage des déchets. Les habitants de ces pays, n'ont pas conscience et ne connaissent pas les répercussions que va avoir sur l'environnement le fait, par exemple, de brûler des déchets.
Le manque d'infrastructures et le manque d'informations jouent un rôle important dans cette apparente insouciance. C'est là où il est important d'intervenir. Alors, non, je ne nous vois pas comme le sauveur européen, mais plutôt comme une personne ayant eu la chance de grandir dans un pays sans guerre et/ou beaucoup de citoyens sont sensibles au sujet de l'écologie.
En Europe, il est extrêmement facile d'être informé sur ces questions. Tous les pays n'ont pas cette chance. Je pense notamment au Sri Lanka qui sort tout juste de 27 ans de guerre civile. Depuis qu'elle est terminée, la priorité a été donnée à la reconstruction d'un pays meurtri et non pas à l'écologie, ce qui est plus compréhensible. Et pourtant, bien que les priorités du gouvernement soient ailleurs, de nombreux habitants se soucient du problème de l'écologie mais ne savent ni quoi faire ni par où commencer.
En tant qu'expat, qu'est-ce qui vous a fait prendre conscience de l'importance de préserver l'environnement ?
Honnêtement, l'écologie et notre façon de consommer étaient déjà dans nos priorités avant même d'être expatriés. Néanmoins une chose est certaine, vivre au Sri Lanka a renforcé nos positions. Depuis que nous sommes ici, nous faisons davantage attention à notre façon de consommer. C'est simple : nous ne consommons que ce dont nous avons besoin.
Le plastique à usage unique est un véritable fléau, on en retrouve partout et principalement dans les rivières. Il était inconcevable pour nous de participer à cette catastrophe. Nous avons donc adapté notre comportement en conséquence. Vivre dans un pays où l'écologie n'est pas une priorité nous a forcés à faire d'autant plus attention en limitant, par exemple, au maximum notre production de déchets.
Au Sri Lanka, le tri sélectif est quasiment inexistant. Dans la majeure partie du pays, les déchets sont brûlés et ou enterrés. Il est quasiment impossible de trouver des poubelles dans les rues des villes et les déchets jonchent le sol. Dans certaines régions, des décharges à ciel ouvert ont été mises en place à défaut de savoir quoi faire de l'accumulation de déchets. Et vous savez ce qui est d'autant plus catastrophique ? Les éléphants y sont souvent aperçus en quête de nourriture ! Comment ne pas être sensible aux problèmes liés à l'écologie après avoir entendu ça ?
Le Sri Lanka vit actuellement sa plus grosse catastrophe écologique suite à l'incendie sur le porte-conteneurs X-Press Pearl au large des côtes dans un endroit prisé des dauphins.
Le navire transportait 1 486 conteneurs chargés de nombreux produits chimiques, dont 25 tonnes d'acide nitrique et 28 conteneurs contenaient des granulés de polyéthylène, destinés à l'industrie de l'emballage. Des tonnes de billes de polyéthylène se sont déjà déversées dans l'océan et accompagnées d'autres débris de pétrole brûlé, ils sont arrivés sur les plages de la côte ouest de l'île il y a quelques jours. L'océan est contaminé, les fonds marins sont en danger, c'est tout un écosystème qui est en train de mourir. Des dizaines d'animaux morts ont déjà été retrouvés comme des poissons-perroquets, des raies et des tortues. Ce n'est qu'une question de jours avant que toutes les côtes sri lankaises soient elles aussi en proie à cette catastrophe. Là encore je me pose une question : comment ne pas prendre conscience de l'importance de préserver l'environnement ?
Si nous ne changeons pas maintenant nos habitudes, si nous ne prenons pas enfin conscience de l'importance de préserver l'environnement, quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? Je pense que nous avons tous remarqué à quel point la nature se portait mieux lorsque le monde entier était à l'arrêt suite à la pandémie mondiale. Alors qu'attendons-nous pour agir ?
Quels sont, selon vous, les bons gestes à adopter en tant qu'expatriés pour être des acteurs du changement ?
Il faut avoir conscience que chaque geste compte et que chacun doit faire ce qu'il peut et surtout sans recevoir de pression de personne. Changer ses habitudes est un long processus et prendre conscience que l'on doit le faire est la première étape pour être acteur du changement.
Je pense que le problème pour la plupart des personnes est de savoir par où commencer. Alors commençons par faire simple, en faisant des efforts à la maison, dans notre quotidien. Par exemple, n'utiliser plus de plastique à usage unique.
Lorsque vous faites vos courses prenez systématiquement des sacs lavables. Même chose au rayon des fruits et légumes, fabriquez des petites pochettes en tissus lavables et rangez-les à l'intérieur. Abandonnez également la cellophane et le papier d'aluminium, achetez des tupperwares.
Selon moi, une des pièces de la maison qui est la plus facile à convertir en zéro déchet c'est la salle de bains. Il est devenu très facile de trouver des « shampoo bar », de remplacer le gel douche par du savon, les cotons démaquillants par des lingettes lavables, de remplacer la crème hydratante par de l'huile végétale, etc.
Adopter les bons gestes ne se fait pas que dans la vie de tous les jours. Pour moi, il est indispensable de soutenir les initiatives locales. Par exemple, au Sri Lanka, de nombreux entrepreneurs se sont mis à fabriquer des produits naturels comme du savon, de la lessive ou d'autres produits ménagers. Acheter leurs produits c'est également adopter les bons gestes. De nombreuses coopératives ont également vu le jour, des endroits qui respectent une charte stricte dans laquelle les pesticides ne sont pas autorisés. Là encore, ces endroits doivent être, à mon sens, soutenus.
Enfin, lorsque l'on est expatrié dans un pays, on en profite tous pour le découvrir et le redécouvrir à la moindre occasion. Chaque week-end, chaque jour férié est une excuse pour partir à l'aventure et explorer ce pays dans lequel on vit. Être acteurs des changements ça passe aussi par là. Alors durant ces expéditions, profitez-en pour voyager différemment. En privilégiant, par exemple, les petites structures qui ne vont pas trop consommer, que ce soit en électricité, en eau ou encore en denrées périssables (comme les buffets extravagants). Des petits établissements qui ne sont pas meublés uniquement en produits importés et qui au contraire vont contribuer à l'économie locale.
Lors de vos voyages, renseignez-vous sur les initiatives locales et rendez-leur visite. Et à votre retour, parlez d'eux. Le bouche-à-oreille est la meilleure publicité, cela va grandement les encourager et les soutenir. Profitez-en également pour partir à la rencontre des habitants. Je n'en doute pas : vous reviendrez avec des souvenirs plein la tête et vous trouverez sûrement des petites merveilles de l'artisanat local fabriquées ici et non pas importées.