Avec son conjoint, ils ont déménagé 5 fois en 3 ans, sont arrivés dans un nouveau pays en pleine pandémie, ont essuyé 2 confinements et dû tout recommencer à zéro à chaque fois (professionnellement et personnellement), Marie nous raconte son histoire de la France à Los Angeles en passant par New York.
Vous êtes arrivée à New York en plein Covid, pouvez-vous nous raconter dans quel contexte et avec quel projet ? Comment s'est passée votre arrivée sur place et la réalisation de vos plans ?
Je suis arrivée un an avant la Covid avec mon mari et mon fils. Ma sœur et mon beau-frère anglais vivaient déjà à New York depuis plusieurs années et ont facilité l'installation et l'intégration. Mon mari était Chef et restaurateur depuis 25 ans à Paris (Paris Hanoi et Little Hanoi) mais aussi maître de Vo Vietnam, un art martial ancestral vietnamien et réflexologue, son premier métier. Nous avions découvert New York plusieurs années auparavant et l'énergie de cette ville nous a hypnotisés et fait réaliser que nous avions besoin d'un changement dans notre vie. Le projet d'expatriation a été très long et sinueux, voire, douloureux. Nous travaillions en famille à Paris et le désir d'expatriation n'a pas été compris et a entraîné pertes et fracas. Pour autant, le désir de s'expatrier n'a jamais été ébranlé et nous a donné la force de traverser les obstacles. Le projet en arrivant était très clairement défini. Le business plan était élaboré, les investisseurs en prospection. Un temple de bien-être du corps et de l'esprit autour de la culture vietnamienne devait voir le jour mélangeant la cuisine, les arts martiaux, les massages et l'art vietnamien. La suite on la connaît… La covid est arrivée et a tout stoppé sur son passage.
Votre projet tombé à l'eau, vous avez donc dû trouver un plan B ? Vous pouvez nous en parler ?
Du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvés enfermés dans notre brownstone (maison typique) de Brooklyn à se demander ce que nous allions faire dans un avenir qui semblait apocalyptique. New York a été très touché par le Covid et l'activité économique et sociale pendant des mois était réduite à néant ou presque. Je me suis mise à donner des cours de français à deux enfants de l'école de mon fils tous les jours de la semaine. J'ai poussé mon mari à trouver un bout de cuisine chez un copain restaurateur du quartier de Greenpoint pour faire des plats à emporter et se faire connaître sur les réseaux sociaux. Un matin comme touchée par une évidence et une absolue nécessité, je me suis dit « pourquoi ne lancerais-tu pas ta homemade bakery (ma boulangerie artisanale) ?». Je savais pâtisser car je faisais les desserts dans nos restaurants parisiens et je vouais une passion à la pâtisserie depuis l'enfance. J'ai créé un post sur Canva que j'ai posté sur ma page Instagram « une tarte citron achetée, une baguette offerte ». Tout de suite, mon petit business a commencé à décoller. D'abord dans mon quartier, puis s'est étendu à Manhattan et Brooklyn. Je travaillais 18h par jour alternant mes préparations de pain et de gâteaux à l'aube, mes cours de français en matinée et la fin des commandes le reste de la journée tout en m'occupant de mon fils qui débarquait dans la cuisine toutes les 5min en me demandant ce que je faisais. J'ai développé une gamme de produits, regardé beaucoup de vidéos la nuit, mise en place un menu, suis devenue une pro des réseaux sociaux. Cette période restera gravée à jamais dans ma mémoire et fait partie des moments les plus intenses et les plus merveilleux que j'ai eu à vivre. Je réalisais enfin un rêve, celui de pâtisser, celui d'entreprendre, celui de me faire enfin confiance.
Puis, l'idée de partir ailleurs, à Los Angeles, s'est présentée ? Comment, pourquoi et avec quels plans ?
Les mois de confinement ont passé et ma petite entreprise continuait son ascension. Je commençais à trouver mon rythme dans ma cuisine, investissant dans du matériel professionnel, prospectant les bons fournisseurs. Un jour du mois de juin, mon mari est rentré en m'annonçant qu'on lui proposait une affaire en Arizona. Il y a eu beaucoup de semaines de confusion. Un jour nous étions prêts à déménager en Arizona (sans aucune certitude de la réalisation du projet) et le jour d'après, nous voulions rester à New York tout en n'étant pas convaincus que nous étions bien dans cette ville quand même très oppressante et excessivement chère. Ce qui nous a décidés à partir vers Los Angeles, c'est une soirée en famille avec ma sœur et mon beau-frère qui avaient déjà vécu en Californie. Nous nous sommes posés et avons décidé ensemble de quitter New York pour Los Angeles pour de multiples raisons. Une nouvelle aventure se présentait encore plus inconnue que lorsque nous étions arrivés à New York.
Comment s'est passée cette nouvelle installation ? Vous étiez encore en plein confinement, quelles ont été les conséquences sur votre vie personnelle et professionnelle ?
Nous avons organisé notre déménagement sur Brooklyn en quelques semaines tout en continuant à assurer les commandes quotidiennes. Puis nous avons chargé la voiture des quelques affaires personnelles qui restaient et avons pris la route pour la grande traversée des États-Unis. Ça a été un voyage merveilleux, entrecoupé de plusieurs arrêts dans le Colorado, au Nouveau-Mexique et en Arizona avant d'arriver 3 semaines après notre départ à Los Angeles. Je suis repartie en avion chercher mon petit chat Pinceau et aider ma sœur à finir leur déménagement et nous avons repris l'avion tous ensemble avec nos 3 chats. L'installation à Los Angeles a été facilitée par des amis qui nous ont sous-loué leur appartement pendant 18 mois, ce qui nous a permis de poser nos valises directement. Par contre, nous arrivions dans un nouveau confinement, en Californie tout a été fermé pendant plusieurs mois. Mon mari a sillonné la moitié de Los Angeles pour trouver une cuisine où il pourrait développer le take away et j'ai dû reconstruire toute ma communauté dans une ville qui ne fonctionne pas du tout de la même manière que New York en termes de réseau, de géographie… Mon rythme a été beaucoup plus lent mais cela m'a permis de me poser aussi avec mon fils qui était en scolarité à la maison et de prendre le temps d'avoir une vision à plus long terme.
Aujourd'hui, la situation s'améliore sur le plan sanitaire, où en êtes-vous de vos projets de vie aux États-Unis ? Comment voyez-vous l'avenir ?
Aujourd'hui, la situation n'est pas encore complètement stable. Mon mari travaille dans un restaurant français tout en développant des dîners privés et ses cours d'arts martiaux. Son projet de départ est toujours dans un coin de sa tête et la chance d'être dans ce pays d'entrepreneuriat où tout est possible permet de ne pas baisser les bras. J'ai depuis créé légalement mon entreprise. Je continue de pâtisser de chez moi et développe, à mon rythme, une clientèle privée. Il reste encore beaucoup à faire et je ne sais pas si je développerais un établissement mais, ce qui est sûr, c'est que j'ai réalisé un de mes rêves et que d'autres vont encore voir le jour.
New York VS Los Angeles quel est votre ressenti ? Dans quelle ville vous sentez-vous le plus à l'aise et pourquoi ?
Définitivement, j'adore la vie en Californie. Ça me semble incroyable de dire ça car j'ai aimé New York à en être déchirée à chaque fois que je la quittais mais je crois qu'elle a répondu à mes besoins à un certain moment de ma vie. Aujourd'hui, mes besoins sont simples et plus orientés vers la nature. La Californie est un joyau de beautés naturelles alternant entre montagnes, mer, déserts et villes. Ma famille est là, très présente. Nous vivons à 5 minutes les uns des autres. Le cercle d'amis se construit petit à petit à travers divers réseaux. J'ai intégré l'an dernier un réseau de femmes françaises entrepreneuses « The Elles collectives » qui m'a ouvert d'autres perspectives. Changer 2 fois de vie en 3 ans a demandé beaucoup de patience, de courage et de force intérieure. La route est encore longue mais elle est belle et juste quand on va vers la réalisation de soi-même.
Avez-vous des conseils pour les expatriés qui souhaitent développer un business aux États-Unis ?
Je ne peux qu'encourager à l'expatriation. C'est une aventure de vie extraordinaire car elle nous pousse à sortir de nos zones de sécurité et de confort auxquelles nous nous accrochons souvent. Elle ouvre le champ de tous les possibles et libère de certaines chaînes. Je n'ai pas vraiment de conseils à donner car le chemin est propre à chaque histoire de vie. Je peux juste humblement recommander de ne jamais baisser les bras. Ça prend du temps, ça demande de la patience et de la résilience. Il faut parfois vivre des choses difficiles pour laisser venir à soi la réussite mais l'expérience est unique et régénératrice dans tous les sens. Si je raconte comment j'ai construit mon projet d'expatriation, j'en dissuaderais peut-être plus d'un car il a été difficile mais il n'appartient qu'à mon histoire et je ne regrette rien de ce qui a été traversé. C'est une multitude d'expériences et d'aventures sur le chemin de la vie.
