Royaume-Uni : comment une restriction du droit de travail après les études impacterait les étudiants internationaux

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Écrit par Ameerah Arjanee le 22 février, 2023
Selon le média Times, le ministère britannique de l'Intérieur envisagerait de réduire de 2 à 6 mois l'autorisation de travail aux étudiants internationaux après leurs études. Cette mesure ferait suite aux discussions entamées au sein du gouvernement fin 2022 sur le plafonnement du nombre d'étudiants internationaux. Si ces mesures sont effectivement adoptées, elles pourraient réduire considérablement l'attrait et l'accessibilité du Royaume-Uni pour les étudiants étrangers et les expatriés.

Qu'est-ce que le Graduate Visa ?

En 2012, le Premier ministre britannique David Cameron avait supprimé le droit automatique de travailler après l'obtention du diplôme pour les étudiants internationaux dans une tentative de freiner la migration. Ce visa avait existé sous une certaine forme entre 2004 et 2011. Avancée rapide jusqu'en juillet 2021, où le gouvernement de Boris Johnson, du même parti conservateur que David Cameron, a décidé de rétablir ces droits dans le cadre du Graduate Visa, aussi connu comme le visa de diplômé.

Ce visa accorde à tous les diplômés internationaux des universités britanniques l'autorisation de rester au Royaume-Uni pendant deux ans après l'obtention de leur diplôme. Ainsi, ils n'ont pas besoin d'une offre d'emploi pour rester. Qui plus est, ils peuvent travailler dans un secteur autre que leur domaine d'étude (même dans des emplois « peu qualifiés » dans l'hôtellerie, la vente au détail ou le service de soins aux personnes). Leurs personnes à charge (conjoint, enfants) pouvaient aussi rester.

La création du Graduate Visa a boosté les demandes au niveau des étudiants non européens. Le gouvernement britannique avait pour objectif d'attirer 600 000 étudiants étrangers en 2022. Cependant, 680 000 étudiants de premier et de deuxième cycles se sont effectivement inscrits, selon l'Agence des statistiques de l'enseignement supérieur. Le nombre a donc été au-delà des espérances, dépassant l'objectif par 100 000.

La plus forte hausse au niveau du taux d'inscriptions a été enregistrée chez les étudiants nigérians et indiens. Le consultant en éducation Total Student Care rapporte que près de 66 000 Nigérians sont venus étudier au Royaume-Uni en 2022, contre seulement environ 8 000 en 2019. Le PIE News rapporte que les demandes d'étudiants américains ont également augmenté de manière modérée depuis le lancement du Graduate Visa. Environ 7 000 Américains ont déposé une demande par le biais de la plateforme UCAS (Universities and Colleges Admissions Service) en 2021, contre seulement environ 4 000 en 2019. Seul le nombre de demandes provenant de Chine a stagné en raison de la réouverture récente de ses frontières.

L'intérêt du Graduate Visa pour les futurs expatriés et l'économie britannique

Les frais de scolarité pour les étudiants internationaux au Royaume-Uni sont parmi les plus élevés au monde. Pour l'automne 2023, ils varient entre 15 000 et 32 000 £ par an. Les étudiants internationaux qui s'autofinancent peuvent considérer que ce sacrifice financier en vaut la peine s'ils savent qu'ils pourront travailler au Royaume-Uni pendant quelques années par la suite. Le Nigeria et l'Inde, par exemple, ont tous deux des monnaies beaucoup moins fortes que la livre. Le sacrifice financier auquel ils se soumettent est souvent plus important que celui des étudiants américains ou européens.

Alan Manning, professeur d'économie à la London School of Economics, écrit sur le site Electronic Immigration Network que le fait de gagner sa vie en livres tout en travaillant à temps partiel pendant leurs études, puis à temps plein pendant au moins deux ans après l'obtention de leur diplôme, est suffisant pour couvrir le coût de leurs études, et même à rembourser leurs éventuels prêts d'études dans leur pays. Il souligne que « les universités britanniques ne vendent pas seulement de l'éducation, mais aussi, en partie, des permis de travail ».

Le Professeur Manning fait également ressortir que les frais de scolarité élevés dont s'acquittent les étudiants internationaux financent à leur tour l'éducation des citoyens britanniques (qui paient 50 % de moins) et la recherche menée dans ces universités. Le Russell Group, une association regroupant les meilleures universités de recherche britanniques, a analysé l'impact économique des étudiants internationaux sur le Royaume-Uni. Les chercheurs ont constaté qu'en moyenne, chaque étudiant génère un total de 132 000 livres pour l'économie britannique. Selon eux, chaque cohorte d'étudiants internationaux rapporte quelque 25,9 milliards de livres sterling à l'économie, même après déduction du coût qu'ils représentent pour l'État.

La réduction des droits au travail post-études : une menace pour les étudiants internationaux au Royaume-Uni ?

Comment Suella Braverman, la ministre de l'Intérieur, envisage-t-elle de modifier ce visa ? Le Times rapporte qu'elle fait pression pour réduire de manière drastique les droits de travail post-études dans le cadre du Graduate Visa. La durée de l'autorisation pourrait ainsi être réduite de deux ans à six mois seulement.

Comme indiqué précédemment, le Royaume-Uni a accueilli près de 100 000 étudiants internationaux de plus que prévu en 2022. Cette mesure pourrait permettre de s'assurer que le nombre d'étudiants reste dans la limite de l'objectif fixé. Le ministère de l'Intérieur inclut, en effet, les étudiants internationaux dans son objectif global de réduire le taux d'immigration. On compte 504 000 nouveaux expatriés au Royaume-Uni en 2022, soit une augmentation impressionnante de 331 000 en une seule année.

Selon le Times, des fonctionnaires du ministère de l'Intérieur ont également déclaré que les étudiants internationaux préparant des diplômes de « faible valeur » sont ceux qui seront soumis à davantage de restrictions. Par exemple, ils ne seront peut-être plus autorisés à être accompagnés de personnes à charge. Cependant, ils n'ont pas précisé quels diplômes sont considérés comme « de faible valeur », mais il se pourrait que cette mesure concerne principalement les diplômes en arts/humanités, ou les diplômes sans rapport avec la science, la technologie ou la finance. Les universités plus petites et plus jeunes qui ne font pas partie du Russell Group ou qui ne sont pas classées dans le monde entier pourraient également être concernées. Elles ont tendance à être plus abordables pour les étudiants internationaux, leurs frais de scolarité étant moindres par rapport à d'autres universités prestigieuses.

Fin 2022, le Premier ministre Rishi Sunak avait laissé entendre que les nouvelles dispositions pourraient même aller jusqu'à plafonner le nombre d'étudiants internationaux pouvant entrer dans le pays et évoqué la possibilité de cibler les diplômes de « faible valeur » et de n'autoriser les étudiants internationaux que dans les meilleures universités. À l'époque, de nombreux organismes d'enseignement supérieur avaient condamné une telle démarche, affirmant qu'elle serait financièrement catastrophique pour les autres universités.

L'amendement proposé par le ministre de l'Intérieur concernant les droits au travail post-études suscite la même levée de boucliers, non seulement dans le secteur de l'enseignement supérieur, mais aussi au sein de son propre gouvernement. Plusieurs ministères, notamment ceux de l'Éducation, des Finances, des Affaires, de l'Énergie et de la Stratégie industrielle, ainsi que celui du Commerce international ont tous exprimé leur opposition à une telle démarche.

Gillian Keegan, la secrétaire d'État à l'éducation, a déclaré au Financial Times que les étudiants internationaux apportent un élan économique « extrêmement précieux » au secteur de l'enseignement supérieur. Elle estime que les universités britanniques sont « une grande vitrine pour le pays » et que ce revirement brutal a toutes les chances de nuire à la réputation du Royaume-Uni au niveau international.

Le directeur de Universities UK International, Jamie Arrowsmith, prévient dans The PIE News que cette décision ferait prendre du retard au Royaume-Uni par rapport à ses concurrents en matière d'éducation internationale. Par exemple, l'Australie, où les frais de scolarité pour les étudiants internationaux sont légèrement plus élevés qu'au Royaume-Uni, permet à ces derniers de travailler pendant 2 à 5 ans dans le pays après l'obtention de leur diplôme. Six mois ne peuvent clairement pas rivaliser avec cela.

Les étudiants internationaux qui sont entrés au Royaume-Uni ces dernières années sont désormais face à un avenir incertain. En effet, ils risquent d'être expulsés s'ils ne trouvent pas un emploi hautement qualifié en rapport avec leur diplôme dans les six mois suivant l'obtention de leur diplôme. Pour l'instant, les étudiants internationaux peuvent accepter n'importe quel emploi , allant du tutorat aux soins aux personnes âgées, jusqu'à ce qu'ils trouvent un métier qui correspond à leurs compétences. Pour ceux qui ont contracté de lourds prêts bancaires pour s'installer au Royaume-Uni et qui savaient qu'ils pourraient les rembourser en livres sterling, cette mesure pourrait également les ruiner financièrement.

La proposition de Suella Braverman intervient à peine un an et demi après le lancement du Graduate Visa. Un étudiant arrivé en 2021 et devant obtenir son diplôme en 2024 pourrait ne pas être soumis aux mêmes conditions que celles dans lesquelles il a accepté d'étudier au Royaume-Uni. Certains étudiants avaient même abandonné leur diplôme pour rejoindre le marché du travail lorsqu'ils recevaient une offre intéressante. Si l'amendement proposé par Suella Braverman est approuvé, cela ne sera plus possible.

Suella Braverman et Gillian Keegan poursuivent leurs échanges au sujet de leurs options et tentent de trouver un compromis entre leurs points de vue diamétralement opposés. Entre temps, l'incertitude pèse toujours sur les étudiants internationaux qui devront patienter au moins quelques semaines avant de pouvoir se faire une idée plus précise de l'orientation du gouvernement britannique.

A propos de Ameerah Arjanee

Ameerah est chargée de cours et tutrice privée enseignant l'espagnol et le mandarin à l'île Maurice. Elle a aussi été traductrice indépendante, éditrice et rédactrice de contenu pendant une décennie. Elle a vécu à Madrid et à Pékin.