« Jour historique » en Namibie
Mardi 16 mai, la Cour suprême namibienne reconnaît le mariage entre personnes de même sexe contracté à l'étranger. Un choix motivé par le respect de l'égalité des droits. Ne pas reconnaître les droits des conjoints étrangers mariés à l'étranger avec une personne de même sexe porterait « atteinte aux droits à la dignité et à l'égalité » des conjoints étrangers. C'est une victoire symbolique pour la communauté LGBTQIA+. La Namibie, comme la majorité des États africains, ne reconnaît pas le mariage homosexuel. L'homosexualité est toujours illégale, en vertu d'une loi de 1927 sur la sodomie (loi qui, dans les faits, est rarement appliquée). La communauté internationale et les associations de défense des droits namibiennes ont toujours condamné les sorties homophobes de Sam Nujoma, président de la Namibie entre 1990 et 2005. Car si l'homosexualité reste illégale, les associations LGBTQIA+ (comme Sister Namibia) sont libres de se rassembler.
La loi namibienne permet aux conjoints des citoyens namibiens de travailler et résider sans permis. Mais la mesure ne concernait que les couples hétérosexuels. Les conjoints homosexuels devaient toujours renouveler leur visa. Le verdict de la Cour suprême leur donne donc les mêmes droits que les couples hétérosexuels. Cette décision fera-t-elle jurisprudence ? Les tribunaux, de plus en plus sollicités sur la question, refusaient jusqu'alors de reconnaître les droits des couples homosexuels. La Cour suprême a justement donné raison à deux couples homosexuels mariés à l'étranger (dans chacun des couples, un citoyen namibien, un ressortissant étranger), mais qui avaient perdu leur procès l'an dernier. Le tribunal avait refusé de reconnaître les droits de résidence du conjoint homosexuel. La Cour suprême a estimé que la position du ministère de l'Intérieur namibien « enfreignait les droits constitutionnels des individus en matière d'égalité et de dignité ».
Rester mobilisé
Si l'avancée est historique, les militants LGBTQIA+ restent mobilisés. Moins d'une semaine après la décision historique, la même Cour suprême annule (le 22 mai 2023) une décision qui octroyait la nationalité namibienne à l'enfant d'un couple homosexuel (dont l'un est citoyen namibien, l'autre, ressortissant mexicain). Après un premier refus du ministère de l'Intérieur, la Haute Cour avait accordé, en 2021, la nationalité à l'enfant. Le gouvernement fait appel au nom d'un non-respect des délais d'enregistrement des naissances. La Cour suprême invalide la décision de la Haute Cour au nom du « non-respect de la loi sur la citoyenneté ».
Autres pays qui reconnaissent le mariage homosexuel
Qu'en est-il dans les autres pays du monde ? Si l'on parle davantage de la cause LGBTQIA+, les avancées concrètes demeurent mesurées. Le mariage homosexuel reste interdit dans la majorité des pays.
L'Europe, la pionnière
L'Europe s'illustre en pionnière. Une grande partie des États reconnaissent le mariage homosexuel et par ricochet, les mariages homosexuels contractés à l'étranger. Le vent est parti des Pays-Bas, premier État au monde à avoir légalisé le mariage homosexuel (2001). 15 pays européens ont suivi : la Belgique, l'Espagne, la Norvège, le Portugal, l'Islande, le Liechtenstein, le Danemark, la Suède, le Royaume-Uni, la France, le Luxembourg, la Finlande, Malte, l'Allemagne, l'Autriche. Depuis juillet 2022, la Suisse et la Slovénie ont rejoint la liste des États autorisant le mariage homosexuel. La Slovénie est d'ailleurs le premier pays d'Europe de l'Est à autoriser le mariage homosexuel et l'adoption pour les personnes de même sexe. D'autres États reconnaissent l'union civile. C'est le cas en Hongrie, à Chypre, en Croatie, en République tchèque, en Estonie, en Grèce et en Italie.
Avancées des droits LGBTQIA+ dans les Amériques et en Océanie
En Amérique du Nord, le Canada et les États-Unis ont légalisé le mariage entre personnes de même sexe, respectivement en 2005 et en 2015. Au Canada, l'adoption, la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA) pour des couples gays sont aussi autorisées. Ça bouge aussi en Amérique latine. En 2010, l'Argentine devient le premier pays à autoriser le mariage gay. Il est suivi par l'Uruguay, le Brésil, la Colombie, l'Équateur, le Costa Rica et le Chili. Mexico et 26 autres États du Mexique autorisent également le mariage homosexuel. Le dimanche 25 septembre 2022, Cuba organise son troisième référendum en 60 ans (et le premier sur un sujet de société), pour ou contre la refonte totale du Code de la famille. Entrent notamment en compte le mariage gay, la transsexualité, la GPA et l'adoption par des couples homosexuels. Malgré une faible participation (74%) dans un État où montrer sa désapprobation reste délicat, le « oui » l'a emporté.
En Océanie aussi, c'est un « oui » pour le mariage gay et l'adoption par des couples homosexuels. La Nouvelle-Zélande les autorise dès 2013. L'Australie suit en 2017.
Avancées plus mesurées en Asie
En Asie, Taïwan fait figure de pionnier. Il est le premier pays d'Asie (et pour l'instant, le seul) à avoir légalisé le mariage homosexuel (en 2019). Un an plus tôt, l'Inde faisait un pas en faveur des droits des LGBTQIA+ en dépénalisant l'homosexualité. La Chine, le Cambodge, le Laos, le Vietnam ou Singapour l'ont également fait. En juin 2022, le Parlement thaïlandais donne son accord en première lecture pour une loi autorisant le mariage gay. Un premier pas salué par la communauté LGBTQIA+ qui rappelle qu'en dépit de l'image internationale et ouverte du pays, la Thaïlande continue de discriminer les homosexuels. Aux Philippines, c'est un « non » ; mais un « non » nébuleux. En 2019, la Cour suprême (majoritairement catholique) rejette la légalisation du mariage gay. La même Cour suprême rappelle cependant que la Constitution « ne définit ni ne restreint le mariage sur la base de l'orientation sexuelle ou de l'identité sexuelle ». Elle propose de soumettre la question au Congrès.
L'Asie reste à la traîne. Tokyo a suscité l'espoir avant de rétropédaler. Le Japon est le dernier pays du G7 à ne pas autoriser le mariage homosexuel. On note cependant une évolution. Depuis novembre 2022, la capitale japonaise délivre des « certificats d'union », octroyant des droits aux couples homosexuels jusque-là réservés aux couples hétérosexuels. La Corée du Sud accepte les relations entre personnes de même sexe, mais interdit le mariage gay. Le 21 février 2023, un tribunal reconnaît les droits d'un couple homosexuel. Une première, et une décision qui relance le débat dans un pays où il n'existe encore aucune loi contre les discriminations basées sur l'orientation sexuelle.
Ces pays où l'homosexualité est encore interdite
En Russie, si l'homosexualité n'est plus un crime (depuis 1993) ni une maladie mentale (depuis 1999), elle reste un délit. Une loi de 2013 stipule que tout acte de « propagande homosexuelle » auprès des mineurs est passible d'une amende et d'une peine de prison. Mesure similaire en Hongrie qui, depuis 2021, interdit « d'évoquer l'homosexualité » devant des mineurs, sous peine d'une amende.
Au Moyen-Orient et en Afrique, le mariage homosexuel reste en grande majorité considéré comme un crime. En Iran, aux Émirats arabes unis, ou en Arabie saoudite, les homosexuels risquent la peine capitale. Le Liban adopte une position plus tolérante. Israël interdit le mariage gay sauf s'il est contracté à l'étranger. Israël a aussi légalisé l'adoption pour les couples gays et la GPA.
En Afrique, une trentaine de pays interdit l'homosexualité. Au Soudan, en Somalie et en Mauritanie, les homosexuels risquent la peine de mort. D'autres pays ont dépénalisé l'homosexualité (Cap-Vert, Mali, République démocratique du Congo, Angola, Seychelles…). L'Afrique du Sud constitue l'exception. Le pays a autorisé le mariage gay en 2006 ; PMA, GPA et adoption sont aussi ouvertes pour les couples gays.
Inclusivité, égalité des droits : quelles avancées pour le passeport non binaire ?
C'est une nouvelle victoire pour les personnes non binaires. Le 17 mai, à l'occasion de la Journée internationale contre l'homophobie, la biphobie et la transphobie, le Mexique a délivré son premier passeport non binaire. Les passeports neutres seront progressivement déployés dans les ambassades mexicaines aux États-Unis, au Canada, puis dans le reste du monde. La délivrance du premier passeport non binaire s'est faite lors d'une cérémonie réunissant les représentants du ministère des Affaires étrangères. D'autres responsables politiques, dont Salma Luévano Luna, membre de la chambre des députés mexicaine et militante LGBT, l'une des premières femmes politiques trans au Mexique.
Quelques autres pays proposent des passeports neutres : les États-Unis, le Canada, la Colombie, l'Argentine, l'Irlande, l'Islande, l'Australie, le Népal, les Pays-Bas, le Pakistan ou encore la Nouvelle-Zélande. Dans ces pays, il est possible d'inscrire soi-même la mention « X », pour « neutre », au lieu des traditionnels « F » (féminin) ou « M » (masculin). L'Allemagne et l'Inde l'autorisent, mais uniquement après présentation d'un certificat médical. À Malte, il faut prêter serment devant notaire.
Mais le passeport neutre reste encore rare. Mardi 31 janvier, un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) valide la position de la France, qui s'opposait à la mention d'un sexe « neutre » sur l'état civil d'une personne. Selon les CEDH, c'est aux États seuls de se prononcer sur la reconnaissance des états civils non binaire. Si la France a reconnu la « souffrance » et « l'anxiété » du plaignant, né sans organes reproducteurs féminins ou masculins, elle maintient que la demande obligerait à « modifier son droit interne ». Pour les défenseurs des droits des personnes non binaires, tout comme pour les militants LGBT, la lutte continue.