En 2023, IQAir, un site Web qui mesure la qualité de l'air dans le monde, a classé Chiang Mai en Thaïlande, suivie de peu par Bangkok, parmi les villes les plus polluées au monde. La ville au nord de la Thaïlande fait face depuis quelques années à d'importants nuages de smog qui commencent à affecter la santé de ses habitants et se répercutent sur l'évolution du tourisme, déjà fragilisé par le Covid.
En cause, les gaz toxiques, le smog et les particules fines imputables non seulement aux industries mais également aux activités agricoles de la région et celles des pays voisins. Mais quelles sont les répercussions de cette escalade sur la vie quotidienne et l'activité économique ? En outre, peut-on mener une vie « normale » en tant qu'expatrié dans une ville où les niveaux de pollution de l'air sont élevés ?
La situation en Thaïlande
De nombreux expatriés sont amenés à s'installer dans des pays où la qualité de l'air est inférieure aux niveaux recommandés par l'OMS. Au quotidien, cela représente un défi pour la vie professionnelle et personnelle des habitants, surtout quand leur santé en subit d'importantes conséquences. La Thaïlande a été pointée du doigt récemment pour ses niveaux élevés de pollution, en particulier la ville de Chiang Mai, au nord du pays, bien connue pour accueillir de nombreux étrangers sur des périodes à moyen et long terme.
En cause, les particules en suspension (Particulate Matter, PM) qui sont des PM2.5, les plus fines et les plus toxiques, en provenance notamment des brûlis de terres agricoles pratiqués par les fermiers de février à mai, à la fin des saisons du riz, de la canne à sucre et du maïs. En outre, l'industrie et la pollution causée par l'émission de carbone des véhicules sont un facteur aggravant qui peut faire monter en flèche les niveaux de particules fines jusqu'à près de 180 microgrammes de PM2.5 par mètre cube, soit 34 fois les niveaux de sécurité recommandés par l'OMS.
La mauvaise qualité de l'air en Thaïlande a vu une augmentation des hospitalisations et des maladies chroniques telles que la bronchite, l'asthme, l'emphysème et d'autres affections entraînant une réduction de la fonction pulmonaire totale. Depuis le début de l'année 2023, à Chiang Mai et Bangkok près de 2,5 millions de personnes ont eu recours à une thérapie pour soigner des problèmes respiratoires, et en avril dernier, l'on a recensé pas moins de 185.000 hospitalisations en l'espace d'une semaine.
L'impact sur le tourisme
Selon Tanit Choomsang, vice-président du Conseil du tourisme de Chiang Mai, le nombre de touristes a chuté de 20%, et depuis le début de l'année, le secteur enregistre une baisse des nouvelles réservations de la part des voyageurs. En outre, certains touristes pensionnés choisiraient d'écourter leur long séjour afin éviter ainsi « la saison du smog ».
Une enquête menée par le consul honoraire britannique de Chiang Mai au cours de la pandémie de Covid a interrogé les membres de la communauté internationale sur la mauvaise qualité de l'air. Sur environ 1500 expats originaires de 45 pays, plus de la moitié (52%) a répondu qu'elle envisageait sérieusement de quitter Chiang Mai surtout en raison des problèmes de qualité de l'air au moment de la saison sèche et des répercussions sur l'économie locale et régionale. Ce chiffre atteignait les 65% pour les expats se situant dans la tranche d'âge des 15 à 45 ans.
Les autres pays les plus pollués au monde
Selon IQAir, de nombreux pays asiatiques se disputent les dix premières places de la liste en termes de pollution de l'air. En effet, 46 des 50 villes les plus polluées au monde se trouveraient sur le continent asiatique, suivi par le Moyen-Orient et l'Afrique. Les trois causes les plus importantes de pollution de l'air sont, dans l'ordre, l'industrie avec ses usines, raffineries et mines ; l'agriculture et l'utilisation massive d'engrais dans les exploitations agricoles ; et le transport avec la combustion de carburant dans les véhicules à moteur.
Le dernier rapport mondial sur la qualité de l'air (2022) fait le point sur les données historiques de 2018 à 2022 en mesurant l'évolution de la qualité de l'air des PM2.5 dans 323 villes réparties dans 131 pays, régions et territoires. Selon le rapport, parmi les pays les plus pollués au monde, sur base des moyennes annuelles en concentration de particules PM2.5, l'on retrouve notamment en haut de la liste le Tchad, le Pakistan, le Bangladesh, l'Inde, l'Égypte, les Émirats arabes unis, le Qatar mais aussi la Chine et l'Indonésie. Ces pays dépassent de 5 à plus de 10 fois les limites fixées par l'Organisation Mondiale de la Santé.
À l'inverse, parmi les pays qui offrent une bonne qualité de l'air, l'on retrouve notamment l'Islande, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la Finlande avec des niveaux de particules fines respectant les normes de l'OMS, allant de 3.4 à 5 microgrammes par mètre cube.
Toujours selon le rapport 2022 de IQAir, la mauvaise qualité de l'air serait responsable de plus de six millions de décès chaque année. L'exposition à la pollution atmosphérique provoquerait et aggraverait des problèmes telles que l'asthme, le cancer, les maladies pulmonaires, les maladies cardiaques et la mortalité prématurée. En outre, la pollution de l'air affecterait plus gravement les populations déjà vulnérables. En effet, plus de 90 % des décès liés à la pollution surviendraient dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Selon l'OMS, aujourd'hui seulement 10% de la population mondiale vivrait dans un environnement où la qualité de l'air serait considérée comme bonne.
S'expatrier dans un pays ou une ville polluée : comment s'adapter ?
La pollution atmosphérique représente un enjeu de taille pour les pays du monde entier, certains d'entre eux ayant déjà fait preuve de bonne volonté pour revenir à des niveaux décents de concentration de PM2.5. Mais aujourd'hui, ils ne représentent que 10% des pays concernés par le rapport IQAir.
Si vous vous expatriez dans l'un des pays ou l'une des villes les plus pollués au monde, il est utile de mettre en place quelques stratagèmes et d'adopter de bonnes habitudes pour vous préserver de l'impact des particules fines sur votre santé et celle de votre famille.
Il est tout d'abord conseillé de se renseigner sur la qualité de l'air du pays dans lequel vous vous installez ainsi que des variations qui peuvent concerner les saisons sèches et humides, comme c'est notamment le cas dans certains pays d'Asie. Chaque pays concerné par un problème de pollution atmosphérique élevée aura défini des règles qu'il vaut mieux respecter en cas de pic de concentration de particules fines : éviter de sortir à certains moments, ne pas faire du sport en extérieur, etc. Référez-vous pour cela aux autorités locales de votre nouveau lieu de résidence.
Plusieurs sites Web fournissent tant des données historiques que des données en temps réel, ce qui vous permet de rester à jour sur le sujet. En outre, de nombreuses applications permettent de monitorer la qualité de l'air que vous respirez, par exemple IQAir Air Visual, Plume Labs, AirNow ou encore AirCare.
Des capteurs sont également en vente sur le marché pour mesurer la qualité de l'air à l'intérieur de votre domicile et de monitorer son évolution. D'autres modèles peuvent être installés à l'extérieur, à proximité immédiate de votre domicile pour surveiller la fluctuation de la pollution atmosphérique. Ces capteurs sont reliés à une application à télécharger sur votre smartphone ou tablette.
Toutefois, un bon moyen de se protéger contre la pollution de l'air est d'installer un système de purification/filtration d'air à votre domicile. Il représente un investissement d'un certain coût mais vous permettra de purifier l'air extérieur qui entre dans la maison lorsque la qualité de l'air est acceptable et que vous aérez les espaces intérieurs. En revanche, selon le rapport IQAir, lorsque la qualité de l'air extérieur atteint des niveaux insalubres, il est conseillé de régler les systèmes de climatisation en mode récirculation et de fermer les portes et les fenêtres pour empêcher l'air pollué de pénétrer à l'intérieur.
Enfin lorsque vous sortez, pensez à vous équiper de masques de protection de qualité. Leur efficacité va dépendre principalement de trois facteurs : le filtre antipollution, l'étanchéité et la présence d'une valve de ventilation. Les modèles les plus conseillés afin de se protéger contre la pollution sont les suivants : N95 et N99, équivalant respectivement en Europe aux masques FFFP2 et FFFP3.