En quoi consiste la nouvelle loi chinoise sur l'espionnage ?
Selon la traduction proposée par « China Law Translate », la nouvelle loi sur l'espionnage élargit la portée de ce qui constitue des « actes d'espionnage ». Désormais, les actes d'espionnage comprennent également « chercher à s'aligner sur une organisation d'espionnage » et « tenter d'acquérir illégalement des données associées à la sécurité nationale »
La nouvelle loi exhorte également tous les niveaux du gouvernement chinois à éduquer et à superviser les mesures de sécurité liées à cette question. La même traduction souligne qu'il est interdit aux organisations étrangères opérant en Chine de mettre en péril la sécurité nationale de la Chine, d'entraver l'intérêt public ou de mettre en péril l'ordre sociétal. De plus, la nouvelle loi précise que l'espionnage peut englober toutes les données ou tous les matériaux qui sont liés d'une manière ou d'une autre à la « sécurité et aux intérêts nationaux ».
Il existe plusieurs manières d'assimiler ces dispositions. Mais en résumé, elle semble accorder au gouvernement chinois le pouvoir (et le prétexte) d'accéder aux informations privées aussi bien des individus que des organisations.
Cette loi doit-elle être source d'inquiétude pour les expatriés ?
Le principal problème de la nouvelle loi est son ambiguïté. L'élargissement de la définition de l'espionnage rend particulièrement difficile pour entreprises étrangères de s'assurer que leurs pratiques n'éveillent pas les soupçons. Cela est d'autant plus vrai que le gouvernement chinois a effectué cette année un certain nombre de perquisitions importantes dans des entreprises étrangères, notamment dans le bureau de Pékin du Mintz Group, une société américaine de vérification diligente des sociétés.
Certains experts affirment que les nouvelles règles pourraient potentiellement affecter les activités commerciales régulières. Par exemple :
- Les entreprises qui font des affaires avec le gouvernement américain pourraient être considérées comme impliquées dans l'espionnage.
- Les études de marché et les renseignements commerciaux pourraient être considérés comme de l'espionnage s'ils concernent des informations sensibles liées à la sécurité nationale.
- Les entreprises qui embauchent des personnes ayant des connaissances en matière de sécurité nationale ou de technologies importantes pourraient faire l'objet d'une enquête et de sanctions.
- Les entreprises étrangères qui collaborent avec des entreprises chinoises en matière de technologie pourraient enfreindre la loi si ces technologies sont liées d'une manière ou d'une autre à la sécurité nationale.
Si des entreprises en Chine utilisent des centres de données ou des services cloud, elles pourraient faire l'objet d'une enquête si les données sont liées à la sécurité nationale.
Cela dit, tout le monde ne partage pas ce sentiment d'inquiétude. Les autorités chinoises soulignent que la Chine n'est pas le seul pays, et de loin, à disposer de lois sur la protection de la sécurité nationale. Selon des responsables, la nouvelle loi vise simplement à fournir des lignes directrices claires sur des activités qui ont toujours été incompatibles avec les principes du Parti communiste. En fait, Wang Wentao, le ministre chinois du Commerce, a rassuré les entreprises en leur disant que la loi ne compromettrait pas la stabilité de leurs produits et services.
Qu'en pensent les expatriés en Chine ?
Si les avis officiels sur la nouvelle loi en matière d'espionnage en Chine divergent, il semble qu'il y ait consensus au sein de la communauté des expatriés sur le fait qu'elle est effectivement préoccupante. Certains ont même exprimé leur frustration sur les réseaux sociaux. L'un d'entre eux craint d'ailleurs que « les propriétaires d'entreprises étrangères puissent désormais être emprisonnés pour des infractions fabriquées de toute pièce ».
D'autres, en revanche, n'ont pas d'autre choix que d'accepter ces nouvelles dispositions légales, réfléchissant aux implications immédiates. Un expatrié, propriétaire d'une petite entreprise d'exportation à Shenzhen, en Chine, relate : « Pour être honnête, j'ai l'impression que commenter la nouvelle loi revient à enfreindre la loi. Si je parle de la sécurité nationale de la Chine à des médias étrangers en tant que chef d'entreprise en Chine, j'ai l'impression de me mettre dans une position vulnérable ».
Quoi qu'il en soit, la nouvelle législation chinoise semble être devenue la goutte d'eau qui a fait déborder le vase d'une série d'événements qui ont déjà rendu la gestion d'une entreprise en Chine exceptionnellement compliquée. Jeff dirigeait un petit centre de formation à l'anglais à Guangzhou. Suite à la répression des cours d'anglais à but lucratif annoncée à la fin du mois de juillet 2022, il a été contraint de mettre la clef sous le paillasson et se tourner vers l'importation de manuels et de matériel de formation. Cependant, la nouvelle législation le fait douter de sa volonté de s'engager dans une nouvelle entreprise en Chine. « Le problème de cette réglementation et de beaucoup d'autres nouvelles règles en Chine c'est qu'il n'y a pas de clarté ou de cohérence. Difficile de savoir ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas, et ici, cela peut être source de beaucoup d'ennuis. »
Que signifie cette nouvelle loi pour les investisseurs étrangers en Chine ?
Le principal problème avec la nouvelle loi chinoise est que de nombreuses activités peuvent désormais être catégorisées comme étant de l'espionnage. Certaines informations qui étaient auparavant considérées comme des données économiques ou de productions ordinaires sont désormais potentiellement considérées comme relevant de la sécurité nationale.
L'US National Counterintelligence and Security Center, Centre national de contre-espionnage et de sécurité des États-Unis, a également mis en exergue la nature ambiguë de la loi, indiquant que même les journalistes et les universitaires peuvent être confrontés à des incertitudes dans leurs activités normales en raison de ses implications.
Les principaux domaines dans lesquels la loi révisée pose des défis importants aux entreprises sont les industries impliquées dans la collecte et le partage de données liées aux industries de haute technologie qui ont un lien avec la sécurité nationale, la compétitivité ou les implications potentielles en matière de droits de l'homme.
La nouvelle législation semble également cibler les sociétés de conseil et de diligence. Ces entreprises étudient et analysent les entreprises locales en vue d'opportunités d'investissement, en évaluant leur valeur, leurs risques et leur potentiel de réussite. Rappelons que ces sociétés sont essentielles pour la plupart des investisseurs étrangers potentiels en Chine, car il est extrêmement difficile de naviguer dans l'environnement commercial local de manière indépendante. Néanmoins, compte tenu du type d'activités menées par les sociétés de diligence raisonnable (examen de la légalité des pratiques commerciales des entreprises chinoises, vérification du respect du droit du travail, entre autres), elles peuvent facilement faire l'objet d'une enquête sous cette nouvelle loi.
Il sera particulièrement délicat pour les investisseurs étrangers de s'y retrouver dans ces domaines. Il leur sera peut-être plus difficile de s'appuyer sur des sociétés de renseignements économiques pour garantir l'absence de travail forcé dans leurs chaînes d'approvisionnement ou pour empêcher le transfert de leurs produits de haute technologie à des fins militaires.
En résumé
La dynamique des affaires en Chine a subi une transformation avec l'introduction de ce que certains médias ont appelé la « Grande Muraille juridique ». Bien que l'application immédiate de cette nouvelle loi par la Chine puisse ne pas être apparente, les amendements juridiques jettent les bases de futures enquêtes et actions à l'encontre des entreprises étrangères. À mesure que le paysage concurrentiel, les menaces potentielles et les cadres juridiques continuent d'évoluer, les entreprises étrangères peuvent être amenées à réévaluer les risques liés à la conduite de leurs activités en Chine.