Dans cette interview, Pauline Carmona, Directrice des Français de l'étranger, partage avec Expat.com son parcours, ses priorités pour renforcer le lien entre la France et ses citoyens expatriés, ainsi que ses projets visant à simplifier les démarches administratives et à soutenir la culture et l'éducation des jeunes expatriés.
Pouvez-vous nous parler brièvement de vous, de votre expérience ?
J'ai intégré le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères en 1997. Depuis, j'ai alterné les postes en administration centrale et à l'étranger. J'ai notamment exercé la fonction de consule générale adjointe à Hong-Kong il y a 20 ans et plus récemment de consule générale à San Francisco, au sein donc du réseau consulaire. Ces trois dernières années, j'ai travaillé à Matignon en tant que conseillère diplomatique de deux Premiers ministres (M. Jean Castex et Mme Elisabeth Borne) avant d'être nommée Directrice des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, fonctions que j'ai le plaisir d'exercer depuis le 1er septembre dernier.
Quelles sont vos priorités en tant que nouvelle directrice pour renforcer le lien entre la France et ses citoyens à l'étranger ?
L'action consulaire est la vitrine du ministère des affaires, comme l'a rappelé la Ministre lors de la conférence des ambassadrices et des ambassadeurs et c'est pourquoi nous œuvrons sans cesse à une modernisation et à une amélioration de nos services publics ainsi qu'à une simplification des démarches.
Ces évolutions s'inscrivent dans les politiques prioritaires du gouvernement et sont suivies au plus haut niveau. Il est utile de mentionner le succès de la mise en place du vote par internet pour les dernières législatives ainsi que le déploiement continu du service France consulaire depuis deux ans, qui assurera la réponse téléphonique pour près de la moitié des Français à l'étranger d'ici la fin de l'année 2023 (48% des personnes inscrites au registre mondial seront concernées).
En outre, nous lancerons en mars prochain une expérimentation sur le renouvellement à distance des passeports au Canada et au Portugal et nous continuons à déployer le Registre de l'état civil électronique (RECE) qui permettra au citoyen, à terme, d'effectuer ses démarches en la matière de manière totalement dématérialisée.
Quelles compétences et valeurs jugez-vous cruciales pour offrir un service de qualité aux Français à l'étranger ?
L'offre de services proposée par notre réseau consulaire s'inscrit dans le programme Services Publics +, lancé par la Direction Interministérielle de la Transformation Publique. Ainsi, 8 engagements sont déclinés pour garantir à l'usager un service plus proche, plus simple et plus efficace. Si la numérisation des démarches permet des gains de temps aux usagers, elle ne saurait toutefois remplacer le contact humain, qui reste essentiel. Les collègues du réseau consulaire sont pleinement engagés pour assurer un service de qualité au plus près de nos communautés et leur apporter assistance et protection en cas d'urgence. .
La formation continue des agents, avec le lancement en mai dernier d'un « consulat-école » au sein de notre institut de formation, axé sur les relations avec le public, contribue également à garantir un service public efficace et un accueil de qualité.
Comment prévoyez-vous de soutenir les Français en situation d'urgence à l'étranger ?
L'aide apportée aux Français lors de situations d'urgence ou en cas de crises relève de la compétence du Centre de Crise et de Soutien (CDCS) du ministère. Le CDCS a largement été mis à contribution ces derniers temps avec l'exemple le plus récent en date de l'aide au retour de nos concitoyens qui se trouvaient en Israël ou dans les Territoires Palestiniens. Les actions du CDCS se font en lien étroit avec nos collègues du réseau consulaire, qui sont les interlocuteurs privilégiés de nos communautés sur place. La DFAE est, quant à elle, toujours un soutien, que ce soit pendant ou après la situation d'urgence. Je repense ici notamment aux aides exceptionnelles mises en place dans le cadre de la crise COVID, qui ont été versées en plus des aides sociales déjà existantes pour soutenir nos compatriotes les plus vulnérables.
Comment avez-vous l'intention d'impliquer et d'inspirer la prochaine génération de Français expatriés ?
L'expatriation est une chance, à condition qu'elle soit bien préparée ! C'est pourquoi, j'encourage toutes celles et tous ceux qui ont un projet de départ à se renseigner bien en amont afin que leur séjour se passe pour le mieux. J'encourage notamment les jeunes qui rêveraient d'ailleurs à se renseigner sur la multitude de programmes disponibles pour accompagner le départ : que ce soit dans le cadre d'études avec Erasmus ou Erasmus +, dans le cadre d'un volontariat (volontariat international, service civique à l'international…) ou grâce à un visa vacances-travail, les possibilités sont nombreuses et variées, en fonction du projet !
Comment comptez-vous soutenir la culture et l'éducation des jeunes expatriés ?
Je rappelle que la France dispose d'un réseau d'enseignement français à l'étranger particulièrement développé : à la rentrée 2023, on compte 580 établissements scolaires (566 en 2022), implantés dans 139 pays. Ce réseau sans équivalent dans le monde dépend de l'Agence de l'Enseignement Français à l'étranger (AEFE), agence sous tutelle du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. La Direction des Français à l'étranger soutient les familles qui en ont le plus besoin, par l'octroi de bourses scolaires, afin de prendre en charge tout ou partie des frais d'inscription des enfants français scolarisés dans ce réseau (environ 114 millions d'euros pour plus de 24 000 élèves bénéficiaires).
La France peut également compter sur son réseau de plus de 1 200 établissements culturels (alliances françaises, instituts français ou services culturels d'ambassade) qui font vivre la culture française et francophone partout dans le monde.
Vous avez enfin probablement entendu parler des Pass Culture et Éducation, qui sont des engagements du Président de la République. Les jeunes Français établis à l'étranger ont vocation à pouvoir en bénéficier au même titre que leurs compatriotes en France. Les modalités d'extension de ces PASS font actuellement l'objet d'un examen attentif.
Quels efforts prévoyez-vous pour encourager les Français à s'intégrer et à participer activement à la vie locale de leur pays d'accueil ?
Il est utile ici de donner un aperçu de notre communauté expatriée : environ un tiers des Français inscrits sur le registre mondial sont binationaux ; la moitié d'entre eux sont des actifs (entre 26 et 60 ans) et sont en majorité établis de manière durable dans leur pays de résidence (plus de 1,2 million de Français sur 1,7 million inscrits sont installés depuis plus de 5 ans). Au-delà des chiffres, cela nous indique surtout que nos compatriotes sont nombreux à s'installer durablement à l'étranger, à y travailler, à y fonder une famille (environ 400 000 mineurs inscrits) et donc nécessairement à y tisser des liens forts.
Mais pour répondre à votre question, il ne revient pas à la Direction des Français à l'étranger d'encourager tel ou tel comportement individuel. Toutefois, à titre personnel, je crois qu'une expatriation n'est pleinement réussie que quand elle est synonyme de rencontres de culture, de découverte de l'autre et d'intégration à la vie locale, que ce soit par une activité économique, sociale, culturelle ou sportive par exemple. Je signale notamment le réseau FIAFE, qui rassemble les associations d'accueil pour les expatriés français ou francophones.
Y a-t-il autre chose que vous aimeriez partager avec les Français de l'étranger ?
Les Français de l'étranger font rayonner notre pays sur les cinq continents, ils constituent un atout essentiel pour la France ! Nous avons à cœur, via notre réseau consulaire, culturel ou encore éducatif, de les accompagner, et à titre personnel je suis toujours impressionnée quand je me déplace par la richesse de nos communautés à l'étranger.