Accéder au statut de citoyen dans le pays d'accueil
La perte volontaire de sa nationalité peut être le seul moyen d'accéder à la citoyenneté. Lorsque l'expatrié de passage s'installe durablement dans le pays d'accueil, lorsque ce pays devient le sien, le statut de « l'éternel étranger » peut ne plus convenir. L'immigré participe déjà à la vie dans son pays : il y travaille, cotise à la Sécurité sociale, paie éventuellement des impôts. Il parle la langue du pays d'accueil, est bien intégré dans son quartier, dans son travail. Mais il doit régulièrement renouveler ses papiers. Il ne peut pas participer à la vie politique, ou alors, à la marche (uniquement pour des élections locales). Il ne peut pas être élu.
Ces limitations peuvent constituer un frein dans la vie de l'étranger qui ne se considère plus comme tel. Le plus simple est de vivre dans un pays reconnaissant la double nationalité. Dans ce cas, nul besoin de renoncer à la sienne. L'immigré sera citoyen de deux pays. Problème : la double nationalité ne va pas de soi dans tous les pays. L'Autriche, l'Estonie, la Chine, la Norvège, le Japon, l'Allemagne ou les Pays-Bas l'interdisent ou la limitent strictement. Des projets de réformes sont en cours en Allemagne et aux Pays-Bas pour étendre la double nationalité à tous les ressortissants. La récente victoire du Parti d'extrême droite (PVV) aux élections néerlandaises laisse néanmoins planer le doute, le parti étant contre la double nationalité. Pour les étrangers souhaitant devenir citoyens à part entière de leur pays d'accueil, il ne reste donc que la solution, difficile, de la perte volontaire de sa nationalité.
Manifester son opposition au système politique du pays d'origine
Renoncer à sa nationalité en expatriation peut être un acte politique. En 2016, le nombre de ressortissants américains renonçant à leur nationalité a atteint des records, avec 5411 demandes en 2016, contre à peine 398 en 1998 (chiffres Statista, d'après les données du Département du Trésor des États-Unis). À l'époque, de nombreux ressortissants expatriés témoignent de leur volonté de renoncer à leur nationalité si Trump était élu président. Ils estiment l'homme politique trop éloigné de leurs valeurs et des valeurs de l'Amérique. Pour eux, l'élection de Trump allait nuire au pays. Il convient néanmoins de mettre ces chiffres en perspective avec la loi FATCA, qui durcit la politique fiscale américaine. Les renonciations à la nationalité américaine seraient en grande partie dues à cette loi.
C'est bien la politique qui a conduit de nombreux immigrés britanniques à renoncer à leur nationalité pour celle de leur pays d'accueil. La sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne (UE) a signifié pour ces Britanniques la perte de leur citoyenneté européenne. Une citoyenneté qui leur conférait pourtant de nombreux droits, à commencer par le droit de résidence. Mais les immigrés britanniques ne peuvent désormais plus voter ou être élus aux élections municipales de leur État européen de résidence. Considérés comme des ressortissants tiers, ils doivent régulariser leur situation.
Pour marquer leur opposition au Brexit et conserver leur citoyenneté européenne, des Britanniques ont donc décidé de renoncer à leur citoyenneté. Une décision lourde et coûteuse, mais qui ne freine pas les demandeurs. Rien qu'en France, le ministère de l'Intérieur a enregistré 1363 demandes de citoyenneté française, contre 385 l'année précédente, soit une hausse de 254 % (chiffres recueillis par le journal Le Monde). Le ministère de l'Intérieur britannique répond en 2018 avec une hausse du coût de la perte volontaire de nationalité. Les frais passent à 427 euros, contre 370 précédemment. Une manière de sanctionner les intéressés tout en renflouant les caisses.
En finir avec la bureaucratie et les complications fiscales
Dans certains cas, la double nationalité entraîne des complications imprévues. En 2012, 900 binationaux auraient renoncé à leur nationalité américaine. Ces binationaux, qui sont aussi citoyens suisses, évoquent, certes les nouvelles mesures fiscales des États-Unis, mais surtout la lourdeur administrative. C'est en effet à cette période qu'entre en vigueur de la loi FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), visant notamment à lutter contre l'évasion fiscale. La loi, votée en 2010, est entrée en vigueur en 2013 en France, et en 2024 en Suisse. Elle oblige les institutions financières à communiquer les comptes bancaires de leurs clients américains au Fisc des États-Unis. L'échange d'informations concerne les comptes détenus à l'étranger, y compris les assurances vie et les investissements dans des sociétés non américaines. Tout manquement à la déclaration de revenus entraîne de lourdes amendes. Chaque ressortissant américain est tenu de remplir sa déclaration de revenus, qu'il soit ou non imposable, expatrié ou non.
D'après les autorités américaines, 5816 citoyens américains ont renoncé à leur nationalité durant le premier semestre 2020. Les États-Unis parlent d'un nouveau record. Un record perturbé par la pandémie, qui complique les procédures. Pour ces Américains qui renoncent à leur nationalité, la fiscalité joue un grand rôle. Même les ressortissants non imposables savent qu'ils s'exposent à devoir payer de lourdes sommes, uniquement pour régulariser leur situation devant le Fisc américain.
Le calvaire des « Américains accidentels »
D'autres binationaux supportent le très lourd coût de leur nationalité américaine. On les appelle les « Américains accidentels ». Ces ressortissants sont nés sur le sol américain, mais n'y ont pas vécu, ou très peu. Ils n'ont ni étudié ni travaillé aux États-Unis. Ils sont nés « par accident » sur le sol américain, mais ont vécu dans un autre pays, en général, celui de la nationalité de leurs parents. Or, la loi FATCA les considère comme redevables du Fisc américain. Une situation qui plonge de nombreuses familles dans un véritable « enfer fiscal ».
Depuis de nombreuses années, les associations de défense de ces « Américains accidentels » dénoncent le système. Car la pression du fisc américain peut plonger ces binationaux dans la précarité (interdiction bancaire, par exemple). Renoncer à sa nationalité américaine devient l'unique porte de sortie. Mais là encore, il faut au préalable régulariser sa situation fiscale, payer pour ses démarches administratives, payer le recours à un avocat, et enfin, payer la procédure de renonciation à la nationalité. Le coût total s'élève à plusieurs dizaines de milliers d'euros. Une somme souvent impossible à rassembler pour ces personnes. Elles retiennent l'injustice d'un système « agressif » qui ne prend pas en compte leur situation.
Conclusion
Renoncer à sa nationalité en expatriation est une décision complexe et souvent douloureuse. Les motivations qui poussent à franchir le pas sont multiples et variées. Il est important de comprendre les implications d'une telle décision avant de s'engager dans ce processus.