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Le manque d'expérience : une barrière à l'expatriation professionnelle

entretien d'embauche
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Écrit parAsaël Häzaqle 26 Janvier 2024

Les pénuries de main-d'œuvre ont marqué 2023 et ont de grandes chances de se prolonger en 2024. Les candidats à l'expatriation y voient autant d'opportunités de se lancer sur le marché du travail international. Mais avec quel CV ? Le manque d'expérience freine-t-il la recherche d'emploi à l'étranger ?

Recherche première expérience dans le pays d'accueil

Qui n'a jamais été pris au piège de cet étrange « cercle de l'expérience ». Le demandeur d'emploi, fraîchement sorti de ses études, de son stage, postule pour une première expérience professionnelle. L'employeur lui oppose un refus poli, avançant son manque d'expérience. Motivé, le demandeur d'emploi continue de postuler, certain de trouver une entreprise qui lui donnera cette fameuse première expérience. Les CV envoyés se comptent par vingtaines, les réponses négatives aussi. La raison : « manque d'expérience ».

Cette situation, de nombreux locaux la vivent au quotidien. Les entreprises exigent ce qu'ils recherchent : une première expérience professionnelle. Mais si aucun employeur n'ouvre sa porte, cette première expérience n'aura jamais lieu. De nombreux expatriés percutent également ce mur invisible. Ils ont les diplômes, et même l'expérience professionnelle. Ce qui leur manque, c'est l'expérience dans le pays d'accueil.

Manque d'expérience et expatriation : le cas d'école canadien

Le rêve canadien a-t-il du plomb dans l'aile ? Les déçus du système s'expriment ouvertement sur ce qu'ils présentent comme une discrimination. Alors même que l'État dit ouvrir ses portes aux talents étrangers, les entreprises les ferment, invoquant un manque « d'expérience canadienne ». L'expérience professionnelle seule ne suffit pas. Il faut en plus que l'étranger ait une expérience au Canada. Mais comment l'obtenir quand l'on vient justement chercher du travail dans le pays ?

Pris au piège, des immigrants pourtant surdiplômés et qualifiés acceptent des postes sous-qualifiés. Ils acquièrent une expérience canadienne, certes, mais pas adaptée à leur niveau, et parfois même pas du tout adaptée à leur secteur d'activité. Voilà donc des talents étrangers compétents et ayant une ou plusieurs expériences professionnelles, mais repoussés hors du marché du travail faute d'avoir eu un employeur canadien. Outre les problèmes financiers que pose cette situation (difficile d'envisager l'avenir en courant entre deux jobs sous-payés), ces étrangers qualifiés perdent en confiance, et sont même prêts à remettre en cause leur expatriation au Canada.

Conscient du problème, le gouvernement d'Ontario propose une nouvelle législation. Présentée le 4 novembre dernier, la loi 149 : « Working for Workers Four Act » rendra illégale toute mention d'une « expérience canadienne » sur les offres d'emploi. Pour le gouvernement, le manque d'expérience canadienne invoqué par les entreprises pour rejeter les candidatures des étrangers constitue une discrimination. Il conduit également à une perte des cerveaux dont le pays a pourtant besoin. L'exécutif d'Ontario veut en finir avec les immigrants surqualifiés occupant des postes bien en dessous de leurs compétences. Ontario avait déjà amorcé le changement en 2021, en supprimant la mention « expérience canadienne » de 30 professions réglementées. Si la loi est adoptée, toutes les entreprises sous réglementation provinciale seraient concernées, soit, la majorité des entreprises de l'Ontario.

Comment se mettre en valeur quand on manque d'expérience ?

S'expatrier tout de même ou accumuler de l'expérience dans le pays d'origine, en espérant gagner des points à l'étranger ? L'exemple canadien montre que la balle se situe dans les deux camps. Si le talent étranger remplit sa part du contrat, l'État doit également remplir la sienne. Pour augmenter ses chances d'être recruté, le travailleur étranger a tout intérêt à bien se renseigner sur le marché du travail du pays d'accueil.

Lister ses compétences et savoir-faire

Personne n'est une page vierge. Un petit boulot, une activité bénévole, une pratique sportive ou culturelle apportent, non seulement des compétences techniques (hard skills) mais aussi des compétences douces (soft skills). Le trésorier ou secrétaire bénévole d'une association accumule de l'expérience. Lister toutes les activités exercées en rapport avec le métier recherché permettra de sélectionner les hard skills et softs skills qui conviennent au poste. La même réflexion sera faite pour tous les emplois exercés dans le pays d'origine ou dans un autre pays étranger.

Décrypter les offres d'emploi

Lister ses compétences et savoir-faire dresse un « portrait robot » de soi-même. On fera de même avec l'entreprise, et pour chaque offre d'emploi. Les recruteurs constatent que nombre de candidats ne lisent pas assez les offres d'emploi. Ils passent à côté d'éléments essentiels, comme les mots-clés utilisés. Qu'elles soient écrites par un humain ou par l'IA, il est important de bien analyser les offres d'emploi. Quels sont les mots-clés utilisés ? Quel est le style d'écriture adopté ? Quelles sont les compétences essentielles et secondaires ? L'employeur étranger pourra tolérer un candidat n'ayant pas les compétences secondaires demandées, mais sera intraitable sur les compétentes essentielles.

Se renseigner sur l'entreprise

Perdu dans sa recherche d'emploi à l'étranger, on oublie parfois de bien se renseigner sur l'entreprise. Le nom du recruteur est-il connu ? Est-il sur les réseaux sociaux professionnels ? Faire l'impasse sur cette recherche, pourtant capitale, nuit à la qualité du CV et de l'éventuelle lettre de motivation. En cas d'entretien d'embauche, on risque aussi de passer pour un candidat non motivé. Trouver le plus de renseignements sur l'entreprise est essentiel, qu'il s'agisse d'une réponse à une offre ou d'une candidature spontanée.

Connaître la culture du pays

Le manque d'expérience invoqué par les entreprises étrangères concerne parfois le manque de connaissance culturelle du candidat étranger. Erreurs dans la formulation de l'intitulé du poste, présentation d'un CV non conforme à la culture du pays, envoi de documents non demandés ou au contraire, oubli de documents indispensables, formulations maladroites ou hors de propos… Il est indispensable de se renseigner sur le marché du travail du pays d'accueil, sur la culture d'entreprise, les manières de formuler un mail professionnel. L'employeur sera susceptible de mettre quelques erreurs sur le compte de la différence culturelle, mais il attend aussi une certaine maîtrise « de base » : la manière de présenter un CV, par exemple.

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Bien se renseigner sur le pays d'accueil

On ne compte plus les avis dithyrambiques sur le Canada, l'un des pays favoris des expatriés. On parle moins des difficultés rencontrées par ces mêmes expatriés pourtant compétents, mais rejetés par les entreprises. En attendant la révolution Ontario, les déceptions remettent en cause l'idée même de l'expatriation. Bien se renseigner sur le pays d'accueil (histoire, culture, politique, emploi…) permet de mieux anticiper. A contrario, le Japon, par exemple, est connu pour son système d'immigration strict et la complexité de son marché de l'emploi. Confronté au vieillissement de sa population et aux pénuries de main-d'œuvre, le gouvernement change progressivement d'approche pour changer son image auprès des étrangers.

Se former

Les politiques d'immigration des États tendent vers toujours plus de recherches de professionnels étrangers qualifiés. Le haut niveau, voire le très haut niveau, tient le haut du pavé. Les États s'arrachent les talents étrangers, dans un marché international fragilisé par le manque de main-d'œuvre qualifiée. Être sûr d'avoir la bonne formation fait gagner du temps. Le cas échéant, il faut envisager une formation pour maximiser ses chances d'être pris.

Étudier à l'étranger

Étudier dans le pays étranger peut ouvrir davantage de portes. On sera acclimaté avec la culture du pays, on aura le diplôme du pays avec un réseau en construction (à commencer par l'aide de l'université).

Apprendre la langue du pays étranger

Il est indispensable d'apprendre la langue du pays étranger si l'on envisage d'y travailler. L'anglais n'est pas pratiqué partout, et même s'il est maîtrisé dans l'entreprise, la maîtrise de la langue sera demandée. En Finlande, par exemple, on demandera une maîtrise du finnois. La maîtrise de la langue est un plus à tous les niveaux : elle fait accéder au marché local de l'emploi et permet de mieux comprendre la culture, et de développer son réseau professionnel comme informel. Elle accélère et facilite l'intégration sur le territoire.

Faire jouer son réseau

Réseau professionnel, réseau informel, coach en expatriation, agences de recrutements internationales, réseaux sociaux professionnels, associations professionnelles… De nombreux agents et organismes sont dédiés à la carrière internationale. Trouver et conserver les bons réseaux est un atout indéniable, à l'heure ou nombre d'offres d'emploi se trouvent justement dans ces réseaux.

Envoyer le bon CV

CV anglais, dans la langue locale, ou les deux ? Avec ou sans photo ? Il faut tout faire pour éviter la faute lourde. Un bel intitulé de diplôme dans sa langue ne signifiera peut-être rien pour l'employeur étranger. À chaque étape de la recherche d'emploi, il faut penser à son interlocuteur. On évitera les traductions et les copier-coller de CV. Les CV impersonnels se démasquent vite et rebutent. À chaque employeur son CV.

Se mettre en valeur

On pense parfois à tort qu'expérience professionnelle signifie « longue expérience professionnelle ». Tout dépend du poste visé. Et même s'il s'agit d'un poste de direction, chaque travailleur a forcément commencé par une première expérience, et donc « une année d'expérience ». Plutôt que de tricher en ajoutant des années imaginaires, mieux vaut compter clairement ses expériences, et détailler les plus pertinentes pour le poste. Une expérience, même de 6 mois, n'est pas à minimiser. Au contraire, l'employeur doit sentir l'assurance et la motivation du candidat dès le CV.

Se pitcher

Que faire si l'employeur étranger propose un entretien téléphonique dans une heure ou le lendemain ? Que faire s'il planifie un entretien vidéo dans deux jours ? Le recruteur peut demander au candidat de se présenter en 2 minutes. Exercice difficile, surtout lorsqu'on est pris au dépourvu. Pour justement éviter les longues secondes de blanc, il faut anticiper et se préparer. Parler à voix haute, se regarder dans un miroir, faire appel à un coach, prendre en compte les spécificités culturelles du pays étranger permettra de gagner en assurance. Le manque d'expérience peut freiner une recherche d'emploi à l'étranger, mais ne la bloque pas. Il est possible de dépasser ces freins. Il faut aussi espérer qu'à l'instar du Canada, davantage d'États prennent des mesures efficaces pour lutter contre les discriminations contre les travailleurs étrangers.

Liens utiles :

Centre ENIC-NARIC : faciliter la reconnaissance internationale des diplômes

EUROGUIDANCE : informations sur les stages, études, cours de langue et formations en Europe

EURES : trouver un emploi en Europe

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A propos de

Titulaire d'un Master II en Droit - Sciences politiques ainsi que du diplôme de réussite au Japanese Language Proficiency Test (JLPT) N2, j'ai été chargée de communication. J'ai plus de 10 ans d'expérience en tant que rédactrice web.

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