La redevance audiovisuelle, c'est franchement sérieux au Royaume-Uni. Si vous regardez la télé sans payer les 145,50 livres sterling réclamés par la BBC, vous pourriez finir en prison. Et je ne plaisante même pas.
Le sujet est d'autant plus chaud que le processus de renouvellement de la Charte de la BBC est enclenché. Le public est invité à donner son opinion. Alors voici les faits d'abord !
L'an dernier, la BBC a envoyé (sous le couvert du nom "TV licensing") 52,3 millions de lettres, suivies de 3,8 millions de visites par des agents de la BBC.
Des demandes d'accès à l'information révèlent que 204 018 personnes ont été poursuivies en lien avec la redevance audiovisuelle au Royaume-Uni en 2014, soit 173 044 en Angleterre, 12 536 au pays de Galles, 4 905 en Irlande de Nord, 13 518 en Écosse (32 en Cour et 13 486 hors cour) et 15 dans l'Île de Man. Lorsque ces résultats sont mis en perspective avec la population de chaque pays, il appert que le plus grand nombre de présumés fraudeurs par habitant se trouve au pays de Galles.
70% des présumés fraudeurs sont des femmes. La BBC assure que les femmes ne sont pas délibérément ciblées par ses agents de TV licensing. Le protocole de conduite de ceux-ci est décrit de la façon suivante : l'agent ayant repéré un foyer sans permis valide prendra la déposition de toute personne responsable habitant à cette adresse (peu importe si elle, ou non, propriétaire du téléviseur, si elle l'utilise, ou si elle est responsable, ou non, du paiement des factures du ménage). Par conséquent, l'explication logique de cette disparité est très simple. Statistiquement parlant, il est plus probable qu'une femme soit à la maison durant le jour, prenant soin des enfants par exemple, lorsque les agents sont en fonctions. Mais encore, les femmes apparaissent plus désireuses de corriger leur situation lorsque l'occasion se présente, devenant alors victimes du système.
Un grand nombre de poursuites entamées par la BBC ne se soldent pas en condamnation. Une demande d'accès à l'information révèle que 21 541 personnes en Angleterre ont été accusées à tort d'avoir commis le crime d'utiliser leur téléviseur sans posséder un permis valide, signifiant qu'un cas sur huit échoue (12,4%). Ce nombre de poursuites futiles tend à démontrer que la BBC poursuit sur des bases douteuses, espérant que les présumés fraudeurs plaideront coupables ou ne contesteront pas la poursuite. Voilà sans doute un usage abusif et scandaleux de la Cour.
Le montant des amendes est fixé en fonction du salaire du criminel. En matière de redevance audiovisuelle, cette amende devrait représenter entre 25% et 125% du salaire hebdomadaire du fraudeur, dépendamment de la durée du crime et d'autres facteurs. Par exemple, un plaidoyer de culpabilité entraîne une réduction reflétant l'étape à laquelle celui-ci a été déposé. L'amende maximale est 1 000 livres, mais dans les faits, l'amende moyenne est 170 livres en Angleterre et au pays de Galles, alors qu'elle varie entre 70 et 80 livres dans le reste du Royaume-Uni. Considérant que moins de 35% des amendes imposées en matière de redevance audiovisuelle sont recouvrées, il appert que poursuivre le public est loin d'être rentable.
À l'imposition d'une amende, s'ajoute un casier criminel, une possible humiliation publique (certains journaux divertissent hebdomadairement leurs lecteurs avec une liste comportant les noms et adresses des fraudeurs récemment déclaré coupable.) et les dépens, la suramende ainsi que les frais de Cour pénaux. Ces derniers, qui sont appliqués depuis avril 2015 en Angleterre et au pays de Galles, commencent à 150 livres mais, dans l'éventualité où un plaidoyer de non-culpabilité est inscrit et que le défendeur est trouvé coupable, celle-ci passe à 520 livres. En gardant à l'esprit que le crime original était de ne pas avoir défrayé la somme de 145,50 livres, ces frais apparaissent disproportionnés. Aussi, considérant que le ministère de la Justice a déclaré que le coût du traitement d'un dossier en matière de redevance audiovisuelle est d'environ 28 livres, facturer des frais de 150 livres ou plus est carrément choquant.
Mais il y a plus. Lorsque le fraudeur refuse ou omet de payer l'amende à laquelle il a été condamnée qu'une période d'incarcération peut être imposée, à titre de mesure de "dernier recours". Ceci est toutefois une situation dont tout le monde sort perdant: la BBC ne recouvre pas les sommes qu'elle réclame, et le contribuable est forcé de débourser environ 95 livres par jour pour chaque personne envoyée derrière les barreaux. (Cette estimation est basée sur une déclaration du Ministère de la justice à l'effet qu'il coûte en moyenne 34 766 livres par an pour héberger un criminel au Royaume-Uni.) La durée de l'incarcération est décidée en fonction de la somme due.
39 personnes ont été incarcérées, en Angleterre et au pays de Galles, pendant une période moyenne de 20 jours chacun en 2014. Chaque séjour en prison a coûté près de 2 000 livres sterling, pour une facture combinée assez salée: 74 000 livres.
Heureusement, aucune incarcération pour fraude relative à la redevance audiovisuelle n'a été ordonnée depuis au moins 5 ans en Écosse et à Jersey, démontrant une dose de bon sens et de pensée progressiste.
Le parlement britannique a proposé de décriminaliser ce crime une bonne fois pour toutes, mais cette proposition a été rejetée par la chambre des Lords, 178 à 175, en février 2015. Ceci est plutôt curieux considérant que les Lords ont recommandé la décriminalisation de la redevance audiovisuelle dans leur rapport publié en 2005/2006.
Avant 1991, le gouvernement était responsable de la perception et de l'application de la redevance audiovisuelle. Le taux évasion était alors estimé à 12 %. Lorsque la BBC a pris en charge la gestion, elle a choisi d'afficher une image à la Big Bother, avec une publicité un brin effrayante au slogan "Votre ville, votre rue, votre maison, tout est dans notre base de données." La BBC s'est mise dans la tête que sa responsabilité envers tous les payeurs de redevance était de poursuivre avec acharnement les petits fraudeurs. Le taux d'évasion est descendu à 5 %.
Des études soutiennent que, plus le risque de se faire prendre est perçu comme grand, plus l'effet plus dissuasif sera grand, la rédaction de la loi elle-même étant de peu d'importance. Par conséquent, modifier la loi afin de transformer ce crime en infraction civile ne devrait, techniquement pas avoir d'impact sur le taux d'évasion. Une recherche comportementale, menée par la BBC, démontre que si la redevance audiovisuelle était décriminalisée et l'amende maximale de 1 000 livres sterling était remplacée par une sanction civile et une amende de 300 livres ou plus, le taux d'évasion restait à 5 %. Épatant selon moi, mais cette solution a été rejetée par la BBC et le gouvernement, parce que ce qu'ils veulent c'est 0 % d'évasion, en ce que, dans leur for intérieur, ils sont fermement convaincus que ceux qui disent ne pas regarder la BBC chaque semaine sont des menteurs. Et c'est ce pourquoi ils pensent qu'un prélèvement obligatoire pour chaque ménage, comme en Allemagne (en d'autres mots, une taxe fixe forçant la population à financer la BBC, peu importe si ceux-ci possèdent un téléviseur) serait plus juste que la taxe fixe actuelle, qui ne s'applique qu'à ceux qui regardent la télé en direct. Ce qu'ils oublient est que l'évasion est inévitable à moins d'être un état totalitaire.
Plusieurs pays ont aboli leur redevance audiovisuelle: l'Australie (1974), l'Inde (1984), le Portugal (1992), la Nouvelle-Zélande (1999), la Malaisie (2000), les Pays-Bas (2000), la Belgique (2001), Gibraltar (2006), l'Islande (2007), Malta (2001), Singapour (2011) et la Finlande (2013).
Or, le Royaume-Uni semble être le seul pays, avec l'Irlande, à considérer que le non-paiement de la redevance audiovisuelle devrait être supportée par des sanctions criminelles.
Il est intéressant de noter que le Japon requiert de ses citoyens de payer une redevance , établie à 75 livres sterling (câble) et 130 livres sterling (satellite), sans imposer d'amende ou de sanction pour le non-paiement de celle-ci. Il est dit que 75,6 % de la population paye cette redevance.
Il est grand temps de se demander: Est-ce que la criminalisation de la redevance audiovisuelle est le mécanisme approprié pour financer un diffuseur public ? Est-ce que les conséquences du présent système coercif sont proportionnelles au crime commis ? De quelle façon ce mode de financement est perçu à travers le monde et de quelle façon reflète-t-il sur la société britannique ? Y a-t-il d'autres pays qui criminalisent le non-paiement de la redevance audiovisuelle ? Sinon, pourquoi? Est-il acceptable d'embêter les citoyens au motif qu'ils n'ont pas contribué à financer la BBC? Est-ce que la BBC est devenue un dogme auquel il n'est pas possible d'échapper ? Est-ce que le maintien des services de la BBC et du prix de la redevance comptent plus que l'impact social de cette méthode de financement ? Est-il possible de produire une BBC de qualité en utilisant seulement l'argent amassé sans contestation ?
Une pétition, appelée " End the BBC Licence Fee" a été créée sur 38 Degrees, afin de demander un débat sur le futur de la redevance audiovisuelle, dans le but de l'abolir dans un avenir rapproché. Cette pétition a été signée par plus de 165 000 personnes et a fait l'objet d'une mention dans plus de 20 journaux en Angleterre, en Écosse et en Irlande du Nord. Elle a été traduite en polonais et en malayalam (indien). Elle a également été mentionnée dans le journal allemand Taz et sur la radio américaine Marketplace. On peut la signer ici https://you.38degrees.org.uk/petitions/ … icence-fee
Il est important d'attirer l'attention du public sur ce sujet et d'impliquer le public dans le processus de renouvellement de la Charte de la BBC, et ce, pour la première fois depuis sa création.
Source : Pour plus d'info, mon blog endbbclicencefee.wordpress.com/