Interview : 30 ans d'évolution des services européens pour l'emploi avec Nicolas Simon de France Travail

Paroles d'experts
Publié le 03 juin, 2024
Dans cette interview à l'occasion des 30 ans de l'EURES, Nicolas Simon, responsable du département "offre de service internationale" de France Travail et coordinateur national EURES, nous offre un aperçu de l'évolution des services européens pour l'emploi au cours des trois dernières décennies. Depuis la création du réseau EURES en 1994, jusqu'aux adaptations récentes face aux changements économiques et technologiques, découvrez comment ces services ont soutenu la mobilité des travailleurs à travers l'Europe. Nicolas Simon explique également le rôle de France Travail dans la coordination de ces efforts en France et les collaborations avec d'autres agences européennes pour améliorer l'intégration professionnelle des travailleurs.

Pouvez-vous nous donner un aperçu de l'évolution des services européens pour l'emploi au cours des 30 dernières années, et ses services ont contribué à la mobilité des travailleurs en Europe ?

Créé en 1994 pour accompagner et promouvoir la libre circulation des travailleurs en Europe, le réseau EURES a été inauguré en novembre 1994 et a consacré ses dix premières années au développement du réseau et à la formation des conseillers EURES. A partir de 2004, l'élargissement de l'Union Européenne a marqué une nouvelle étape dans la vie du réseau EURES qui s'est nettement agrandi avec comme point d'orgue 2006 année européenne de la mobilité des travailleurs qui a permis de mieux impliquer les employeurs européens.

Dans les années suivantes EURES s'est adapté pour accompagner les mutations économiques engendrées par l'élargissement européen et a continué à faire évoluer son fonctionnement et ses outils pour aboutir en 2024 à un réseau regroupant 31 Etats Membres, 167 structures membres du réseau EURES et 65 structures partenaires pour près de 1000 conseillers répartis sur toute l'Europe.

Selon les dernières données publiées en 2023 par la Commission Européenne, la mobilité professionnelle en Europe concernait en 2022 près de 10 millions de personnes travaillant dans un autre pays européen (soit 3,8% de la population active européenne) auxquels s'ajoutent 1,8 millions de travailleurs frontaliers ainsi que 4,6 millions de travailleurs détachés.

Quel rôle joue France Travail dans l'EURES ?

Sur délégation du Ministère du Travail, France Travail porte la coordination nationale du réseau pour la France et à ce titre veille à ce que la réglementation européenne qui définit le fonctionnement du réseau EURES soit appliquée. Le réseau EURES en France regroupe France Travail au travers de ses équipes mobilité internationale et de ses agences frontalières mais aussi le réseau Cheops-Cap emploi spécialisé dans l'accompagnement professionnel des personnes en situation de handicap ainsi que l'Apec spécialisé dans l'accompagnement des cadres.

Comment France Travail et l'EURES soutiennent et accompagnent-ils des travailleurs français dans leur recherche d'emploi et leur intégration professionnelle en Europe ? 

L'ensemble des conseillers mobilité internationale de France Travail a été formé par EURES pour accompagner les mobilités professionnelles en Europe. Les demandeurs d'emploi mobiles en Europe sont accompagnés par les équipes mobilité internationale dans le cadre d'une prestation interne concentrée sur 3 mois et personnalisée en fonction de la situation de la personne accompagnée au regard de son projet. L'ensemble de cet accompagnement se fait à distance via des entretiens en modalité visio. Pour les candidats avec un souhait de mobilité en Europe, France Travail a rendu possible le transfert du profil de compétences du candidat vers le portail EURES permettant ainsi une visibilité par l'ensemble des employeurs européens qui utilisent le portail EURES.

De même pour les candidats européens qui souhaitent travailler en France, nous avons systématisé le transfert vers le portail des offres d'emploi diffusées sur le site Francetravail.fr.

Comment France Travail et l'EURES collaborent-ils avec d'autres agences européennes pour faciliter la mobilité et l'emploi des travailleurs dans toute l'Europe ?

Le réseau EURES facilite le rapprochement avec les autres services publics de l'emploi européens ce qui nous permet de construire des actions de promotion personnalisées en fonction des situations de nos marchés du travail respectifs. A titre d'exemple, sur le Salon du Travail de janvier 2024, 6 pays européens étaient sur place pour présenter leurs opportunités aux candidats. De même, dans le cadre de la semaine de l'Europe qui sera animée par le réseau EURES France du 21 au mai 2024, 11 pays européens ont accepté d'animer un webinaire de présentation de leur marché du travail.  

Quels sont les services spécifiques que France Travail propose pour aider les travailleurs européens à surmonter les barrières linguistiques, culturelles et administratives lors de leur transition vers le marché du travail français ?

Tout candidat européen qui envisage une mobilité européenne peut bénéficier d'une aide TMS (targeted mobility scheme) financée par la Commission Européenne pour des cours de langue mais aussi pour la reconnaissance de diplôme ainsi que pour le déménagement. Pour les candidats qui envisagent de venir en France, ils peuvent contacter via le portail EURES un conseiller EURES France qui pourra les guider dans leur démarche.  

Comment France Travail s'adapte-t-il aux changements dans le paysage de l'emploi européen, tels que l'émergence de nouvelles technologies et les fluctuations économiques ?

France Travail s'appuie essentiellement sur la démarche compétences et la formation des demandeurs d'emploi pour accompagner les évolutions du marché du travail en France. Le fait de travailler au sein d'un réseau européen permet un échange de pratiques entre services publics de l'emploi européens. Les données européennes du marché du travail sur les secteurs en tension et en surplus de main d'œuvre publiées chaque année par l'Autorité Européenne du Travail permettent d'identifier les coopérations possibles entre pays.

Quels conseils donneriez-vous aux travailleurs européens souhaitant s'installer et travailler en France, en particulier à ceux qui envisagent de le faire pour la première fois ?

Le premier conseil que nous pourrions donner à un candidat européen c'est de préparer son projet de mobilité en réfléchissant d'abord au métier qu'il souhaite exercer mais aussi au cadre de vie qu'il souhaite trouver et en se disant que Paris et la région parisienne ne sont pas la seule destination possible. Le portail EURES permet d'avoir accès aux données du marché du travail français région par région. L'outil Mobiville développé par France Travail et accessible via l'Emploi Store permet d'identifier les opportunités d'emploi par région avec des données sur le cadre de vie ainsi que sur le coût du logement.

Comment envisage-t-on l'avenir du travail en Europe à France Travail et à l'EURES ? Avez-vous des prévisions pour le futur ? Des projets ?

Un des enjeux essentiels pour l'avenir du marché du travail européen va être de faire face au vieillissement démographique, à une forte évolution des secteurs d'activités impactés par l'émergence de la « green » économie ainsi que par les nouvelles technologies dans un cadre géopolitique extrêmement incertain. Lors des dernières crises mondiales (Covid-19, guerre en Ukraine), le réseau EURES a démontré sa capacité à faire face aux impacts de ces crises sur le marché du travail et reste donc un outil essentiel de résilience.

En France, la création de France Travail nous amène à travailler de manière plus rapprochée avec l'ensemble des acteurs pour l'emploi, cela doit se traduire aussi dans le réseau EURES France qui devra s'ouvrir à tous ces acteurs.