Si la mobilité internationale attire toujours les travailleurs internationaux, ils y regardent à deux fois avant de signer leur contrat. Il faut désormais composer avec un coût de la vie de plus en plus élevé dans les grandes villes d'expatriation. Comment envisager la vie à l'étranger dans ces conditions ? Que faire lorsque les enfants s'ajoutent à l'addition ? Les expats sont-ils toujours à même de négocier leur salaire, leur aide au logement ou les frais de scolarité de leurs enfants ? Analyse.
Faut-il être riche pour vivre dans une grande ville ?
On prend les mêmes et on recommence. D'après le classement Mercer 2024, paru le 20 juin 2024, Hong Kong, Singapour et Zurich restent les villes les plus chères pour les expats cette année. Les villes avaient déjà remporté ce titre l'an dernier. Derrière Zurich, 3 autres villes suisses, dont 2 qui conservent leur position de 2023 : Genève (4e) et Basel (5e). Bern est 6e , devant New York.
L'an dernier, l'explosion du coût de la vie à New York avait donné des sueurs froides aux expatriés. Un jeune banquier vivant sa première expatriation, n'en revient toujours pas. Arrivé à New York fin 2022, il est aidé par son entreprise pour trouver un logement. Une aide bien utile, mais qui ne compense pas le coût de la vie. « Mon logement est un gouffre financier. Bien sûr, j'ai un bon salaire, certains diront que je suis riche, mais tout est tellement cher ici que j'ai l'impression de ne rien gagner. » Rentré en France pour les vacances de Noël 2023, il fait le plein de nourriture. « En France, ce n'est pas aussi cher qu'à New York. »
Effectivement, les prix à New York restent très élevés. Derrière elle, Londres, Nassau, aux Bahamas, et Los Angeles. Les 3 villes remontent légèrement dans le classement. Mais c'est surtout Londres qui fait une percée spectaculaire, et gagne 9 points par rapport à 2023. Les expatriés s'en seraient bien passés. L'inflation a plombé le budget des ménages, avec même un pic à 19 % en mars 2023. Si l'inflation a, depuis, reflué à 3,2 %, bien vivre à Londres reste un défi pour des millions d'habitants.
Pourquoi le coût de la vie ne cesse-t-il d'augmenter dans les grandes villes d'expatriation ?
Dubai (15, +3 places), Miami (17, +5 places), Paris (29, +6 places), Berlin (31, +6 places), Mexico City (33, +46 places), Dublin (41, +10 places)… La liste des grandes villes d'expatriation dont le coût de la vie augmente paraît sans fin.
La pression inflationniste et la flambée des loyers jouent en grande partie sur la hausse du coût de la vie dans les grandes villes. Hausses qui s'entendent dans un contexte international toujours complexe, où les conséquences de la crise sanitaire et de la crise énergétique se font toujours sentir. Il faut ajouter à cela l'invasion russe en Ukraine et la guerre entre Israël et le Hamas. Au quotidien, expatriés et natifs constatent qu'ils travaillent plus, mais gagnent moins.
Faire baisser la pression du coût de la vie sur les habitants : l'exemple de Londres
Conscients de leurs difficultés, les autorités s'organisent. En janvier, Sadiq Khan, le maire de Londres, décide de geler les tarifs des transports en commun. Les transports sont également un poste important de dépense dans les grandes villes. 123 millions de livres seront alloués pour geler les tarifs des transports jusqu'en 2025. C'est la 5e fois que le maire gèle les tarifs des transports depuis son élection en 2016. Pour Sadiq Khan, il s'agit de « […] remettre de l'argent dans les poches des gens […] » tout en encourageant les Londoniens à utiliser davantage les transports en commun.
Quand hausse de salaire rime avec baisse du pouvoir d'achat : l'exemple de la Suisse
En Suisse, l'inflation grignote toujours un peu plus le pouvoir d'achat. Les salaires, bien que plus élevés en moyenne que dans d'autres pays, en font les frais. D'après l'Office fédéral de la statistique (OFS), les salaires nominaux (salaires perçus par les travailleurs) ont augmenté en moyenne de 1,7 %. Mais les salaires réels (revenu divisé par l'indice des prix) ont diminué de 0,4 %. Le chiffre peut sembler faible, mais révèle que le pouvoir d'achat des travailleurs en Suisse baisse. Pour l'OFS, la cause est l'inflation (2,1 % en 2023). L'augmentation des salaires ne suffit pas à compenser la hausse des prix.
Hausse du coût de la vie : les conséquences pour les expats
Pour les expatriés, ces hausses continues du coût de la vie pèsent considérablement sur les finances. Ils peuvent même remettre en cause, écourter ou réorienter des projets d'expatriation. Le jeune banquier expatrié à New York a hâte de quitter le pays. Il confirme avoir vu d'autres expats faire leurs valises pour une autre ville, un autre État américain ou un autre pays. « C'est encore plus dur pour les familles. » S'expatrier en famille dans un contexte de crise inflationniste et immobilière relève du défi. Mais rien n'est impossible, surtout si l'on peut bénéficier de l'aide de l'employeur.
Expatriation : que peut-on négocier ?
Peut-on négocier ou renégocier son salaire ? Demander une prime ? Une aide à l'installation ? Une aide à la recherche d'emploi pour le conjoint suiveur ? Les frais de scolarité pour les enfants peuvent-ils être en partie pris en charge ?
Travailleurs étrangers sous contrat de détachement ou d'expatriation
Tout dépend du contrat de travail. Si le travailleur part dans le cadre d'un détachement, il reste salarié de l'entreprise qui l'envoie. Celle-ci est dans l'obligation de fournir un « logement décent » à l'expatrié le temps de sa mission. Il n'y a pas d'obligation d'hébergement en contrat d'expatriation, mais le salarié (expatrié au sens strict) a tout intérêt à négocier avec son employeur des clauses à intégrer au contrat. Elles permettront de compenser l'éventuelle baisse de salaire.
Il faut néanmoins garder en tête que les juteux contrats d'expatriation sont passés de mode depuis longtemps, hormis pour les directeurs et professionnels très qualifiés. Pour les autres, il est aujourd'hui très difficile d'obtenir une prise en charge des frais de scolarité des enfants et de la formation du conjoint suiveur, des cours de langue, une aide à l'installation… La négociation se jouera plutôt à la marge : compensation si le coût de la vie est plus élevé dans le pays d'expatriation que dans son pays, aide pour remplir les documents administratifs, etc.
Travailleurs étrangers sous contrat local à 100 %
En l'absence de contrat de détachement ou d'expatriation, le travailleur s'est expatrié « par ses propres moyens ». Il travaille sous contrat local (sans contrat d'expatriation derrière), sans rattachement à une entreprise de son pays d'origine. Dans ce cas, une renégociation du salaire peut être envisagée en prenant en compte la culture du pays d'accueil. La négociation peut également se faire dès l'entretien d'embauche. Bien entendu, rien n'oblige l'employeur étranger à valider la hausse de salaire demandée.
Peut-on négocier son loyer ou bénéficier d'une aide au logement ?
Là encore, tout dépend du pays d'expatriation et de la situation du travailleur étranger. Comme expliqué plus haut, le logement des travailleurs détachés est pris en charge par l'employeur. Les expatriés au sens strict (sous contrat d'expatriation) peuvent négocier une clause dans leur contrat d'expatriation qui prévoit une aide au logement. Pour appuyer sa demande, ils peuvent se référer au coût de la vie élevé dans le pays d'expatriation, à la rareté de l'offre locative, à la difficulté de trouver un logement, etc.
Il ne faut pas oublier les aides auxquelles pourraient prétendre les travailleurs étrangers. De nombreux États délivrent des aides (comme l'aide au logement) sous conditions de ressources. On conseille aux expatriés de se renseigner auprès des autorités locales pour vérifier s'ils sont éligibles. Pour faire baisser la facture, on conseille également de se renseigner sur le marché locatif bien avant l'expatriation. Chercher un logement abordable avant de s'expatrier est aussi une bonne option. Pour éviter les arnaques et les mauvaises surprises, mieux vaut se rapprocher d'une agence immobilière du pays d'accueil.
Scolarité des enfants expatriés : école internationale ou locale ?
Les expats y regardent à deux fois avant d'inscrire leurs enfants dans les écoles internationales. À New York, il faut compter jusqu'à près de 50 000 dollars pour une première année en école internationale (école élémentaire). Le coût est moins élevé à Londres (environ 35 000 dollars) et à Dubaï (environ 20 000 dollars), mais augmente pour les années scolaires suivantes. En comparaison, les frais de scolarité d'une école locale sont plus qu'abordables. On comprend mieux les interrogations des expatriés.
Outre le prix, les écoles locales ont un autre avantage : elles accélèrent et facilitent l'intégration de l'enfant dans le nouveau pays. S'il ne connaît pas encore la langue, il l'apprendra rapidement. Il maîtrisera mieux la culture du pays d'accueil. Les parents qui optent pour l'école internationale mettent en avant la préparation de l'enfant à ses futurs diplômes. En cas de projet de retour au pays, par exemple, l'école internationale garantit à l'enfant une scolarité similaire à celle de son pays d'origine. Il n'aura pas de décalage au niveau de ses apprentissages. Son diplôme sera reconnu dans son pays. Des arguments pertinents, mais qui se heurtent de plus en plus au coût exorbitant des études dans les établissements internationaux. Pour faire baisser la facture, certains États proposent une bourse scolaire aux parents expatriés qui choisissent une école agréée par le ministère.