Comment concilier expatriation et télétravail

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Écrit par Asaël Häzaq le 06 août, 2024
Le boom du télétravail n'a échappé à personne. Plutôt discret avant la crise sanitaire, il fait désormais partie de l'organisation du travail. Une organisation qui a donné des idées aux travailleurs tentés par l'expatriation et les rêves de workation. La tentation est cependant grande de confondre vacances prolongées et travail à l'étranger. Comment construire de nouvelles relations avec son manager ? Conseils pratiques pour trouver le bon équilibre entre expatriation et télétravail.

Télétravail et législation : soyez sûr d'avoir l'accord de votre employeur

Vous pensez que l'important, c'est que le travail soit fait. Vous avez certainement entendu le récit de ces travailleurs aventuriers partis tester le nomadisme numérique ou l'expatriation festive dans le dos de leur employeur. Ils sont revenus avec tout leur salaire et sans sanction disciplinaire, leur employeur n'ayant jamais su qu'ils travaillaient depuis les plages de Bali. Mais s'ils racontent leur aventure avec fierté, ces travailleurs ont surtout eu la chance de ne pas s'être fait prendre. Loin d'être un exemple, ce comportement fait courir un risque, tant pour le travailleur que pour l'entreprise.

Avant de boucler votre projet, soyez sûr d'avoir l'accord de votre employeur. Selon les pays, le droit du travail autorise ou non le principe du télétravail. Mais opérer depuis chez soi, dans le café du coin ou le continent d'à côté n'implique pas les mêmes responsabilités. Votre employeur pourrait vous reprocher, par exemple, d'avoir utilisé une connexion non sécurisée pour envoyer votre travail, d'avoir mal effectué vos tâches, ou d'avoir fait courir un risque pour l'entreprise. L'employeur risque aussi gros, notamment sur le plan fiscal et pénal. Un salarié surpris en train de travailler avec un visa/statut touriste s'expose à des sanctions et expose son entreprise.

Construisez votre projet « expatriation-travail » avec votre manager

Dans quel pays partez-vous, et pour combien de temps ? Aurez-vous besoin d'un visa ? Y aura-t-il un décalage horaire ? Quel sera votre lieu de travail (chambre, café, espace de coworking, lieu insolite) ? Sous quelle forme enverrez-vous votre travail ? La connexion Internet sera-t-elle sécurisée ? Pourrez-vous participer aux réunions et à la vie de l'entreprise ?

Voilà un échantillon des questions essentielles que vous devrez débattre avec votre manager. L'expatriation et le télétravail supposent une plus grande autonomie. Or, les cultures d'entreprises diffèrent naturellement selon les pays. En Suède, par exemple, aucun manager n'ira déranger les télétravailleurs. Le mode de travail est bien intégré dans la culture. À contrario, le management à la française a tendance à craindre un désinvestissement des télétravailleurs. On peine à faire confiance au salarié qui travaille 3 jours par semaine chez lui. On fera encore moins confiance à celui qui s'expatrie pour télétravailler.

D'où l'importance de construire son projet avec le manager. D'un côté, vous vous assurez de respecter le droit en vigueur. De l'autre, vous rassurez votre manager : vous partez pour travailler, pas pour festoyer dans le dos des collègues.

Pensez « travail » avant de penser « voyage »

L'évidence n'est pas évidente pour tout le monde. À lire les récits de ces « expatriés de l'ombre » partis travailler à l'étranger sans avertir leur manager, l'essentiel se situe moins dans l'expérience du travail à distance que dans l'organisation de fêtes et autres beuveries. Des vacances à l'œil, en somme.

Pour une expérience vraiment sereine (les expatriés de l'ombre qui se sont fait prendre gardent un souvenir amer), vérifiez que votre futur quartier d'expatriation sera propice au travail. Toutes les conditions doivent être réunies pour que vous puissiez travailler à distance. Vous avez besoin d'Internet pour votre travail, mais avez trouvé votre « home sweet home » dans une région sans aucune connexion. La question ne se pose pas : vous devez changer de quartier d'expatriation.

Même conclusion si vous souhaitez partir au bout du monde alors que votre travail impose des réunions régulières avec votre entreprise. Étes-vous certain de pouvoir vous lever toutes les semaines au milieu de la nuit pour participer à la réunion du jour avec vos collègues ? On précise qu'il s'agit bien de « participer » et non de faire « acte de présence » avec votre caméra et votre micro fermés.

Aménagez un espace de travail adéquat

Votre manager peut vous demander de lui montrer votre espace de travail. Il s'agit moins d'un flicage que d'une volonté de s'assurer que vous serez dans les meilleures conditions pour télétravailler à l'étranger (certes, dans certains cas, il s'agit bien d'un flicage). Là encore, rassurez votre manager et jouez le jeu. Vous avez opté pour un lieu insolite ? Évitez de mentir en prétendant travailler depuis un sobre espace de coworking. Mais que votre espace de travail soit original ou non, il doit vous permettre de travailler. Par « travail », vous devez entendre non seulement les tâches à effectuer, mais aussi tout ce qui se rapporte à votre profession : participer aux réunions, passer des coups de fil, etc.

« Télétravailleur glandeur » ? Pensez aux vrais télétravailleurs expatriés

Vous vous pliez en 4 devant les récits de télétravailleurs expatriés passant leur temps entre le dancefloor, le lit et le bar ? Votre manager lit également ces récits, mais sans se tordre de rire. Ce sont justement ces histoires (couplées avec celles de prétendus télétravailleurs qui ne s'expatrient pas, mais lézardent chez eux au lieu de travailler) qui freinent les entreprises. Elles craignent que vous ne passiez votre temps à paresser pour expédier le travail entre deux siestes.

Une télétravailleuse à l'étranger, grande habituée des « réunions Zoom caméra et micro fermés », témoigne ainsi d'avoir malencontreusement allumé sa caméra au pire moment. Elle avait pris l'habitude de s'amuser durant les réunions et de n'allumer son micro et sa caméra que pour intervenir. Un comportement peu apprécié par ses managers, mais pratiqué par plusieurs autres salariés. Le « fameux jour », elle reçoit son « ami » du moment et s'adonne à quelque jeu coquin avec lui. Mais voici qu'en chahutant devant l'ordinateur, ils touchent la souris, allument caméra et micro, et s'exposent devant toute l'entreprise. Les collègues sont partagés entre stupeur et rires. Les managers hésitent entre avertissement et rétrogradation.

Bien entendu, le « télétravailleur glandeur » n'est pas représentatif de l'ensemble des télétravailleurs. Mais les concernés, loin de se voir comme des délinquants, trouvent amusant de jouer avec leur manager. Certains pointent du doigt leurs collègues restés au pays, qui font parfois plus de présentéisme que de travail effectif. Là encore, ce comportement est loin de représenter l'ensemble des travailleurs. Par contre, la sanction est lourde : les managers font moins confiance et les véritables candidats à l'expatriation paient les pots cassés.

Concilier expatriation et télétravail : les avantages

Vous souhaitez vous lancer dans l'aventure, mais devez affronter les réticences de votre employeur ? Essayez de lier votre projet aux objectifs de l'entreprise : évolue-t-elle avec des pays étrangers ? Les missions à l'étranger sont-elles fréquentes ? Si oui, parlez écologie et économies : pourquoi multiplier les trajets coûteux en avion lorsqu'il faudrait une personne installée dans le pays d'expatriation sur une longue période ? Votre présence sur place pourrait ouvrir de nouveaux marchés à votre entreprise, tout en lui faisant gagner de l'argent.

Autre argument qui peut faire mouche : l'alliance « gains de productivité et bien-être ». Bien que le bien-être s'invite de plus en plus dans l'entreprise, il a parfois du mal à être considéré à sa juste valeur. La préservation de la santé mentale est pourtant essentielle, tant pour les salariés que pour l'entreprise. Mieux dans leur tête, les travailleurs sont plus productifs et investis. L'expatriation peut être un bon moyen de remobiliser les salariés.