Lois du travail : quels sont les meilleurs et pires pays pour travailler

Vie pratique
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Écrit par Asaël Häzaq le 30 septembre, 2024
Bien entendu, le pays d'expatriation se choisit en fonction de critères propres à chacun : coup de cœur pour un pays, intérêt pour la culture, challenge personnel, opportunités professionnelles, envie de nature, etc. Ces raisons sont à mettre en perspective avec la réalité du pays en matière de législation du travail. Temps de travail, congés, présence syndicale, âge de départ à la retraite… Tour d'horizon du « pire » et du « meilleur » des lois du travail.

Temps de travail

72, 69, 48, 40, 37, 35… La valse des chiffres a de quoi donner le tournis. Ils correspondent pourtant à la réalité de nombreux travailleurs. Les expatriés peuvent être surpris par ces systèmes, surtout s'ils ont jusque là travaillé dans un pays où le temps légal était plus court, ou, inversement, plus long. Difficile de s'adapter aux horaires à rallonge et aux nombreuses heures supplémentaires pas toujours payées. Certains préfèrent changer de secteur professionnel ou, plus radicalement, plier bagage.

35 heures, l'exception française ?

Mise en place en 2000, la réforme des 35 heures est obligatoire depuis 2002. Vu de l'étranger, on s'interroge encore sur ce système qui abaisse le temps de travail légal (avant la réforme, la durée légale était de 39 heures), quand les autres pays le maintiennent à 40 heures et plus. En pratique, les 35 heures ne sont pas appliquées à la lettre dans tous les secteurs. La réforme elle-même inclut des dérogations pouvant aller de 44 à 48 heures, et même 60 heures (mesure exceptionnelle). À noter que l'Italie et l'Australie sont également sous la barre des 40 heures, avec une durée légale de 38 heures par semaine.

40 heures : la durée « standard »

En Allemagne, la durée légale de travail est de 40 heures par semaine, 48 heures maximum. Actuellement à 40 heures/semaine, l'Espagne pourrait passer à 37,5 heures en 2025. C'est la réforme qu'a proposée la ministre du Travail Yolanda Diaz en mars, pour « rationaliser les horaires de travail » et en finir avec les horaires décalés, marque de fabrique du pays : déjeuner entre 14 et 16 h, travail de bureau après 19 h (pour au moins 30 % des salariés), restaurants ouverts jusqu'à 2 h du matin… Certains Espagnols soutiennent le projet, lassés de cette vie nocturne qui les empêche de dormir. Mais la proposition ne fait pas l'unanimité. Les 40 heures/semaine ont cours aux États-Unis, au Canada, à Maurice, en Corée du Sud ou au Nigéria. En mars 2023, le gouvernement sud-coréen a tenté d'augmenter la durée légale à 69 heures/semaine. Devant le tollé, il a vite abandonné son projet.

Vers les 50 heures et plus : travailler plus pour gagner plus ?

En Suisse, on travaille entre 40 et 50 heures selon les secteurs d'activité. C'est 44 heures au Maroc et à Singapour (48 heures maximum à Singapour), 45 heures en Afrique du Sud. 48 heures aussi pour le Royaume-Uni et l'Égypte. La plupart des pays d'Amérique latine sont également aux 48 heures : Argentine, Bolivie, Colombie, Costa Rica, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou. Le Brésil et l'Équateur font office d'exception, avec une durée légale du travail fixée à respectivement 44 et 40 heures/semaine. En 2023, le Chili rejoint l'Équateur avec une réforme abaissant la durée légale de travail de 45 à 40 heures par semaine.

En Chine, on travaille entre 40 et 44 heures (maximum). Un maximum qui s'efface dans certains secteurs, comme la Tech, qui a développé son propre système : le « 996 ». En clair : travailler de 9 heures à 21 heures, 6 jours dans la semaine, soit 72 heures de travail hebdomadaire. Des variantes existent, comme le 8106 (8 h-22 h, 6 jours/semaine), le 997 (9 h-21 h, 7 jours/semaine) et le 007 (de minuit à minuit, 7 jours/7, soit 24 h/24). Malgré la grogne de plus en plus audible des jeunes travailleurs, ces systèmes, apparus avec le boom d'Internet, sont toujours d'actualité.

Âge de départ à la retraite

Pour faire face à l'explosion des dépenses des santés et au paiement des pensions de retraite, de nombreux pays augmentent progressivement l'âge de départ à la retraite. Le constat est souvent le même : une natalité en berne et un vieillissement qui progresse rapidement. Il n'y a plus assez d'actifs pour soutenir le système des retraites. La « silver generation » reprend du service.

Lente marche vers la retraite à 60 ans

La nouvelle est tombée le 13 septembre. Pékin relève l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 63 ans pour les hommes et de 55 à 58 ans pour les femmes. Le projet attend sur le bureau du gouvernement depuis plusieurs années. Devant l'inquiétude des habitants, déjà frappés par la crise économique, l'État se veut rassurant. L'âge légal reste bien inférieur à la norme des autres pays. Quelques mois plus tôt, en mars, Singapour annonçait le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite (de 63 à 64 ans) et de réemploi (de 68 à 69 ans). Le réemploi concerne les retraités qui « souhaitent » continuer de travailler.

La norme : la retraite à 60 ans et plus

Ailleurs, on part plutôt à la retraite entre 60 et 70 ans. Avec de grands écarts entre la loi du travail et la pratique. Ainsi, le Japon fixe l'âge légal de départ en retraite à 60 ans. Mais personne ne part à cet âge, car la pension est trop faible pour vivre. Les seniors travaillent généralement jusqu'à 70 ans, voire plus. Il n'est plus rare de voir des employés de 80 ans… Le voisin sud-coréen n'est pas loin, avec un âge légal relevé d'un an tous les 5 ans : 62 ans aujourd'hui, 64 ans en 2028, 65 ans en 2033… En pratique, on trouve déjà de nombreux Sud-Coréens de 70 ans et plus toujours dans la vie active. La précarité des seniors est l'un des drames silencieux de la Corée du Sud.

Les États s'avancent doucement vers une retraite à 65 ans et plus. C'est 65 ans en Côte d'Ivoire, en Belgique, au Cameroun et au Canada ; 66 ans au Danemark et au Royaume-Uni ; 67 ans en Italie et en Australie. En France, la réforme des retraites (relèvement progressif de 62 à 64 ans) était censée s'appliquer au 1er septembre. C'était sans compter les élections d'été surprises et la nomination d'un Premier ministre de droite (pour des élections remportées par la gauche), mais qui permettent au président Macron de maintenir sa réforme.

Équilibre vie privée/vie professionnelle (droit à la déconnexion)

Depuis la pandémie, le droit à la déconnexion fait de plus en plus parler de lui. Les travailleurs locaux et étrangers prêtent une plus grande attention au respect de l'équilibre vie privée/vie professionnelle. Un nombre croissant de pays se met à légiférer, mais d'autres préfèrent ne pas entraver les « bonnes relations » entre employeurs et salariés.

En 2021, l'Italie, l'Espagne, le Portugal et l'Irlande instaurent un droit à la déconnexion pour mieux protéger les salariés. Le boom du télétravail est passé par là, grignotant la frontière entre vie privée et vie professionnelle. À noter que l'Espagne reconnaît le droit à la déconnexion depuis 2018. Le développement du télétravail l'a conduit à réformer sa législation pour intégrer cette nouvelle forme de travail. La France et les Philippines reconnaissent ce droit depuis 2017. Au Canada et aux États-Unis, il n'existe pas de loi fédérale, mais des initiatives prises par des villes, des États. En décembre 2021, l'Ontario, province canadienne, inscrit le droit à la déconnexion dans sa législation. Cette année, la Californie réfléchit à un projet de loi. Projet voté en Australie cet été.

En revanche, pas de loi en Nouvelle-Zélande, en Suède, en Finlande, au Royaume-Uni, au Venezuela, en Croatie, en Turquie, en Corée du Sud, au Japon, à Singapour ou en Chine. La Corée du Sud réfléchit à légiférer depuis 2016. Mais difficile pour ce pays ultra-connecté d'inscrire la déconnexion dans son droit du travail. La mesure est pourtant essentielle pour ses défenseurs. Selon eux, les travailleurs sud-coréens sont parmi les plus stressés au monde. Constat similaire au Japon. D'après une enquête de la Confédération des syndicats japonais menée en 2023, 72,4 % des sondés déclarent avoir déjà été contactés par leurs supérieurs ou collègues en dehors des heures de bureau. Le chiffre était moins élevé avant COVID (64,2 %).

Télétravail

La législation sur le droit à la déconnexion va souvent de pair avec celle sur le télétravail. Colombie, Argentine, Chili, France, Irlande, Philippines, Espagne, Allemagne… Un certain nombre de pays a légiféré pour encadrer le télétravail. Au Canada, des mesures existent en Ontario. Aux États-Unis, la liberté est donnée aux entreprises.

Mais une loi sur le télétravail ne signifie pas que les salariés sont libres de télétravailler comme ils le veulent. Bien souvent, la loi rappelle que le télétravailleur garde les mêmes obligations envers son entreprise. Une entreprise qui peut toujours refuser le télétravail, par exemple, en cas d'accord collectif ou pour des raisons de sécurité.

S'il est devenu une norme appréciée par de nombreux candidats à l'expatriation, le télétravail n'est pas forcément dans la culture de l'État d'accueil. C'est le cas au Japon, où la présence en entreprise reste la norme, malgré une lente progression du travail à distance. En République tchèque, le télétravail n'a pas non plus la côte ; la pratique n'est même pas inscrite dans la loi.

Congés payés

Dans quel pays partir pour avoir le maximum de congés payés ? La question peut sembler incongrue et ne doit certainement pas apparaître comme le premier critère pour choisir son pays d'expatriation. Mais il est important de connaître ce que la loi du travail du pays d'accueil réserve en matière de congés.

L'Autriche est l'un des pays les plus généreux, avec 38 jours de congés payés par an (dont 13 jours fériés). Il fait jeu égal avec Malte (24 jours de vacances et 14 jours fériés). La Grèce et la Bolivie arrivent juste derrière, avec 37 jours de congés payés, dont 12 jours fériés. Le Royaume-Uni, l'Espagne, la Suède, le Venezuela et la France les talonnent (36 jours, dont 8 à 12 jours fériés). L'Allemagne n'offre que 20 jours de congés payés, mais les travailleurs peuvent grappiller 10 à 14 jours fériés selon les Länder (États d'Allemagne). En Finlande, les salariés ont droit à 35 jours de congés payés (dont 10 jours fériés).

Les lois sont moins généreuses en Thaïlande ou au Canada : à peine 19 jours de congés payés (respectivement 13 et 9 jours fériés). Le Mexique compte encore moins de jours de congés : 13 jours (avec 7 jours fériés). C'est encore moins à Singapour et aux Philippines, où les salariés n'ont droit qu'à 7 et 5 jours de vacances par an. Contre toute attente, la situation est meilleure au Japon. Le droit du travail délivre 10 jours de vacances, auxquels s'ajoutent 20 jours fériés. En revanche, le géant américain ne prévoit aucune loi sur les congés payés. En effet, il n'existe en théorie aucune loi fédérale qui oblige l'entreprise à délivrer des congés payés à ses salariés. En pratique, les travailleurs prennent en moyenne 2 semaines de congés par an.

Expatriation et lois du travail : comment faire son choix ?

Il n'est pas toujours facile de dégager les forces et faiblesses d'un système législatif. Le « pire » d'un secteur peut en effet côtoyer « le meilleur » dans un autre domaine. Un travailleur souhaitant booster sa carrière à l'étranger choisira davantage son pays en fonction des possibilités qu'il lui offre. C'est cet arbitrage qui permettra de trouver son pays d'accueil. Les États-Unis, par exemple, restent un objectif pour beaucoup, malgré un système d'immigration restrictif, un marché de l'emploi ultra concurrentiel et peu de protection des travailleurs (faible présence syndicale).

D'autres pays, comme le Japon ou la Corée du Sud, veulent davantage séduire les talents étrangers, pour mieux faire face à la crise démographique. C'est sans compter sur leur réputation à l'international (marché du travail difficile, horaires à rallonge, présentéisme…). C'est tout l'enjeu des politiques d'ouverture des États pour attirer les professionnels étrangers. De là à revoir leurs lois du travail ? C'est en partie ce qu'ont fait les Émirats arabes unis pour attirer plus d'étrangers qualifiés.