De nombreux pays restent frappés par des pénuries de main-d'oeuvre plus ou moins importantes. Dans certains secteurs, la crise s'éternise et s'internationalise. Les États partent à la course aux talents étrangers pour combler leurs manques. Quels métiers seront les plus demandés en 2025 ? Quelles opportunités pour les candidats à l'expatriation ?
Pénurie de main-d'oeuvre : un problème mondial
D'après Eurostat, la zone euro compte 2,6 % d'emplois vacants au 2e trimestre 2024. Le chiffre grimpe même à 3 % en Belgique, en Allemagne ou aux Pays-Bas. L'Union européenne (UE) continue de souffrir de pénuries de main-d'oeuvre. En mars, la Commission européenne dévoilait un plan d'action pour lutter contre le manque de travailleurs. Car ce manque freine la croissance. 63 % des petites et moyennes entreprises (PME) déclarent avoir du mal à recruter. Paradoxe : le taux de chômage dans l'UE grimpe à 6,4 %.
Selon le rapport d'octobre 2024 de la Bibliothèque de la Chambre des communes (House of Commons Library), service d'information et de recherche basée au Parlement britannique, le nombre de postes vacants s'élève à 841 000 entre juillet et septembre. Un niveau qui reste supérieur à la période prépandémique. Bureau américain des statistiques du travail (U.S. Bureau of Labor Statistics) comptabilise 8 millions d'emplois disponibles en août 2024. Le chiffre tombe à 648 600 au Canada (juin) et 329 900 en Australie (septembre). La pénurie de main-d'oeuvre touche aussi la Suisse, la Chine, le Japon et la Corée du Sud. En Suisse, plus de 110 000 postes restent à pourvoir. L'an dernier, le Japon a accueilli plus de 2 millions de travailleurs étrangers (un record) pour contrer les pénuries.
Si à l'international, les États misent avant tout sur le recrutement des talents étrangers, les métiers peu qualifiés sont aussi touchés par les pénuries. Mais ils peinent à recruter, faute d'être assez attractifs. C'est le cas de l'hôtellerie-restauration. Parmi les professions qualifiées, les ingénieurs, médecins et scientifiques font partie des métiers les plus recherchés. Rien que dans l'UE, on estime qu'il faudra plus de 8 millions d'ingénieurs d'ici 2035. Tour d'horizon des métiers qui resteront sous tension en 2025.
Santé
Applaudis durant la crise sanitaire, les professionnels de santé sont toujours en sous-effectifs chroniques. Au Royaume-Uni, la crise du système de santé (National Health Service – NHS) s'aggrave. Selon un sondage IPSOS (leader des études de marché) réalisé en juin 2024, c'est le problème n°1 des Britanniques. La crise de la NHS passe bien avant l'économie, le logement et l'immigration. Faute de soignants, le nombre d'opérations repoussées explose, malgré les promesses des anciens gouvernements. Il manque environ 2 000 anesthésistes (11 000 d'ici 2040), 50 000 médecins et 46 828 infirmiers. Le nouveau gouvernement a fait du sauvetage de la NHS une priorité nationale.
Même ton en France, où le gouvernement part au secours d'un système de santé exsangue. Si le nombre des médecins repart légèrement à la hausse (+ 1 672 en 2024, d'après l'Ordre des médecins), il ne comble pas les fortes pénuries et inégalités territoriales. Selon les analystes, le faible nombre des médecins est dû en partie à la politique du numerus clausus établie en France dans les années 70 pour limiter le nombre d'étudiants en médecine. Le premier gouvernement Macron a voté la fin de cette politique en 2019, avec une entrée en vigueur en 2021. Mais il faudrait plus de 10 000 étudiants en médecine chaque année pour pallier la pénurie.
De nombreux autres pays manquent de médecins : Allemagne, Italie, Canada, États-Unis, Japon, Corée du Sud, Australie, etc. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) met l'accent sur la situation alarmante des pays d'Amérique centrale, du Sud, d'Afrique et d'Asie du Sud-Est. Les services de santé philippins sont en sous-effectif chronique. Il manque 190 000 soignants.
Services à la personne
De nombreux pays sont confrontés au vieillissement de la population. L'allongement de l'espérance de vie augmente les besoins en personnel humain pour prendre en charge les seniors. Ces personnels sont auxiliaires de vie, aides à domicile, gardes-malades, ou aides-soignants. Ils travaillent à l'hôpital, en maison de retraite, en centres de santé, à domicile, et constituent des interlocuteurs privilégiés pour les seniors. Mais la profession, physique et souvent mal rémunérée, peine à recruter. C'est le cas du Royaume-Uni. D'après le rapport de l'Association médicale britannique (British Medical Association) publié en septembre dernier, on comptait 112 846 postes vacants dans les soins secondaires en juin 2024. Aux États-Unis, plus de 960 000 professionnels sont attendus pour prendre en charge les patients. Les sous-effectifs chroniques pèsent sur les épaules de professionnels déjà surchargés de travail.
Cybersécurité
À mesure que les attaques informatiques se multiplient, les besoins des entreprises en professionnels de la cybersécurité augmentent. Ces attaques, auparavant dirigées contre les grandes entreprises et organisations, ont commencé à cibler les PME. Les hôpitaux, mairies, et autres lieux publics ne sont pas non plus épargnés. Lutter contre les piratages est l'un des pôles stratégiques des entreprises et institutions. Car les pirates s'adaptent vite aux nouvelles technologies. D'après le dernier rapport du Forum international de la cybersécurité (FIC), l'intelligence artificielle générative risque d'accroître la vulnérabilité des entreprises, en ouvrant de nouvelles perspectives aux cybercriminels. En effet, 85 % des experts estiment que l'augmentation des attaques informatiques est due aux IAs. Selon le FIC, les cyberattaques coûteront plus de 10 000 milliards de dollars en 2025.
Mais les experts en cybersécurité manquent. La France compte en recruter 75 000 en 2025. Les entreprises belges ont le budget pour lutter contre les cyberattaques, mais manque de professionnels. Or, en 2024, 45 % des grandes entreprises situées en Belgique ont connu un incident de sécurité (30% pour le total des entreprises). Mais 54 % indiquent ne pas trouver d'experts en cybersécurité. Sur le plan mondial, on estime qu'il faudrait actuellement 4 millions d'experts en cybersécurité pour combler la demande.
Autres métiers de l'informatique
À mesure que la technologie investit les sociétés et les différents secteurs économiques (avec une accélération due aux intelligences artificielles), les pénuries d'informations augmentent. C'est tout le secteur de l'informatique et du numérique qui recherche davantage de professionnels : développeurs web, web designers, webmasters, data analysts, data scientists, ingénieurs informatiques, architectes cloud, chefs de projets digitaux, experts en référencement, techniciens support, développeurs de logiciels, etc. Pour certains, le développement rapide des IAs menace le secteur informatique. Ils prennent pour exemple les États-Unis et les vagues de démission dans la Tech. Cette année, les États-Unis emploient moins de développeurs de logiciels qu'avant la Covid. L'indice de recrutement des développeurs est en baisse depuis les années 2020 (-4,6 % en janvier 2022, -3,4 % en janvier 2023). D'autres études soutiennent néanmoins que les besoins en informaticiens resteront élevés, aux États-Unis comme dans le monde. Elles rappellent que les IAs ne remplacent pas les besoins en personnel humain expérimenté.
Marché du travail international et sous-effectifs chroniques : quelles opportunités pour les expatriés ?
De nombreux autres secteurs connaissent des pénuries chroniques : agriculture, transports et logistique, hôtellerie-restauration, enseignement, construction, métiers de l'environnement, etc. Les secteurs clés des économies sont frappés par des sous-effectifs chroniques.
Mais les énormes besoins en main-d'œuvre ne peuvent s'entendre sans prêter attention aux politiques d'immigration des États. Car la priorité, pour la grande majorité d'entre eux, est de recruter des professionnels étrangers qualifiés et très qualifiés. Les seuils salariaux sont progressivement relevés (comme au Royaume-Uni ou en Suède) pour filtrer les candidatures et limiter le nombre d'étrangers peu qualifiés. Si les listes des métiers en tension publiées par les États comportent encore des métiers peu qualifiés, ces derniers tendent à être moins nombreux. Les candidats à l'expatriation peuvent cependant bénéficier de conditions plus favorables s'ils travaillent dans un métier sous tension. Ainsi, la nouvelle loi allemande sur l'immigration favorise les étrangers qualifiés dans les secteurs en pénurie.
Face aux pénuries de main-d'œuvre, certains États repensent leur politique d'immigration. C'est le cas du Japon, qui, pour la première fois, a accueilli plus de 2 millions de travailleurs (2 048 645 – chiffres au 31 octobre 2023 du ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales). Ils travaillent majoritairement dans les secteurs manufacturiers (27%), les services (27%) et le commerce de gros et de détail (12,9%). L'Agence japonaise de coopération internationale (JICA) estime que le pays aura besoin de 420 000 travailleurs étrangers d'ici 2040. Mais le pays est concurrencé par d'autres États, comme l'Australie, les Émirats arabes unis ou les États-Unis, jugés plus attractifs et plus ouverts. Les pénuries seront toujours d'actualité en 2025. Reste, pour les expatriés, à anticiper d'éventuelles réformes de l'immigration qui leur seraient plus ou moins favorables.
Liens utiles :
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Émirats arabes unis : niveaux professionnels des emplois
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