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Comment gérer la perte d'identité professionnelle en expatriation

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Écrit parHelena Delbecqle 18 Mars 2025

On parle souvent de l'expatriation comme un tremplin sur le plan professionnel. C'est oublier qu'un métier et des compétences ne sont pas toujours transférables à 100% d'un pays à l'autre. Certaines personnes doivent donc composer avec une relative perte d'identité professionnelle due, par exemple, à la barrière de la langue, à une différence de statut et de salaire. Il arrive même que des diplômes ne soient pas reconnus à l'étranger. Comment se prémunir d'une dévalorisation possible de son identité professionnelle quand on déménage à l'international ?

Différence de statut

Vous pensiez exercer une profession plutôt valorisée socialement ? On se rend compte parfois que ce même métier n'a pas le même « prestige » à l'étranger. Et le salaire va souvent de paire avec le statut.

On sait, par exemple, que la figure de l'enseignant est largement valorisée en Asie. En Chine, le qualificatif de professeur (« laoshi ») ne s'adresse d'ailleurs pas qu'au maître d'école mais peut également s'appliquer à une personne disposant d'une expertise dans un domaine donné. Le terme véhicule encore le respect ancestral attribué à cette figure du savoir.

Il ne faudra pas espérer garder cette aura sous d'autres latitudes. Le métier d'enseignant est depuis plusieurs années une fonction qui n'attire plus, comme en témoigne la pénurie de professeurs et la difficulté à les remplacer, que cela soit en France ou encore en Italie.

En Allemagne, les métiers techniques et d'artisanat sont valorisés grâce à des filières solides et à un système éducatif axé sur la formation duale (modèle combinant apprentissage en entreprise et enseignement théorique dans des écoles professionnelles). Dans bien d'autres pays, on peinera à trouver cette même valorisation de la voie professionnelle et des métiers qui lui sont associés.

Équivalence des diplômes et droit d'exercer à l'étranger

Au-delà du statut, on n'est pas toujours garanti de pouvoir exercer sa profession telle quelle quand on déménage à l'étranger. En cause des reconnaissances d'expérience, de compétences et de diplômes qui peuvent poser problème d'un pays à l'autre. Il existe en effet un certain nombre de professions et d'activités qui sont réglementées, typiquement dans les secteurs aérien, de la sécurité, du bâtiment, du social et bien entendu dans celui de la santé.

La pratique de la médecine et du paramédical est en effet un bon exemple. L'exercice d'un métier dans ce secteur, en France comme dans d'autres pays, est régi par le Code de la santé publique qui fixe les conditions de reconnaissance des titres de formation dans le domaine médical. En tant que praticien étranger, il faudra donc consulter les différentes réglementations en la matière afin d'obtenir le droit d'exercer.

Certaines spécialités ou médecines complémentaires ne bénéficient ainsi pas de la même accréditation partout. La médecine traditionnelle chinoise, par exemple, est largement reconnue et remboursée en Suisse tandis qu'en France, seule l'acupuncture (qui constitue une portion de la médecine chinoise) peut être prise en charge si le praticien choisi est conventionné.

Barrières linguistiques et culturelles

Une maîtrise limitée de la langue du pays d'accueil peut évidemment entraver l'exercice de son métier à l'étranger, surtout si l'emploi de l'anglais reste limité. On se retrouve ainsi à accepter des postes inférieurs à ses qualifications ou à devoir effectuer des tâches moins valorisantes que si on pouvait évoluer dans son environnement habituel.

Andres explique comment il a été embauché dans une entreprise allemande avec un niveau débutant dans la langue locale. Rassuré par les recruteurs, durant les entretiens, quant à l'utilisation possible de l'anglais pour ce poste, Andres s'est pourtant peu à peu senti comme exclu des missions les plus intéressantes à mener. Il explique ne pas avoir ressenti d'intention malveillante de la part de ses collègues allemands mais tout simplement une préférence - bien compréhensible au reste - pour une communication directe et efficace dans la langue locale.

Spécialisation professionnelle inhérente au contexte local

Certains métiers sont par essence fortement dépendants du contexte local. On pense, par exemple, aux professions qui impliquent la connaissance précise des lois d'un pays donné.

Caroline est juriste de formation. Avant son expatriation à Shanghai, elle relisait et rédigeait des contrats pour différents clients. Si une partie de son activité a pu être préservée, sa méconnaissance du droit chinois a eu pour conséquence de faire évoluer la majeure partie de son activité vers de la pure communication juridique, une sorte de pis aller, explique-t-elle. Dans ce genre de domaine, il est en effet difficile d'entrer en concurrence avec des professionnels locaux qui ont une meilleure connaissance du contexte.

Perte d'identité professionnelle due à une interruption de carrière à l'étranger

On le sait, les départs en expatriation ne se font pas toujours sur un double poste. De nombreux conjoints ou accompagnants, qualifiés de « suiveurs », en profitent pour effectuer une interruption de carrière ou la subissent pour différentes raisons.

Ces interruptions de carrière - selon la manière dont elles sont vécues - diminuent le sentiment de valeur et d'identité professionnelle. Beaucoup de femmes, en particulier, en viennent à éprouver de sérieux doutes quant à leurs compétences. Jenny évoque ainsi sa frustration de n'avoir pu obtenir de poste lors de l'expatriation de son conjoint en Inde. Frustration qui s'est transformée peu à peu en dépression : « J'avais le sentiment que je ne valais plus grand-chose et pire, qu'il me serait difficile de recommencer à travailler plus tard ».

Stratégies pour préserver ou adapter son identité professionnelle à l'étranger

Se renseigner en amont sur les possibilités d'exercice de son métier à l'étranger

Deux vérifications administratives s'imposent : la nature du visa et la reconnaissance à l'étranger de vos compétences et diplômes.

C'est en effet un aspect qu'on oublie parfois : tous les visas ne donnent pas l'autorisation de travailler dans un pays donné à l'étranger. L'obtention du précieux sésame est parfois compliquée et soumise à des conditions particulières. En Chine, par exemple, le visa de catégorie B nécessite d'être titulaire d'une Bachelor et d'avoir au moins deux ans d'expérience professionnelle.

Comme évoqué, la reconnaissance de certains diplômes demandent parfois des démarches particulières quand on souhaite les valoriser à l'international. C'est notamment le cas quand l'organisme national qui a délivré votre diplôme manque de visibilité ou d'accréditation. Pour plus de précisions sur le sujet, consultez le centre ENIC NARIC qui s'occupe de ces questions.

Envisager une formation complémentaire ou une réorientation professionnelle

En cas de lacunes en matière de reconnaissance des diplômes d'un pays à l'autre ou en cas d'ajustement nécessaire, une formation complémentaire directement dans le pays d'accueil vous permettra peut-être de continuer à exercer votre métier précédent.

Certains pays demandent, par exemple, aux médecins étrangers de repasser des examens spécifiques (comme l'USMLE pour pratiquer aux États-Unis) et de suivre des formations complémentaires pour s'adapter aux pratiques locales.

Prenez donc en compte ces temps nécessaires de formation et de certification.

Et pourquoi ne pas saisir cette opportunité pour explorer de nouvelles orientations de carrière ou développer certaines compétences que vous avez toujours voulu acquérir ?

Avoir des notions claires du marché de l'emploi à l'étranger dans votre secteur

Les voyants sont au vert côté visa et reconnaissance de diplôme, mais qu'en est-il du marché de l'emploi dans votre secteur ? On se sent parfois professionnellement dévalorisé parce qu'il y a peu de besoins dans son secteur professionnel.

Ainsi, les pays qui investissent massivement dans les énergies renouvelables auront probablement besoin de pléthore d'ingénieurs spécialisés dans le domaine, tandis que vous risquez de trouver moins d'emplois si vous déménagez vers un pays essentiellement producteur d'énergies fossiles.

Pour avoir une idée claire du marché de l'emploi dans un pays donné, consultez les rapports sur l'économie et l'emploi publiés par des organisations internationales telles que l'OCDE, l'EURES ou par des instituts locaux (chambres de commerce et ministères du travail).

Apprendre la langue et réaliser une initiation à la culture de travail

On parvient rarement à travailler dans la langue locale après un ou deux mois d'apprentissage, même intensif. Mais c'est un excellent signal d'ouverture d'esprit qu'on envoie à ses collaborateurs. Le fait d'apprendre l'idiome du pays prédispose positivement les gens à votre égard, ce qui atténue le risque d'être mis à l'écart sur certaines missions.

De même, on aurait tort de négliger l'importance du culturel en milieu professionnel. Une formation sur le sujet aide à acquérir les bons réflexes en termes de communication ou de gestion d'équipes.

Exercer comme indépendant, à distance

Il arrive que les différentes conditions d'exercice de son métier ne soient pas du tout réunies à l'étranger. Dans ce cas, pour éviter toute perte d'identité professionnelle, on peut songer à poursuivre son activité comme indépendant. Le fait de passer à son compte permet de définir à sa guise ses objectifs, ses domaines d'intervention et ses clients.

C'est en particulier le cas si l'activité professionnelle que vous souhaitez préserver peut se poursuivre à distance, puisque vous ne dépendez pas des différentes contraintes locales. Reste tout de même à évaluer les conditions légales d'ouverture et de gestion d'une entreprise quand on réside à l'étranger.

Réseautage, mentorat et coaching

Rejoignez des associations professionnelles locales, des groupes d'expatriés ou des rencontres par secteur professionnel. Quand on se questionne sur son activité, le réseautage permet de mettre des opportunités d'évolution de son côté.

Un mentor – s'il est bien choisi – constitue un soutien fiable pouvant atténuer le sentiment d'aliénation. Si le sentiment d'inadéquation persiste, envisagez de faire appel à un coach professionnel ayant l'expérience des défis liés à l'expatriation. Ils peuvent vous proposer des stratégies pour affronter le changement, retrouver confiance ou encore pour valoriser efficacement une interruption de carrière à l'étranger.

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A propos de

Titulaire de l'Education nationale et d'un Master II en Politiques linguistiques, j'ai eu l'opportunité de vivre au Japon et en Chine et suis actuellement basée en Allemagne. Mes activités se déclinent autour de la rédaction et de l'enseignement.

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