Singapour recrutera moins de professionnels étrangers après la crise

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Écrit par Veedushi le 04 septembre, 2020
Singapour a longtemps été désigné comme étant l'eldorado des professionnels étrangers grâce aux nombreuses opportunités qu'elle offrait dans divers secteurs, mais aussi pour ses salaires attractifs et son niveau de vie élevé. Mais si vous comptez vous y envoler après la crise de COVID-19, la crise de l'emploi risque fort de compromettre votre projet. La décroissance économique couplée à la hausse du taux de chômage ont contraint le gouvernement singapourien à revoir sa politique d'immigration professionnelle.

L'économie singapourienne affiche aujourd'hui une décroissance de pas moins de 12,6%, le taux le plus bas depuis 1965. Ajoutons à cela un taux de chômage de près de 4%, selon les chiffres officiels, et qui pourrait augmenter davantage d'ici fin 2020. Le pays comptera ainsi entre 150 000 et 200 000 chômeurs, y compris des locaux et des résidents étrangers. En effet, de nombreuses entreprises, principalement dans les secteurs du tourisme, de l'aviation, de l'hébergement, de l'alimentation, de la vente au détail, du transport, ainsi que les arts et la culture, peinent à tenir la route. Le secteur manufacturier, la vente au gros, la construction et l'immobilier ont également été touchés. Une situation qui inquiète les autorités qui souhaitent, avant toute chose, préserver l'emploi des Singapouriens et leur accorder la priorité en matière de recrutement. Qu'est-ce que cela signifie pour les professionnels étrangers ?

Des restrictions imposées sur les entreprises

En mai 2020, la réglementation relative au recrutement des professionnels étrangers a été renforcée. Ainsi, pour embaucher un expatrié et obtenir un Employment Pass, une entreprise doit dépenser plus ! Le salaire minimum est passé de 2 840 dollars singapouriens à 3 900 dollars singapouriens par mois. Ce chiffre devrait augmenter progressivement à 4 500 $S pour atteindre les 5 000 $S d'ici la fin de l'année pour ceux qui travaillent dans le secteur de la finance, selon les autorités singapouriennes.

Mais ce n'est pas tout ! Le salaire minimum devrait varier en fonction de l'âge des candidats, ce qui signifie que les entreprises auront à dépenser le double pour recruter des professionnels étrangers qui sont dans la quarantaine. En ce qu'il s'agit des S-Pass, le critère de salaire passera de 2 400 $S à 2 500 $S à partir du 1 octobre 2020. Comme dans le cas de l'Employment Pass, ce taux variera en fonction du niveau d'expérience. Il faudra également s'attendre à des changements en matière de renouvellement des S Pass à partir de mai 2021. Pour l'heure, les quota et les prélèvements restent inchangés.

D'autre part, les entreprises sont tenues d'ouvrir leurs postes vacants aux locaux et de recruter des professionnel étrangers uniquement si les compétences requises pour ces postes ne sont pas disponibles localement. En effet, elles devront prouver qu'elles ont activement recruté et formé des locaux pour des postes de professionnels, managers, cadres et techniciens. Par ailleurs, les offres d'emplois doivent être affichées pendant 28 jours au moins afin de donner le temps aux potentiels candidats locaux de soumettre leurs applications.

Il est intéressant que les professionnels étrangers hautement qualifiés, c'est-à-dire, les détenteurs de l'Employment Pass, comptent pour 5% de la main-d'œuvre locale. Dans certains secteurs, comme celui des services financiers, plus de la moitié des postes clés sont occupés par des professionnels étrangers, en particulier au sein des grandes multinationales qui comptent énormément sur l'expertise étrangère. Les entreprises craignent d'ailleurs que ces nouvelles réglementations affectent non seulement le quota de recrutement mais aussi le renouvellement des visas existants.

Un contrôle stricte sur les pratiques de recrutement

L'action gouvernementale pour protéger les professionnels singapouriens ne s'arrête pas là. Quelque 300 entreprises, y compris des banques, des sociétés financières et celles offrant des services professionnels, sont actuellement sous surveillance par rapport à leurs politiques de recrutement. Il est donc recommandé aux employeurs de donner leur chance aux locaux au lieu de favoriser les professionnels étrangers qui passent généralement par un exercice de pré sélection. En cas de pratiques discriminatoires, leurs demandes d'Employment Pass pour les candidats étrangers seront refusées. Ces entreprises risquent même d'être poursuivies en justice et de perdre tous leurs privilèges en matière de permis de travail.

La tendance actuelle du marché du travail

Les licenciement massifs dans de nombreux secteurs ont entraîné le départ de milliers d'expatriés depuis le début de la crise. Il est intéressant de noter qu'à juin 2020, le pays comptait quelque 400 000 professionnels étrangers qualifiés sur une main-d'œuvre étrangère de 1,2 million. Selon les professionnels du recrutement, le nombre de demandes d'emploi venant des ressortissants étrangers est en baisse (23%) par rapport à la même période l'an dernier. L'on ne s'attend pas à ce que la situation s'améliore avant 2022, compte tenu de la fragilité du marché du travail et de l'ampleur de la crise économique qui a suivi la crise sanitaire.

Qu'en est-il des multinationales ?

Singapour se classe parmi les meilleurs pays pour créer une entreprise grâce à sa stabilité politique et les nombreuses mesures incitatives mises en place par le gouvernement. Il s'agit également d'un pays doté d'un cadre légal grâce auquel le taux de corruption reste très faible. Cependant, compte tenu de l'incertitude qui actuellement règne sur l'économie singapourienne, les multinationales qui y ont une branche sont en train de revoir leurs stratégies d'investissement. La Chine et Hong Kong se présentent ainsi comme des alternatives intéressantes pour celles qui souhaitent garder les pieds en Asie, ce qui pourrait avoir un impact significatif non seulement sur le marché du travail singapourien mais aussi sur son économie qui, aujourd'hui, a plus que jamais besoin d'investissements étrangers pour remonter la pente.

A propos de Veedushi

Détentrice d'un diplôme approfondi de langue française, j'ai été journaliste à Maurice pendant 6 ans. Je compte plus d'une dizaine d'années d'expérience en tant que rédactrice web bilingue à Expat.com dont cinq au poste d'assistante éditoriale.