De nombreux pays sont actuellement confrontés à une pénurie d'infirmiers, particulièrement depuis la pandémie de Covid-19. C'est notamment le cas du Canada, du Royaume-Uni, du Danemark et de la Suisse. Ces pays ont ainsi assoupli leurs exigences et entamé des campagnes de recrutement dans d'autres pays qui fournissent traditionnellement des infirmiers immigrés, à l'instar des Philippines.
Plusieurs provinces canadiennes ont simplifié l'immigration des infirmiers
Parmi les pays hautement développés, le Canada est celui qui connaît actuellement la pénurie de main-d'œuvre la plus aiguë. Le gouvernement fédéral a augmenté l'objectif d'immigration pour 2023 à 465 000 personnes. Ce nombre de nouveaux migrants économiques devrait inclure des infirmiers. En effet, les provinces du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, de Saskatchewan et de Terre-Neuve-et-Labrador ont franchi une nouvelle étape pour faciliter l'immigration des infirmiers.
Le Manitoba, par exemple, a simplifié le processus de recrutement et d'intégration des infirmiers expatriés. Le College of Registered Nurses of Manitoba (CRNM), l'organisme de réglementation de la province, a annoncé ces réformes à la presse en février dernier. Le délai de traitement des dossiers a été réduit d'au moins 12 semaines, permettant aux candidats de franchir plusieurs étapes de manière simultanée avant même de déménager au Canada.
Quelles sont les exigences pour devenir un infirmier agréé au Manitoba ? C'est assez simple : il faut être titulaire d'un diplôme d'infirmier, avoir exercé au moins 450 heures au cours des deux dernières années ou 1 125 heures au cours des cinq dernières années, avoir une maîtrise de l'anglais de niveau B2 (6,5 à l'IELTS), faire une demande d'inscription auprès du CRNM et passer l'examen d'inscription. Certains candidats peuvent être amenés à effectuer une évaluation des compétences cliniques et à suivre quelques cours, soit à travers un programme de transition.
Auparavant, les candidats devaient se soumettre les résultats d'un test IELTS pour justifier leur niveau d'anglais. Mais depuis février, il leur est possible de prouver leurs compétences linguistiques par d'autres moyens, par exemple, en présentant une attestation émise par un professionnel de la santé réglementé de la province. Ce professionnel doit confirmer qu'il a supervisé le candidat et garantir que ce dernier peut s'exprimer en anglais au travail. Ils peuvent également passer à nouveau l'évaluation des compétences cliniques s'ils échouent et être inscrits sous condition s'il ne leur manque que quelques heures (<100) de pratique.
Cette flexibilité accrue s'est accompagnée de campagnes de recrutement, notamment aux Philippines. En mars, l'ambassade du Canada à Manille a même ouvert un centre dédié uniquement au traitement des demandes d'immigration du personnel de santé. Des centres similaires seront prochainement mis en place dans les ambassades canadiennes de plusieurs villes d'Asie du Sud (notamment New Delhi, Chandigarh, Islamabad, entre autres).
Au cours des exercices de recrutement organisés sur place, les candidats potentiels reçoivent toutes les informations dont ils ont besoin au sujet de la procédure de candidature, de la vie au Canada et de leurs perspectives de carrière. Des représentants des organismes de réglementation des soins infirmiers organisent même des entretiens d'embauche et proposent des lettres d'intention directement sur place. Le Nouveau-Brunswick, Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador organisent des campagnes de recrutement similaires. Terre-Neuve-et-Labrador recrute non seulement dans les pays asiatiques, mais aussi au Royaume-Uni et en Irlande. Au Saskatchewan, la pénurie d'infirmiers concerne plus particulièrement ceux exerçant dans le domaine psychiatrique. Il n'empêche que les critères de recrutement de ces provinces ne diffèrent pas beaucoup de ceux du Manitoba.
Le Royaume-Uni recrute des infirmiers dans de nombreux pays d'Asie et d'Afrique
La pénurie d'infirmiers au Royaume-Uni a été exacerbée par la pandémie de Covid-19, comme au Canada. Une partie de la solution a consisté à recruter à l'étranger, en particulier dans les pays asiatiques et africains moins puissants sur le plan économique. L'Inde, le Népal, les Philippines, le Ghana et le Nigeria sont quelques exemples. Le « Nuffield Trust », une organisation caritative dédiée à l'amélioration des soins de santé au Royaume-Uni, constate qu'il est moins coûteux de recruter à l'étranger que de former des infirmiers localement. La formation d'un infirmier au Royaume-Uni équivaut à 26 000 livres sterling, contre 10 000 à 12 000 livres sterling pour le recrutement d'un infirmier provenant des pays susmentionnés.
Il n'est donc pas surprenant que le nombre d'infirmiers étrangers enregistrés au Royaume-Uni a augmenté de façon exponentielle. Selon la publication « Nursing Times », entre avril et septembre 2022, le nombre d'infirmiers expatriés exerçant dans le pays a augmenté de 13 000.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a placé la plupart des pays fournisseurs d'infirmiers sur la « liste rouge » des pays qui sont eux-mêmes confrontés à une pénurie de personnel. Il est donc recommandé de ne pas recruter des infirmiers provenant de ces pays. Le Canada et le Royaume-Uni ont été critiqués pour avoir affaibli le système de santé de ces pays moins développés en attirant leur personnel avec des salaires plus élevés. Cependant, la tendance ne semble pas près de s'arrêter. La solution serait que ces pays développés contribuent financièrement à l'économie de ces pays, par exemple, en finançant la formation des infirmiers aux Philippines.
Quels sont les critères de recrutement ? Depuis décembre 2020, les nouveaux candidats européens et non européens doivent suivre des procédures plus ou moins similaires. En ce qui concerne les tests requis, les candidats doivent réussir le test IELTS (pour prouver leur maîtrise de l'anglais) ainsi qu'un test de compétence. Ils doivent obtenir un score d'au moins 6,5 à l'IELTS, ce qui correspond à un niveau B2 ou intermédiaire supérieur en anglais. Ils doivent également se soumettre à un test pour leurs compétences en soins infirmiers. Le contenu de ce test varie en fonction de leur spécialisation : un infirmier général passe un test différent de celui d'un infirmier spécialisé en pédiatrie ou en santé mentale. Le « Nursing and Midwifery Council » précise toutefois que le coût de ce test et les frais d'évaluation de la qualification peuvent s'élever à près de 1 200 livres sterling.
L'infirmier devra également obtenir un « Certificate of Sponsorship » (COS), un certificat de parrainage, de l'hôpital qui souhaite l'employer. Une fois obtenu, ce certificat devrait lui permettre de faire une demande pour un visa de travail. George's Hospital, le plus grand hôpital public de Londres, précise sur son site Web que l'équipe des ressources humaines de chaque hôpital fera de son mieux pour aider les candidats tout au long de cette procédure.
Le Danemark a assoupli ses exigences linguistiques pour attirer davantage d'infirmiers étrangers
En février, le Danemark a rationalisé sa procédure d'immigration pour les infirmiers expatriés, en particulier pour ceux qui ne sont pas originaires de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. Le système de santé danois est actuellement sous pression : les professionnels n'ont pas suffisamment de temps de repos et les délais d'attente des patients sont 50 % plus longs qu'en 2019, selon le média « The Local ». Face à cette situation, le Danemark tente également d'attirer davantage d'infirmiers expatriés.
Les ministères danois de l'Intérieur et de la Santé ont assoupli les exigences linguistiques afin de faciliter la tâche des infirmiers non-ressortissants de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. Les infirmiers étrangers n'auront bientôt plus besoin de passer un test de langue danoise avant de postuler. Ils seront d'abord embauchés à titre provisoire pour une durée de six mois. Cette période est appelée « emploi à des fins d'adaptation et de formation ». Au cours de cette période, leurs compétences cliniques seront évaluées et ils devront apprendre le danois sur le tas. Au bout de six mois, leurs supérieurs devront prouver que ces nouvelles recrues peuvent communiquer suffisamment bien en danois pour des besoins professionnels. Ils pourront alors se voir proposer un contrat de longue durée.
Le but de l'assouplissement des exigences linguistiques est de réduire le nombre d'étapes relatives à la procédure de candidature et d'accélérer l'entrée des infirmiers étrangers dans les hôpitaux danois. N'oubliez pas que même si cette réforme a déjà été approuvée, elle n'a pas encore été mise en œuvre. Elle le sera dans les prochains mois. Pour l'heure, tous les candidats doivent encore faire évaluer leurs qualifications par l'Autorité danoise pour la sécurité des patients, l'organisme qui les autorise à exercer dans le pays.
La Suisse s'efforce d'attirer davantage d'infirmières de l'UE/EEE
En comparaison aux trois autres pays susmentionnés, la stratégie de recrutement d'infirmiers en Suisse se concentre sur l'Union européenne et l'Espace économique européen.
Le pays compte un pourcentage élevé d'infirmiers originaires de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. Selon le média « Swiss Info », 30 à 40 % des infirmiers en Suisse sont des expatriés, la plupart d'entre eux provenant des pays voisins. L'Italie et l'Allemagne sont deux pays dans lesquels la Suisse recrute régulièrement des infirmiers. La Pologne et le Portugal, qui n'ont pas de frontière commune avec la Suisse, sont d'autres pays cibles.
Comment s'inscrire en tant qu'infirmier expatrié en Suisse ? La Suisse étant un pays très complexe sur le plan linguistique, les candidats doivent prouver qu'ils possèdent un niveau B2 (intermédiaire supérieur) en français, en allemand ou en italien, selon la région dans laquelle ils travailleront. Ils doivent aussi prévoir une somme de 500 euros pour l'évaluation de leurs qualifications par la Croix-Rouge suisse. Cette étape est plus délicate pour les infirmiers formés en dehors l'Union européenne ou de l'Espace économique européen. C'est pourquoi la Suisse privilégie le recrutement d'infirmiers européens, dont les qualifications sont plus facilement reconnues. Les infirmiers provenant des pays tiers dont les diplômes ne sont pas entièrement reconnus devront suivre une formation complémentaire.