Rendre le marché du travail néerlandais plus sûr et équilibré
Les tensions restent vives sur le marché du travail néerlandais. Les pénuries de main-d'œuvre se font toujours sentir, poussant les entreprises à redoubler d'inventivité pour embaucher, et surtout, garder les précieux travailleurs. Conscient du problème (qui dure, et durera certainement encore cette année), le gouvernement a annoncé, en avril, de nouvelles mesures à déployer dans les prochaines années. Pour l'exécutif, il faut sécuriser le marché du travail pour le rendre plus équilibré et plus résistant. Un marché du travail plus sûr, c'est aussi davantage de protection pour les travailleurs. Des travailleurs mieux protégés travaillent plus et mieux. Une hausse de la productivité bénéfique pour la croissance.
Mesures pour les employeurs : plus de protection et de flexibilité
La pandémie et ses conséquences pèsent encore sur l'économie néerlandaise et mondiale. Pour mieux réagir en cas de crise, le gouvernement propose un « programme de crise pour la rétention du personnel », qui soutiendra les employés frappés par une crise d'ampleur (comme celle de la Covid). En pratique, le programme permettra de déplacer plus facilement un salarié d'un poste de travail à un autre, pour répondre à l'urgence. Les temps de travail pourront également être aménagés (taux horaire réduit pendant 6 mois maximum) sans impacter le droit des salariés aux allocations-chômage. En somme, le programme permettra aux entreprises d'être plus flexibles et d'adapter leur organisation du travail pour mieux supporter la crise.
L'économie néerlandaise a plutôt bien résisté à la pandémie. Dès mars 2020, le gouvernement a mis en place une législation pour soutenir les entreprises (loi « NOW » - Mesure temporaire d'urgence pour le maintien de l'emploi). Les nouvelles réglementations veulent dépasser le cadre temporaire et offrir plus de protection aux employeurs. Depuis la reprise post-Covid et les tensions sur le marché du travail, l'absence d'un seul salarié peut coûter cher, surtout si elle dure. Actuellement, une entreprise ne peut remplacer un employé qu'après deux ans d'arrêt maladie. Le nouveau dispositif réduira ce délai à un an pour les petites entreprises (jusqu'à 100 employés). Elles pourront « obtenir des éclaircissements après un an de maladie sur la possibilité de remplacer structurellement l'employé ».
Mesures pour les travailleurs
Les Pays-Bas sont-ils le pays des travailleurs indépendants ? Ils sont actuellement 1,2 million, sans compter les salariés qui cumulent leur emploi et leur activité d'indépendant. Un chiffre en constante augmentation, et qui devrait encore augmenter. Pour mieux les protéger, le gouvernement propose une nouvelle assurance (pour 2027). Destinée aux indépendants sans employés, elle garantira leur protection durant les périodes où ils ne peuvent pas travailler (pour cause de maladie ou d'accident). Les indépendants déjà assurés n'auront pas à basculer sur le nouveau système.
Protection toujours côté salariés, avec des règles plus dures pour les contrats temporaires. Trop d'entreprises profitent de la souplesse du système pour n'embaucher un même salarié que sous contrat temporaire (il ne faut actuellement que 6 mois d'attente pour réembaucher un salarié pour le même poste en contrat temporaire). Avec la nouvelle mesure, l'entreprise devra attendre 5 ans avant de réembaucher un ancien travailleur en contrat temporaire. Le gouvernement compte sur cette mesure pour mettre fin au cycle infernal de l'intérim et du temps partiel (la moitié des travailleurs est à temps partiel), et pousser les entreprises à proposer des contrats pérennes. Même raisonnement avec la fin prévue du contrat « zéro heure ». Contrat ultra-flexible, il est aussi accusé d'être une porte ouverte sur la précarité. Les nouvelles réglementations l'interdiront et le remplaceront par un contrat « de base fixe » qui devra préciser clairement le nombre d'heures de travail. Pour les étudiants travaillant à temps partiel, le contrat dit « d'astreinte » sera maintenu.
Solution de l'immigration et freins de l'extrême droite
Les Pays-Bas comptent actuellement 123 postes vacants pour 100 demandeurs d'emploi. C'est un peu moins qu'en 2022 (133 postes vacants pour 100 demandeurs d'emploi). Mais la tension sur le marché du travail est bien là. Le taux de chômage est bas et le restera. Pour les entreprises, la solution est l'immigration. Et tant pis si l'extrême droite grince des dents. En juin 2022, Karien van Gennip, la ministre du Travail, propose d'accueillir de jeunes Français vivant dans les régions fortement frappées par le chômage. Une opération gagnant-gagnant, pense-t-elle, mais qui suscite l'ire de l'extrême droite. La même proposition avait été faite aux jeunes Espagnols.
Les propos de l'extrême droite n'ont pas empêché les Pays-Bas d'accueillir un nombre record d'immigrés (+277 000 en 2022). Un chiffre élevé, mais qui ne parvient pas à répondre aux besoins du marché. Les entreprises demandent une plus grande intervention du gouvernement. En attendant, elles proposent des primes et augmentent les salaires (+40 % dans la sécurité, +10 % dans le bâtiment et les chemins de fer). Des hausses de salaire qui n'empêchent pas les grèves d'éclater. Même la FNV (Federatie Nederlandse Vakbeweging), la confédération syndicale néerlandaise qui organise l'essentiel des mouvements de grève du pays, n'y échappe pas. Mobilisés le 1er mai, les employés de la FNV ont appelé à la grève dès le lendemain. Ils demandent une revalorisation salariale plus importante, compte tenu de l'inflation.
Nouvelles mesures : un calendrier encore incertain
Le gouvernement compte sur ses nouvelles réglementations pour retenir ses travailleurs et en attirer d'autres, y compris par-delà les frontières. Les talents étrangers sont un facteur de croissance ; les Pays-Bas veulent eux aussi entrer dans la course. Reste à voir si toutes ces règles seront adoptées. Pour l'instant, aucune date de prévue pour l'entrée en vigueur de ces mesures. La ministre du Travail compte sur une adoption « au printemps prochain » par la Chambre des représentants. L'ensemble du dispositif devrait être effectif dans les 3 ou 4 prochaines années. Si les mesures semblent aller vers plus de justice sociale, il faudra encore patienter pour leur mise en application.