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En Allemagne, le chauffage est devenu une obsession nationale

Nouvelle discussion

jean luc1

« Tu as déjà allumé le chauffage ? » C'est la question que les Allemands se posent juste après s'être salués ces derniers temps. Depuis que les premiers froids sont arrivés et que le thermomètre passe régulièrement au-dessous de zéro la nuit, la question du chauffage est devenue une obsession nationale. Pour essayer de faire des économies en prévision de la forte hausse des factures de gaz et d'électricité, beaucoup ne chauffent plus que certaines pièces, la salle de bain et le séjour. Et ? comme ne se privent pas de le recommander à tout bout de champ les dirigeants allemands ? enfilent un pull-over supplémentaire et des chaussettes de laine, réduisent le temps et la température de la douche à quelques minutes, ou mieux encore se lavent au gant de toilette au lavabo et les mains à l'eau froide. De petits gestes qui, espère-t-on, amortiront le choc énergétique.

Les journaux allemands publient des cahiers entiers dispensant des conseils : 19 degrés maximum pour les radiateurs, mettre le couvercle sur la casserole pour que l'eau des pâtes chauffe plus vite, bien bourrer la machine à laver et bannir le sèche-linge goinfre d'électricité, calfeutrer les fenêtres mais ne pas oublier, malgré le froid, de les ouvrir de temps en temps pour aérer les pièces et éviter l'humidité et la formation de moisissures sur les murs, néfaste pour les bronches. La bouillotte, les chauffages électriques d'appoint, les poêles d'intérieur à bois et les pantoufles, les raviolis en boîte et même la radio à manivelle pour rester informer si l'électricité est coupée?, tous ces objets obsolètes sont en pleine renaissance. Les réchauds à gaz de camping sont épuisés dans les grandes surfaces.Couvertures disponibles à l'entrée d'une église de Stuttgart.   © CHRISTOPH SCHMIDT / DPA / dpa Picture-Alliance via AFP

Au mois d'août dernier, la coalition tricolore se mettait d'accord sur une série de mesures pour tenter de réduire la consommation d'énergie dans le pays : depuis le mois de septembre, dans les administrations publiques et les bureaux, la consigne impose de réduire le thermostat à 19 degrés (au lieu de 20 degrés jusqu'à présent). Dans les parties communes (couloirs, foyers, pièces techniques), le chauffage doit tant que possible rester fermé. Les monuments publics ne sont plus éclairés la nuit, et dans les zones piétonnes les magasins doivent garder leurs portes automatiques fermées pour éviter la déperdition de chaleur. Les vitrines et les panneaux publicitaires doivent éteindre leurs éclairages de 22 heures à 6 heures du matin.


Les ménages sont eux aussi appelés à se montrer frugaux : plus question de chauffer sa piscine intérieure. Les propriétaires de grands complexes immobiliers et les pourvoyeurs de gaz sont tenus d'informer leurs locataires et leurs clients de la consommation d'énergie prévue pour les mois à venir pour qu'ils puissent se faire une idée des coûts supplémentaires à venir et économiser. But de cette stratégie : économiser l'énergie et ne plus dépendre du gaz russe. Le ministère de l'Économie estime que pour éviter des rationnements de gaz pendant l'hiver, les Allemands doivent réduire leur consommation de 20 % par rapport à la même période l'année dernière.Les magazines de mode publient des cahiers spéciaux : « Rester chic tout en ayant chaud », « Se les geler avec style ». Quelles sont les alternatives à la polaire élimée et aux bottes fourrées ringardes ? Le col roulé, noir de préférence, est à nouveau à la mode.

Cours de survie


Mais c'est surtout la peur d'un black-out qui inquiète les Allemands. Selon un sondage publié récemment par l'institut Forsa, 38 % des Allemands auraient déjà pris leurs précautions et emmagasiné des réserves d'eau et de nourriture à la cave ou dans leur garde-manger. Une liste standard publiée dès le mois de mai par la ministre de l'Intérieur Nancy Faeser conseille d'avoir chez soi des provisions pour tenir 10 jours, soit par personne : 20 litres d'eau, des conserves, 3,5 kg de céréales, riz, pâtes et pommes de terre, 2,5 kg de fruits secs et d'oléagineux, 2,6 kg de lait et de produits laitiers longue conservation, etc.


Mais aussi un sac à dos contenant papiers d'identité, acte de naissance et passeport, argent liquide, médicaments indispensables, la peluche préférée des enfants, des barres de muesli et une lampe de poche pour être en mesure de partir vite en cas d'attaque. Des « cours d'urgence » sont proposés par différentes institutions pour apprendre à survivre pendant quelques jours sans électricité en s'éclairant par exemple à la bougie et à la lampe de poche. Même la bonne vieille lampe à pétrole est de retour. Plusieurs villes ont déjà simulé des coupures de courant pour se préparer au pire. La pandémie et les graves inondations de l'été 2021 dans la vallée de l'Ahr ont accéléré cette prise de conscience.


Même si les experts ne cessent de rassurer que le réseau électrique allemand est l'un des plus sûrs au monde et que le ministre de l'Économie Robert Habeck annonce que les stockages de gaz sont pleins à 100 %, la peur d'un blackout persiste. Beaucoup ne peuvent s'empêcher de propager l'idée de cette fin du monde imminente. Les plus inquiets appellent leurs mairies pour savoir où se trouve l'abri antiatomique le plus proche de chez eux « au cas où les Russes commençaient à bombarder l'Allemagne ». Pas étonnant dans ce climat anxiogène que beaucoup refusent d'écouter la radio le matin au lever.

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