Un quotidien allemand est parti à la rencontre de ces salariés qui travaillent sans compter. Une mentalité qui porte en étendard l’accomplissement de soi mais qui porte son lot de dérives.Avec les expérimentations (avec succès) de la semaine de quatre jours et le développement du télétravail, on pensait la hustle culture sur le reculoir. Or ce dévouement sans bornes et souvent malsain à son activité professionnelle possède toujours ses adeptes. La Frankfurter Allgemeine Zeitung en a rencontré plusieurs.
Antonia Pohlmann en fait partie. La jeune femme de 27 ans travaille à mi-temps dans un cabinet de conseil en stratégie à Hambourg et rédige sa thèse de doctorat à Graz, et lorsqu’elle travaille de chez elle ne fait pas de pause déjeuner. “J’aime tout simplement beaucoup travailler”, confie-t-elle au quotidien allemand celle qui estime passer plus de soixante heures par semaine à gérer ses activités professionnelles, bénévoles et scolaires.
Et Antonia Pohlmann est loin d’être une exception. Selon une étude de l’Allensbacher Markt und Werbeträgeranalyse, publiée tous les ans et portant sur les habitudes de consommation des Allemands, plus de 18 millions de personnes se considéreraient comme des “bourreaux de travail”. Un autre travail de recherche, mené par la Fondation Hans Böckler, corrobore ce résultat, en estimant qu’un Allemand sur dix a un rapport addictif à son travail. Un rapport malsain à son activité se caractérise par des “horaires excessifs”, des “difficultés à se détacher de son travail” ainsi qu’un sentiment de frustration en cas d’échec ou de retard concernant les tâches à accomplir.
Conséquences physiologiques
Une tendance célébrée en ligne sous l’appellation de hustle culture. Les fanas d’heures supplémentaires peuvent même y retrouver des influenceurs qui présentent leurs journées à rallonge qui commencent généralement par une séance de sport aux aurores et s’achèvent bien après la nuit tombée. Le but ? Être le plus productif le plus longtemps possible. La devise ? “Le travail acharné paye, en tout cas plus que le talent.”
Mais la hustle culture ne consiste pas simplement à beaucoup travailler, mais revient à adopter une attitude particulière vis-à-vis du travail. “Les personnes qui vivent la hustle culture tirent beaucoup d’estime [de soi] et d’identification de leur travail”, explique Alice Greschkow, spécialiste de la transformation du monde du travail. “Je suis consciente que je passe beaucoup de temps au travail et que je me définis aussi par rapport à lui”, abonde Antonia Pohlmann. Le journaliste américain Derek Thompson propose même le terme de workism, que l’on peut traduire en français par “hyperactivisme professionnel”, pour définir ces salariés qui accordent une importance presque religieuse à leur emploi. “À une époque où la religion perd de son importance, le travail devient soudain un ancrage dans la vie”, résume la Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Un état d’esprit qui n’est pas sans risque, le surmenage professionnel n’étant jamais loin. La Fondation Hans Böckler rappelle également que les bourreaux de travail tombent plus souvent malades psychiquement ou physiquement que les autres salariés, sans pour autant poser plus d’arrêts maladie. https://www.courrierinternational.com/a … la-besogne jean luc