En zone moins riche en rapaces et parasites. Un coin moins habité par des assistés consuméristes, tout en gueule, auxquels tout est du, qui veulent tout tout de suite et prêts à fondre sur la première bonne volonté venue et la tondre à ras. Un endroit où la solidarité reste appréciée. Un pays juste suffisamment arriéré pour conserver encore certaines valeurs morales. C'est-à-dire tout le contraire de la Guyane. Tiens, un court extrait d'un de mes romans :
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Quelques centaines de mètres en aval, ils croisèrent une autre embarcation transportant une vingtaine de pécaris, un tapir et, jeté en vrac sur les autres cadavres, un couple d'aras ararauna . Cortelli s'adressa au Préfet :
- Monsieur le Préfet, ils exagèrent… Les aras sont une espèce protégée…
- Je sais, Capitaine. Mais il faut bien que ces pauvres gens mangent…
- Il y a des arrêtés préfectoraux qui réglementent la chasse. Si les écologistes…
Valade sursauta.
- Cortelli, je vous en prie… N'exagérez rien…
- Tout de même…
C'en était trop pour le Préfet qui bondit littéralement sur son siège.
- Capitaine, soyez raisonnable… Nous venons de voir des hectares de jungle ruinée, des centaines de clandestins. Nous n'avons rien dit. Pour ça, vous me ferez un simple rapport. Et là, vous me faites tout un pataquès pour un vulgaire couple de perroquets. Je vais vous dire une chose : Valérie Végier-Dancourt, une petite élue guyanaise plus affamée que soucieuse de l'intérêt du plus grand nombre a commencé à discourir sur l'écologie, l'environnement. Vous savez comment ça s'est terminé ? Goldamazonia, une grosse société étrangère implantée en Guyane, lui a refilé quelques actions. Ça a suffit pour lui fermer son claque-merde et lui faire oublier très vite les arbres, les poissons et les petits oiseaux. Maintenant, elle confabule dans des histoires d'esclavage. Elle a fait un fond de commerce de cette horreur et vit grassement de ce crime contre l'humanité. Ça l'occupe et nous n'y voyons aucun inconvénient. Bien au contraire, elle capte des voix qui iraient tout droit aux indépendantistes. C'est tout bénéfice. Son gros problème comme tous les enfants gâtés, c'est l'ingratitude, le manque de reconnaissance. Toutes les civilisations se sont enrichies des difficultés auxquelles l'histoire les a confrontées. Cette babilleuse ne voudra jamais admettre que la honte que fut l'esclavage aura sauvé ses ancêtres du cannibalisme pas plus qu'elle ne reconnaîtra à la colonisation le mérite d'avoir épargné l'excision à ses frangines. Même pas la reconnaissance du bas-ventre ! Mais ça, on s'en branle. Tout le monde s'en branle ! Capitaine, avez-vous une idée de la priorité de ces parvenues aussitôt leurs premiers euros gagnés ?
Cortelli hésitait. Venant du Préfet, il craignait le pire. Le capitaine ne put que susurrer :
- Non… Aucune idée… Je pense qu'elles doivent faire comme tout le monde. Une belle maison… Une grosse voiture…
Valade jubilait. Il sentait le capitaine à point.
- Vous n'y êtes pas du tout ! La baraque et la bagnole, ça vient bien après. La priorité de leurs priorités est de gommer les signes extérieurs de négritude ! Comme ils ne peuvent pas tous se faire décolorer comme certains chanteurs, ils commencent par un passage chez le coiffeur et se font décrêper les cheveux. C'est pas cher, rapide et ça vous campe un personnage. La crinière lisse, le poil qui flotte au vent, c'est l'apanage du blanc et du nègre arrivé ! Ces macaques ont honte de leurs caractéristiques raciales. Il y en a même des blondes ! C'est tout de même un comble chez ces adeptes du black is beautiful !
Destinataire de tels propos, le capitaine de gendarmerie était gêné. Que cette mission en pirogue sera longue ! Il fit cependant l'effort de sourire à son interlocuteur. Celui-ci, visage en sueur, n'arrêtait pas de parler, tentant de donner par de grands gestes un peu de consistance à ses dires. Au plus fort de la lassitude, Cortelli réussit à placer un :
- Monsieur le Préfet, vous y allez tout de même un peu fort !
À ces mots Valade sursauta, marqua un court arrêt puis reprit son souffle. Dans la pirogue, un vent trompeur, essayait de rafraîchir des visages de toute façon exposés au soleil. Cortelli ferma les yeux, se laissant caresser par le courant d'air. Près de lui, le Préfet était reparti dans sa diatribe. Perdu dans des pensées bien plus personnelles, le capitaine ne l'écoutait plus.
- Vous croyez ? Il faut bien le constater, Cortelli, toutes ces danseuses ne sont que de purs produits de la colonisation et rien d'autre. Toutes, sans exception. Qu'espèrent-elles de plus que se trémousser en bavant des conneries dans un micro face à une bande d'analphabètes ? Je suis comme vous, Cortelli. Je tire mes deux ans de Guyane, le plus tranquillement possible. Je suis Préfet ici car socialiste. Vous êtes dans le même cas et le savez. L'essentiel des écolos comme vous dites vote aussi à gauche. La plupart sont des enseignants aux pieds crades, de petits blancs fumeurs de joints. Des fins de série sans crédibilité. Ils n'ont qu'un mot à la bouche : Toujours plus ! Ces abrutis ne sont pas foutus d'aligner deux cents personnes devant votre sous-préfecture. D'ailleurs, en Guyane aucun blanc n'est capable de ça. Et si ça se produisait, ce serait un billet d'avion pour vous… Ces tocards réclament à cor et à cri la régularisation des clandestins. Des papiers pour tous... Ça vous dit quelque chose ? Vous croyez sincèrement que ces petits dégénérés oseront ramener leurs gueules, demander la régularisation de tous ces Brésiliens ruinant l'environnement, raison d'être de leur mouvement ? Ces clandestins sont notre meilleure garantie. Les prétendus écolos ? Ils zonent place des palmistes, sales comme des peignes, encombrent les bars. Aucun danger. Leurs gonzesses sont en mal d'intégration et se font péter le cul par les nègres. Des salopes… Toutes des salopes !
Le Préfet avait remarqué la fausse indifférence de Cortelli et se racla la gorge. Il put ainsi mesurer avec plus de précision encore la minceur de l'intérêt porté à sa personnalité et se dit que pas grand-chose de flatteur ne pourrait être porté à son actif. De la Guyane ? Il s'en foutait complètement. Ça n'était qu'une étape de sa carrière. Un peu plus moite que les autres, sans plus. Il se savait vénal et, – dans ses pires moments de blues – oubliant le claquant des galons de son petit blanc et la gloire des feuilles de chêne de son képi, allait parfois jusqu'à penser être un vulgaire raté, une marionnette.
En réalité, placé en première ligne, Valade connaissait mieux que personne le niveau de déliquescence de l'État. Pas très loin de lui, un site clandestin nommé 04, résumait à lui seul le degré de décrépitude atteint pour cause de démission de ce qui était encore qualifié de pouvoirs publics. Au départ, plus de trois-cents garimpeiros ni pires ni meilleurs que les autres et tous enfouraillés sévissaient sur 04. Rapidement, tous sombrèrent dans la drogue. La situation déjà peu reluisante dégénéra rapidement. On commença par tirer sur un hélicoptère de la gendarmerie pour le plaisir.
Juste pour voir…
Et on ne vit rien.
***
Modéré par
Bhavna 9 years ago
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