Vos nouvelles habitudes en Bolivie
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Nouvelle discussion
Bonjour à toutes et à tous,
Vivre en Bolivie, cest simprégner de la culture et du mode de vie du pays.
Depuis que vous vivez en Bolivie, avez-vous adopté des habitudes locales ? Lesquelles ?
Quelles expressions locales réutilisez-vous ? Votre quotidien est-il organisé différemment ? Voyez-vous les choses d'une autre manière ?
Quest-ce qui vous séduit dans le mode de vie en Bolivie ? Qu'est-ce qui, au contraire, vous semble difficile à assimiler ?
Merci davance,
Christine
Déjà si on s'installe ailleurs, c'est pour vivre mieux que là où on est. Ensuite, et comme je l'ai toujours dit à ceux qui critiquent la France "si ça ne vous plait pas, barrez-vous, rentrez vous et foutez-nous la paix". Nous nous sommes montrés cohérents en appliquant à nous-mêmes ce principe simple. L'Union Soviétique Canadienne ne nous allant pas du tout on en est partis et ce n'était certainement pas pour aller galérer en Union Soviétique Européenne ! Tomber de Charybde en Scylla, non merci...
Il convient donc de comparer point par point les deux destinations. En bleu, le Québec et en noir la Bolivie.
[color=#1f31f6]Hiver rigoureux... Inexistant à Trinidad...
Soleil pâlichon... Enfin, du vrai soleil !
Chauffer les nuages... Sans objet à Trinidad...
Payer des taxes d'un montant dissuasif... Sans objet en ce qui nous concerne...
Jungle administrative québécoise... Très réduite en Bolivie...
Espace de liberté surveillé et payant au Québec... Vraie liberté et quasiment gratuite en Bolivie...
Convivialité ? Sinistrose avancée... Enfin, de la joie de vivre !
Mentalité ? Sourire commercial de rigueur... Esprits ouverts, mais ferment de bonne heure... Hospitalité, respect, humilité, gentillesse, courtoisie...
Matérialisme forcené, dollar déifié, gueules de déterrés... Faisons la fête ! Demain il fera jour...
Cout de la vie élevé, racket organisé, harcèlement constant... Faible cout de la vie, paix royale...
Langue française estropiée et méprisée... Aqui se habla castellano !
Xénophobie pas toujours larvée... Fierté de recevoir un étranger...
Le fric passe avant l'individu... Faibles moyens, mais on fait ce qu'on peut...
Corruption, conflits d'intérêts, tout est planqué, mais on moralise à tout va... Ici, c'est plus ou moins à la lumière, mais moins cher et personne ne donne de leçons...
Ponctualité pas toujours respectée, sauf si intérêt à la clef... Montres dotées d'aiguilles TRÈS élastiques...
Respect de l'environnement sur le papier seulement... Plus marqué qu'au Canada...
On ne connait pas la Bolivie, mais on bave dessus... Le yankee n'est pas très bien vu et on sait pourquoi, mais ça, c'est partout (et ça me va très bien)...
Grand silence blanc... Musique colorée et forte...
Égoïsme forcené... Chaleur humaine, solidarité...[/color]
[color=#0605f4]Services de santé pas toujours au top... Là non plus...[/color]
Pour nous la Bolivie est une des dernières destinations à offrir cette qualité de vie. Même si c'est bruyant (musique), même s'il y a beaucoup de chiens errants et de détritus abandonnés. Nous y avons retrouvé beaucoup de valeurs perdues ou oubliées en Europe. Nous y recevons de la part de gens humbles, des leçons d'humanité que le matérialisme arrogant québécois avait émoussées. Nous avons fait le choix Bolivie et en tant que retraités ne le regrettons pas.
Bonjour Christine,
Je tente de répondre à votre question. Pour être plus précis j'ai retrouvé des habitudes perdues ou délaissées temporairement ailleurs pour cause de météo ou de climat social...
Je vais commencer (quitte à froisser un chouia) par ce qui me plait moins, me déplait carrément et/ou ce à quoi je ne m’habituerai jamais ou difficilement.
1) Le manque maladif de ponctualité. Ne pas croire pour autant qu'ailleurs c'est forcément mieux.
2) L'hygiène alimentaire laissant parfois à désirer. Bah ! Il permet de développer des anticorps salvateurs... La preuve : les nord-Américains complètement aseptisés débarquant ici se chopent systématiquement des turistas foudroyantes. Ô joie...
3) Les caniveaux à ciel ouvert. Un effort est entrepris pour combler cette lacune.
4) Le manque de civisme. Les déchets, sacs plastique et autres détritus présents un peu partout. En Guyane, c'était pareil.
5) Il n'y a pas de bières grands crus (Gueuze, Mort subite, Trappiste, Chimay, etc.).
6) Idem pour les fromages, sauf sur Santa Cruz et autres grandes villes.
7) Les gens salent beaucoup trop les aliments.
8) J'ai horreur des pays plats. Le Béni est dans le llanos... C'est plat, très plat, trop plat, désespérément plat. En un mot, plat, quoi. Et ça, ça risque de durer. Partir vivre dans les Andes ? Hé, ho ! A mon âge, ça grimpe trop raide. J'ai beaucoup donné dans les Pyrénées. Alors, vive le plat !
9) Une certaine catégorie de touristes porteurs de sacs à dos... Ici on les appelle mochileros (Mochila = sac à dos). Beaucoup d'entre eux sont fauchés ou radins. Ces gens qui ont tout de même eu assez de fric pour se payer un billet d'avion font parfois preuve d'une avarice indécente. J'ai honte pour ces colonialistes de pissotières ne craignant pas de discuter âprement et sans vergogne les prix demandés par un pauvre hère se décarcassant pour nourrir sa famille. Ces mêmes tocards une fois de retour en Europe rentreront dans le rang des automates livides et payeront sans rechigner le même produit dix fois plus cher. Bande de nases sans dignité !
Vous me direz "Si ça ne te va pas, casse-toi, rentre chez toi t'empiffrer de calendos et de binouzes à fort degré d'alcool" et vous aurez raison. Mais comme les points positifs dépassent largement les négatifs, je crains fortement que vous ne deviez me supporter encore quelque temps...
Les points positifs donc :
Passer l'hiver en short n'en est qu'un des aspects et au final assez anecdotique, quoique buller dans son hamac tendu entre manguier et cocotier pendant que les autres poussent de la neige ou bravent le blizzard n'est pas exempt d'un certain plaisir égoïste...
Cultiver mon espagnol, occasion d'évoquer mon cas personnel. Mon épouse que j'ai connue en France est Andalouse, mais nous parlions français entre nous, même si cette vie commune m'a permis d'apprendre l'espagnol. En Bolivie elle a retrouvé avec joie sa langue maternelle. Pas du tout machiste (?), c'est donc à mon tour de m'adapter et de vivre désormais dans la langue de Cervantès. Je dis bien "pas du tout machiste", car ce virage à 180°, cette sorte d'aventure linguistique constitue à mes yeux une reconnaissance de la personnalité vraie de mon épouse, un refus de lui imposer toute sa vie la langue du "conquérant" C'est-y pas beau, ça ? Joie d'entendre un Bolivien me demander si je suis Espagnol ! Hé hé...
Pouvoir boire une bière fraiche entre amis, sans avoir à me cacher pour sauver mes dollars et ma réputation comme au Québec...
Pouvoir me balader en sécurité. Ici, ce n'est pas la banlieue parisienne, le métro de Montréal ou les quartiers nord de Marseille...
Vivre avec des gens ne se considérant pas comme le nombril du monde, ne donnant de leçons de morale à personne. On n'est pas en France...
Retrouver les valeurs perdues ou émoussées au contact du matérialisme subi pendant 10 ans perdus au Canada. Et ce n'est pas le moindre aspect ! Il y a énormément de grandeur et une grande noblesse dans l’humilité combinée au sourire ! Je ne voudrais pas faire preuve ici de paternalisme déplacé en disant que ce sont des leçons quotidiennes d'humanité reçues par le simple comportement naturel des gens. En disant cela je veux simplement indiqué qu'au Canada j'aurais pu me fourvoyer sur les chemins du matérialisme. L'arnaque dont j'ai été victime et l'échec qui s'en est suivi m'ont ouvert les yeux. Un grand merci à l'Union Soviétique Canadienne ! Je suis en train d'achever un livre sur cette couteuse aventure. Bref...
La fantastique chaleur humaine. Le Bolivien est fier de recevoir un étranger chez lui. De sincères amitiés en découlent.
Les notions marquées de respect et de convivialité.
La déconcertante facilité à se faire des connaissances, à discuter, plaisanter, à tisser des relations et liens d'amitié. Nous avons passé 10 ans dans un bled infâme québécois sans savoir si les commerçants de ce trou sans saveur avaient des dents...
Le cout de la vie.
Le patriotisme du Bolivien. Ici on n'est pas au stade de France et on ne siffle pas l'hymne national. Le Bolivien est fier d'être Bolivien. Un peu à la manière du Corse (j'ai 50% de sang Corse...). Il est très calme, très gentil, mais il ne faut pas surtout pas l'emmerder. Je trouve ça parfait.
La simplicité des démarches administratives, malgré la boulimie des photocopieuses. Mais comment faisaient-il donc avant ? Une vraie révélation !
La vraie liberté retrouvée.
Etc. Etc.
Alors...
Alors comment avoir des difficulté d'adaptation dans un tel contexte ?
Oui nous avons adopté des coutumes locales !
Alimentaires.
Surtout sociales. Nous saluons les inconnus que nous croisons (au Québec, inutile de saluer l'autiste pâlichon, au regard fuyant, avec son walkman greffé sur l'os du crâne, il ne répond jamais).
Nous aidons les gens dans les situations de la vie quotidienne, cédons notre place à une personne âgée.
Maria apprend de nouvelles recettes, partage les siennes...
Nous sommes devenus hyper tolérants à la musique très forte lorsque des voisins font la fête. D'ailleurs nous sommes très (trop) souvent invités... Quand c'est notre tour de faire une soirée et que nous poussons l'ampli dans ses ultimes retranchements en saupoudrant l'ambiance sonore de musiques exotiques (rock et blues) personne ne vient chialer !
Au volant de mon quad, j'ai désormais une certaine tendance au daltonisme une fois arrivé à un feu rouge. Au carrefour, je m’intègre à la circulation avec une facilité évidente et faisant plaisir à voir, car il m’arrive d'oublier de trop regarder à gauche. Sauf si évidemment si ce qui arrive est plus gros que moi... C'est dire si je me suis adapté !
Aller, le piano chauffe et je suis retraité. On continuera plus tard sur ce sujet si affinités...
C'est fou à quel point le Canada puisse te manquer.....
Tu ne peux pas savoir... Ça se sent, hein ?
Justement, hier au soir, j'ai eu un Skype avec un excellent ami encore là-bas, mais qui rêve de s'en extirper.
Je relis mon message d'hier et y trouve des fautes d'orthographe et des oublis. Ça m'énerve... Désolé.
Joël Vieux Broussard a écrit:Bonjour Christine,
2) L'hygiène alimentaire laissant parfois à désirer. Bah ! Il permet de développer des anticorps salvateurs... La preuve : les nord-Américains complètement aseptisés débarquant ici se chopent systématiquement des turistas foudroyantes. Ô joie...
cela me fait penser au moustiques... tous les touristes que je vois sont couverts de picures, et moi, rien du tout! je suis vaciné.
J'ai pas l'habitude de participer, mais vraiment Joel Vieux Broussard j'adore tes articles!
Moi aussi j'ai quitté un pays dont je n'avais rien en commun pour venir habiter en Bolivie, là ou j'aurais du naitre!
Merci l'ami, mais tu agites le poignard dans la plaie... Ton message me fait mal. Il me fait penser à la qualité de vie que j'aurais eue si au lieu d'aller m'enterrer dans la neige canadienne il y a 13 ans j'étais venu directement en Bolivie. Je n'ose penser à ce que j'aurais pu faire avec l'argent qui m'a été arnaqué en Union Soviétique Canadienne suite aux mensonges des organismes de ce pays d'arnaqueurs.
Il est vrai qu'il y a treize ans j'écoutais aussi les racontars courant sur ce magnifique pays et étais persuadé que la Bolivie était un sale coin. Je n'envisageais donc pas de m'y installer.
Dans une prochaine vie je serai peut-être moins con... Aller, il ne faut pas pleurer sur le lait renversé. L'avenir, c'est devant et il fait beau !
VIVA BOLIVIA !
Joël Vieux Broussard a écrit:Merci l'ami, mais tu agites le poignard dans la plaie... Ton message me fait mal. Il me fait penser à la qualité de vie que j'aurais eue si au lieu d'aller m'enterrer dans la neige canadienne il y a 13 ans j'étais venu directement en Bolivie. Je n'ose penser à ce que j'aurais pu faire avec l'argent qui m'a été arnaqué en Union Soviétique Canadienne suite aux mensonges des organismes de ce pays d'arnaqueurs.
Il est vrai qu'il y a treize ans j'écoutais aussi les racontars courant sur ce magnifique pays et étais persuadé que la Bolivie était un sale coin. Je n'envisageais donc pas de m'y installer.
Dans une prochaine vie je serai peut-être moins con... Aller, il ne faut pas pleurer sur le lait renversé. L'avenir, c'est devant et il fait beau !
VIVA BOLIVIA !
Je te comprends, moi aussi je me le suis dit : mais pourquoi je ne suis pas venu dès mes 18 ans ? … Même si l’important c’est que tu aies connu ce « paradis » et que tu le vives aujourd’hui et pour quelques temps encore… Personnellement, je pense a ces millions de personnes (en France ou ailleurs) qui ont totalement une vie de merde dans un pays … je ne trouve même pas un adjectif approprié pour décrire le pays… bref, dont les médias bourrent de propagandes et de reportages complétements décalés de la réalité d’autres pays…
J’ai vraiment pitié autant pour le pays, les médias, les gens aussi. Des vrais moutons qui croient tout ce qu’on leur raconte à la TV que l’on leur bombarde afin de les divertir et leur cacher la réalité de leur propre pays… A côté de cela, la propagande ouvertement pro-gouvernementale de Bolivia TV c’est vraiment du gâteau… C’est ce que j’aime ici, rien n’est caché ou mesquin. Qu’il y ait de la corruption par exemple, c’est un fait, mais tout le monde le sait et ce n’est pas aussi caché qu’en France…
J’adore les clichés de Bolivie totalement décalés de la réalité que l’on montre en France afin de faire du $$$ et de divertir les gens. Et le pire, c’est qu’après, ils croient tout connaitre sur le pays !
Personnellement, quand je vais faire du tourisme en France et que je dis que je suis de Bolivie, je n’essai même pas de décrire ma vie car ils ne pourraient pas comprendre…
Enfin bref…
Tu prêches à un converti !
Je ne me vois pas du tout dans le flot de ces moutons de Panurge menant une vie de légume sous blister. En ce moment-même ils rentrent de "congés" et sont coincés dans 670 Km de bouchons... Sur la route du retour ils croiseront peut-être la charogne de leur animal de compagnie abandonné à l'aller. Demain dimanche 31/07 ils retrouveront leur clapier en banlieue et s'échineront à tenter d'épater les voisins qui n'en n'ont rien à foutre avec les photos du camping où ils sont restés confinés. Lundi 1° aout ils repartiront pour un an de boulot et de jérémiades. Ils n'auront plus qu'à économiser pour remettre ça l'an prochain. Mais attention, ce ne sont pas des moutons ! La preuve : ils ont réussi à ne plus payer leur redevance TV grâce à une astuce imparable et ne révéleront à personne ce secret...
Alors, tu veux leur parler de Bolivie ou autre pays, de soleil et de liberté ? Laisse tomber, tu perds ton temps ! L’ailleurs et même plus loin, ils ont déjà vu tout ça à la télé ! Il ne faut pas leur en vouloir pour autant. Leur conditionnement est tel qu'ils ne peuvent pas ressentir le besoin de nouveaux horizons, accéder ne serait-ce qu'à avoir l'idée de s'évader, s'extraire enfin d'une routine Ô combien sécuritaire.
Ils ne le peuvent pas et ne le veulent surtout pas. A longueur d'année la boite à mensonges stéréo et haute définition qu'ils ont dans leur salon leur montre des scènes d'horreur, leur explique qu'ailleurs c'est dangereux et corrompu, que les ambassades de France déconseillent formellement ces destinations. L'estocade arrive vite avec un refrain sur la démocratie, une tirade sur la république et un lumineux bouquet final sur l’État de droit. Le tour est joué ! La famille Dugenou ira faire dodo tranquillement. Tout au long de cette nuit réparatrice ils ne penseront pas aux Cahuzac de tout poil, à cette députée siégeant avec son bracelet électronique, à l'autre malheureux frappé de phobie administrative et leurs symétriques semblables ripoublicains. Il est bien connu que la corruption, c'est ailleurs ! Il est d'ailleurs impossible qu'il en soit autrement puisque nous sommes des adultes responsables, des électeurs intelligents et libres de leur choix. "Nous n'allons quand-même voter pour des gens malhonnêtes ! HEIN ?" .... Comment pouvoir s'extraire de ce formatage à grande échelle ? Réfléchir, c'est déjà se rebeller un peu. Mais pourquoi réfléchir quand tout est déjà servi prémâché sur un plateau ? Et puis on leur a toujours dit et répété que s’expatrier, c'est déserter un peu, même si dans la foulée les mêmes se pressent pour représenter ces "Français de l'étranger qui participent au rayonnement de la France".
Tu as remarqué ce message subliminal qui transparait dans les conseils aux expatriés : "comment préparer votre retour en France"... C'est tellement ostentatoire et répétitif que ça en devient suspect. Mais s'il est possible de caresser un loup, il faut savoir qu'il regardera toujours vers la forêt.
Nous devons dire haut et fort que nous avons été victimes de mensonges de la part de nos pays d'origine, notamment occidentaux. Il est très facile de s'en rendre compte en discutant avec les gens. Dès que tu leur parles de l'étranger, c'est le regard qui part dans les coins, se fait soupçonneux. "Lui, là, il n'est pas comme nous...". Les voyants rouges s'affolent, le mec clignote de partout.
Tout dépend aussi de l'interlocuteur et de la façon dont nous exprimons. J'en veux pour preuve l'expérience suivante qui m'a souvent tordu de rire. En Guyane française où nous avons passé 20 ans, je suis arrivé en tant que fonctionnaire de l'Office National des Forêts. J'en ai démissionné pour créer et développer une activité commerciale, en l'occurrence une armurerie qui tournait très bien. Lorsque de congés en France métropolitaine je parlais à des gens, la conversation hésitait souvent entre la curiosité et la méfiance. Dès le départ, la personne était surprise que je vive en Guyane, car pour elle "la Guyane, c'est le bagne". J'étais déjà soupçonné d'avoir commis des actes innommables… Arrivaient ensuite plusieurs degrés de défiance liés à la seule formulation, elle-même adaptée au profil de l'interlocuteur et à l'effet recherché. La question classique était de demander quelle activité j'exerçais en Guyane. J'énumère ci-dessous les diverses réponses fournies et le degré de confiance généré :
- "Je suis gérant de société". Acquiescement rassuré.
- "J'exploite un commerce de matériels pour la vie en jungle". Le gars regarde ses pieds et vérifie si un anaconda ne le menace pas.
- "Je suis armurier à Saint-Laurent du Maroni". Visiblement un doute s'installe et le type change de sujet de conversation.
- "Je vends des armes en Amérique du sud". Là, le visage du gus s'illumine. Il vacille. Ses paupières jouent code/phares et il s'efforce de paraitre calme. Il parle à Al Capone…
Dire ça avec un accent corse… Ô temps, suspends ton vol…
Cette anecdote montre bien à quel point les gens sont conditionnés et pleins de stéréotypes.
Ce qui est le plus frappant, c'est qu'avec le temps qui passe, nous - expatriés - avons de moins en moins de choses à leur dire. Nos vies se sont séparées, nous avons évolué différemment, forgés par d'autres modes de vie et horizons. Nous nous sommes extraits de la routine, eux y sont restés. Nous vivons désormais chacun de notre côté. La communication est difficile, car immanquablement nous serons amenés à énoncer des idées qui entreront en opposition avec ce qu'il veut entendre et qui viendrait contredire "l'information" qu'il a déjà reçue.
Combien de fois me suis-je dit avant un retour temporaire en France "Je vais leur expliquer la Guyane, ou le Canada, ou la Scandinavie" ? Je me berçais de douces illusions. Ils s'étaient donné le mot et répétaient sans cesse : "chez nous, ce n'est pas comme ça". Pénible… Que leur dire qui soit susceptible d'éveiller leur attention, sinon de partir eux aussi ? Beaucoup en rêvent, peu le décident. Car c'est bien la décision le plus difficile ! Une fois dans l'avion, l'affaire est dans le sac et une autre vie commence. Et pourtant je ne veux pas parler en mauvais termes des sédentaires. Ils ont fait un choix de vie qui n'est pas le mien ou alors, pour de simples raisons matérielles ne peuvent s'expatrier. Et puis, nos voyages bien-aimés ne nous conduisent-ils pas au contact d'autres sédentaires, eux-mêmes porteurs de cultures et de différences ? En fait, comme l'a fort bien dit je ne sais plus qui, "nous sommes à la recherche de nous-mêmes".
Et puis, soyons honnêtes ! Imagine un instant que soudainement doués d'une incroyable force de persuasion nous réussissions à faire bouger la moitié de nos compatriotes et que ceux-ci viennent s'installer sur notre petit coin de paradis. Se poserait immédiatement la question du retour… Donc jouissons de la qualité de vie qui nous est offerte, apprécions la gentillesse et l'hospitalité des gens, enrichissons-nous de nos différences, profitons du soleil, des paysages, savourons chaque instant, émerveillons-nous des imprévus du quotidien… Égoïstement. J'ai fait mon hymne de ce fabuleux poème de Jean Richepin (Les oiseaux de passage) dont un extrait ci-dessous :[/
Regardez-les passer ! Eux, ce sont les sauvages.
Ils vont où leur désir le veut, par-dessus monts,
Et bois, et mers, et vents, et loin des esclavages.
L'air qu'ils boivent ferait éclater vos poumons.
Pour choyer cette femme et nourrir cette mère,
Ils pouvaient devenir volaille comme vous.
Mais ils sont avant tout les fils de la chimère,
Des assoiffés d'azur, des poètes, des fous.
Là-bas, c'est le pays de l'étrange et du rêve,
C'est l'horizon perdu par delà les sommets,
C'est le bleu paradis, c'est la lointaine grève
Où votre espoir banal n'abordera jamais.
Regardez-les, vieux coq, jeune oie édifiante !
Rien de vous ne pourra monter aussi haut qu'eux.
Et le peu qui viendra d'eux à vous, c'est leur fiente.
Les bourgeois sont troublés de voir passer les gueux.