Quelques questions au hasard du micro au sujet du récent projet du gouvernement allemand de repousser l'âge légal de départ à la retraite, bientôt soumise au Bundestag. Une décision qui ne laisse pas indifférent…
Nous avons demandé à des individus de tout âge, français ou allemands, et dans des situations professionnelles différentes ce qu'ils pensaient du nouveau projet de loi adopté par le gouvernement allemand qui fera l'objet dans les mois qui viennent d'un vote au Parlement.
Marie-Luise, retraitée qui a effectué différents petits boulot au cours de sa vie, habite Offenbach, en Hesse ; Jakob est étudiant en sciences politique vivant aujourd'hui à Osnabrück, tandis que Joachim est auto-entrepreneur, vendeur de vélos depuis 1989 près de Francfort ; Sixtine quant à elle est cadre commerciale dans une grande entreprise de transport à Berlin et Julien jongle entre le tourisme et le journalisme à Francfort.
Comment réagissez-vous à la décision prise par le gouvernement de repousser l'âge légal de départ à la retraite à 69 ans ?
Marie-Luise (retraitée, Allemande) : « Cela n'arrivera pas, je pense que l'âge de 67 ans sera conservé. Je trouve l'âge légal de départ à la retraite déjà trop tardif ayant moi-même arrêté de travailler à 60 ans. À force, il ne sera plus possible de profiter de sa retraite si les gens travaillent si longtemps, cette dynamique doit s'arrêter ! »
Jakob, (29 ans, Allemand) : « C'est compréhensible, mais les gens devraient se sentir plus concernés par cela. Du point de vue gouvernemental c'est certes honnête mais risqué en matière d'électorat d'annoncer cela. Le poids pensions de retraite est ainsi transféré aux jeunes générations qui connaissent déjà des difficultés, notamment à cause de la situation démographique. »
Sixtine, (24 ans, Française) : « Je ne suis pas surprise, car l'Allemagne est un pays beaucoup plus dur socialement par rapport à la France. »
Joachim (58 ans, Allemand) : « C'est une aberration car 67 ans c'est déjà trop vieux pour travailler selon moi. Les hommes politiques et l'Etat qui est trop pauvre trouvent n'importe quel moyen pour économiser de l'argent sur la retraite. »
Julien (31 ans, Français) : « La retraite à 69 ans, je pense que ça ne résoudra pas grand chose. L'espérance de vie a augmenté certes, mais le système de santé et de prévoyance allemand est catastrophique. »
Comment envisagez-vous votre propre retraite en Allemagne ?
Marie-Luise : « Je trouve que notre système allemand de retraite est un bon système, mais celui en vigueur en Hollande ou au Danemark où les systèmes par répartition et celui de capitalisation sont très complémentaires et sont parmi les meilleurs au monde »
Jakob : « Ma retraite ! Je ne l'envisage pas, ou très mal car j'ai presque 30 ans et je n'ai pas économisé un seul euro dans un quelconque fond de pension. Mes choix de carrière ne présagent pas que je puisse toucher une pension très élevée non plus. Il faudrait absolument que je trouve une princesse ! »
Sixtine : « Je ne compte pas prendre ma retraite en Allemagne, mais retourner prochainement en France dans mon Périgord natal où je trouve que la sécurité sociale nous protège beaucoup mieux et où la qualité de vie générale est meilleure. »
Joachim : « Je pensais au début de ma carrière partir à l'âge de 60 ans. Cependant à cause de la politique de mon fond de pension et des taux d'intérêts qui restent extrêmement bas, je ne pourrai pas aspirer à cette retraite anticipée comme je l'avais prévu. »
Julien : « Ma retraite est un concept utopique, je ne suis pas près d'avoir cotisé assez. Même si c'était le cas il faudrait plus de redistribution des richesses pour la financer. »
Quel regard portez-vous sur la paupérisation extrême de cette tranche de la population remarquable depuis plusieurs années ? Qu’évoquent pour vous notamment les « Flaschensammler » ? (ndlr : personnes qui récupèrent les bouteilles consignées même dans les poubelles).
Marie-Luise : « La plupart des gens qui se retrouvent dans cette situation n'ont pas assez travaillé lorsqu'ils le pouvaient et ils auraient dû le faire. Il y avait toujours du travail à mon époque et il suffisait de le chercher, j'ai moi-même travaillé plus que le minimum, notamment le week-end pour m'offrir une bonne retraite. »
Jakob : « Le fait que les gens de tout âge et toute origine sociale doivent inclure le ramassage des consignes de bouteilles comme une source de revenus complémentaires est un indicateur de l'échec de la politique gouvernementale en termes de redistribution. Le problème de la pauvreté et particulièrement celle des personnes âgées a été négligé pendant des décennies. »
Sixtine : « Je suis très mal à l'aise face à la situation de beaucoup de retraités allemands, surtout à l'Est. Le principe des « Pfand » est à la fois une avancée écologique mais aussi un vecteur déshumanisant des couches sociales les plus vulnérables.
Joachim : « Cette situation est le résultat d'une mauvaise gestion de la politique publique. Le système de consigne était à la base une politique environnementale mais elle a permis aux décideurs de faire d'une pierre deux coups en se défaussant sur ce système pour que certains puissent survivre, le tout sous couvert d'écologie. »
Julien : « La paupérisation n'est pas prête de s'arrêter. Le système néolibéral allemand multiplie les tours de passe-passe pour indemniser le moins possible les plus précaires. Mais ça va, les Allemands se rassurent en se disant qu'aux États-Unis c'est pire ! »
L'avis d'un expert
Nous avons demandé son avis sur le sujet à Florian Chiron, conseiller consulaire et vice-président du Conseil des Étrangers de Francfort qui, dans le cadre de ses activités de conseiller financier patrimonial et de président de l’association Expatriation-Allemagne se trouve au cœur de la thématique des retraites.
« Les gens n'ont absolument pas les mêmes conditions en termes de retraite que ce soit en France ou en Allemagne. Les particuliers français sont désavantagés lorsqu'ils viennent en Allemagne et doivent compenser la perte de protection sociale du modèle français. La retraite moyenne d'un Allemand est de 900€. En outre, les pensions des hauts salaires sont plafonnées dès que l'on atteint 82 000€ par an de revenus pendant toute la durée de son activité professionnelle, à hauteur de 3000€ brut par mois. Le système français est donc bien plus avantageux et les gens ne sont en général pas assez prévenus sur le fait qu'ils doivent se diriger vers des fonds de pension pour toucher plus tard une retraite complémentaire. Cette démarche est subventionnée par une défiscalisation méconnue des expatriés et peut s'avérer bénéfique à la fois pour les entreprises mais aussi pour les particuliers concernés. ».
https://lepetitjournal.com/francfort/co … ils-269098 . jean luc