Coût de la vie et expatriation : quel impact sur les entreprises ?

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Écrit par Asaël Häzaq le 08 juillet, 2024
Les entreprises y regardent à deux fois avant d'expatrier leurs salariés. La hausse du coût de la vie pèse sur les budgets et appelle les employeurs à des arbitrages serrés. Comment envisagent-ils la mobilité internationale dans un contexte de crise économique ?

Expatriation : les destinations les plus coûteuses pour les entreprises

Pour les entreprises, l'envolée du coût de la vie dans les grandes villes d'expatriation signifie davantage de dépenses pour envoyer leurs salariés à l'étranger. En 2023, ECA International, spécialiste de la mobilité internationale, publie son rapport sur la mobilité internationale des entreprises.

Pour la 2e année consécutive, le Royaume-Uni est classé destination la plus chère pour les entreprises voulant expatrier leurs salariés. En effet, expatrier un salarié au Royaume-Uni coûte 351 992 livres (coût des salaires et des avantages sociaux). C'est 11 % (+33 887 livres) de plus que l'année précédente, où le Royaume-Uni était déjà la destination la plus chère au monde. En cause : une explosion du coût de la vie, alors que les salaires britanniques n'ont augmenté que de 5 %. Le rapport précise d'ailleurs qu'ils ne représentent que 18 % du coût d'une expatriation. Le reste est absorbé par les avantages sociaux : aide au logement, frais de scolarité pour les enfants (écoles internationales), etc.

2024 est-elle une meilleure année pour les entreprises voulant expatrier leurs salariés à Londres ? Le rapport Mercer 2024 classe Londres 8e ville la plus chère au monde pour les travailleurs étrangers. Mais le coût d'une expatriation y reste élevé. Il l'est encore plus dans les autres grandes cités d'expatriation. Hong Kong et Singapour restent les deux villes les plus chères pour y expatrier des travailleurs. Zurich arrive 3e, devant Genève, Basel, Bern et New York. Nassau (Bahamas) vient en 9e position. Los Angeles clôture le top 10.

Les employeurs face à l'explosion des coûts de la vie

Pour la 2e année consécutive, Hong Kong et Singapour sont les villes les plus chères au monde. Comme au Royaume-Uni, l'explosion des loyers explique une grande partie de la hausse du coût de la vie.

L'exemple de Hong Kong

À Hong Kong, le coût moyen de la construction a bondi de 4,8 %, pour atteindre 4500 dollars/m². Hong Kong rattrape les New York (5723 dollars/m²), San Francisco (5489 dollars/m²) et Zurich (5035 dollars/m²), villes d'expatriation où les coûts de construction atteignent des records. À Hong Kong, la construction souffre d'une pénurie de main-d'œuvre qualifiée. Les taux d'intérêt augmentent. Au premier trimestre 2024, les prix chutent d'environ -16 % pour les appartements (en glissement annuel). Mais les habitants n'en profitent pas, car la demande continue de baisser. Une baisse déjà constatée en 2023 (-4,5 % de transactions immobilières en glissement annuel). Alors que Hong Kong cherche à redevenir la première place financière mondiale, elle tente encore de convaincre les entreprises, inquiètes devant l'influence grandissante de la Chine continentale et la hausse du coût de la vie.

D'après les experts, la baisse des prix de l'immobilier (-10 % estimés cette année, -20 % depuis 2021) ne profitera pas aux entreprises étrangères. Car elle s'inscrit dans un contexte de baisse des investissements étrangers. Endettés, les promoteurs immobiliers perdent le soutien des banques et des investisseurs. La situation hongkongaise n'atteint néanmoins pas le seuil critique de la crise immobilière chinoise. Les riches expatriés misent au contraire sur la baisse de l'immobilier pour investir à Hong Kong.

L'exemple du Royaume-Uni

En 2023, le Royaume-Uni traverse une crise du logement sans précédent, avec une hausse des prix de l'immobilier d'environ 10 %. Le prix moyen d'un logement a frôlé les 300 000 livres début 2023, pour des salaires britanniques qui s'élèvent en moyenne à 27 750 livres. La pandémie a accéléré le dérèglement du marché immobilier et augmenté la pression sur les entreprises voulant expatrier leurs salariés. Une pression qui se fait particulièrement sentir à Londres où les loyers ont bondi de 16 %. Or, c'est dans la capitale que nombre d'entreprises entendent envoyer leurs salariés.

Mais le gouvernement est optimiste. Il met en avant les bons chiffres des investissements étrangers, signe de la confiance retrouvée des entreprises. La City a traversé la période trouble des premiers temps du Brexit pour retrouver son rang de première place financière d'Europe. Les entreprises étrangères relèvent néanmoins la grande différence entre investir en capital et expatrier ses salariés au Royaume-Uni.

Hausse du coût de la vie : quelles conséquences pour les plans de mobilité internationale des entreprises ?

En 2024, la hausse du coût de la vie, notamment l'explosion des loyers, freine les projets d'expatriation des entreprises étrangères. Elles suivent de près un autre indice : les fluctuations des taux de chance. Ceux de la livre ont fortement impacté les coûts d'expatriation au Royaume-Uni. Au Japon, ex-pays le plus cher pour les entreprises voulant expatrier leurs salariés, la dépréciation du yen est plutôt une bonne affaire. En 2023, le coût d'expatriation d'un salarié au Japon passe juste sous la barre des 300 000 livres.

Mais les entreprises se montrent prudentes. Contrairement aux touristes, qui profitent de leurs quelques jours dans les grandes villes touristiques pour faire le plein de souvenirs détaxés, les travailleurs expatriés vivent sur place durant de longs mois, voire de longues années. Or, les fluctuations des taux de change (par exemple, la chute du yen face au dollar, à l'euro et à la livre) peuvent restreindre les plans de mobilité internationale des entreprises.

Pour faire face à l'explosion des coûts, certaines entreprises tournent le dos à l'expatriation pour investir dans le travail à distance. Elles nouent des partenariats avec des entreprises locales pour y délocaliser « virtuellement » leurs travailleurs. D'autres entreprises vont encore plus loin, en multipliant les « antennes virtuelles » dans les villes d'expatriation : le bureau physique cède la place aux réseaux en ligne. Les salariés nationaux restent dans leur pays tout en travaillant à distance avec leurs collègues de l'étranger. Cette forme de mobilité internationale numérique pourrait gagner en influence dans les années à venir.

Expatriation : quelles dépenses sont à la charge de l'employeur ?

L'expatriation ne supprime pas certaines obligations de l'employeur : il reste responsable de la sécurité et de la santé du salarié. Cette responsabilité se traduit généralement par la souscription d'une assurance qui prendra en charge les besoins d'assistance de l'expatrié. Concernant la santé, le salarié n'est certes plus affilié à la Sécurité sociale de son pays d'accueil, mais reste sous la responsabilité de l'entreprise qui l'envoie pour certains points. Ainsi, l'employeur se doit de proposer à son salarié une visite médicale avant l'expatriation. Il doit également s'assurer que le salarié a effectué tous les vaccins exigés par le pays d'accueil. Il peut modifier, écourter ou annuler l'expatriation d'un collaborateur sous traitement médical, dans le cas où la poursuite du traitement serait compromise dans le pays étranger.

Aides à négocier dans le contrat d'expatriation

Le contrat d'expatriation (ou avenant d'expatriation) négocié entre l'employeur et le salarié fixe notamment les avantages auxquels l'expatrié aura droit : aide au déménagement, aide au logement, compensation financière selon la ville d'expatriation, voiture ou aide aux transports, abonnement téléphonique, frais de scolarité, aide à la formation/à la reconversion professionnelle pour le conjoint suiveur, garde d'enfant, etc.

Le salarié est libre d'ajouter les clauses qui lui semblent pertinentes, au regard de sa situation. Si, par exemple, il est amené à déménager avec conjoint et enfants, il peut demander une aide pour la scolarisation des enfants. Le logement est le poste de dépense le plus important. Nombre de grandes villes d'expatriation font face à une crise du logement qui dure et fait bondir les coûts pour les entreprises. La crise gagne les autres domaines de la vie (alimentation, carburant, scolarité, transports, assurances…) et contraint les entreprises à augmenter les compensations financières délivrées aux expatriés. Grignotés par les crises à répétition, les packages d'expatriation ne sont plus aussi avantageux qu'avant.

À noter que le salarié peut négocier une prime d'expatriation (entre 5 et 20 % du salaire de base). Celle-ci n'est pas obligatoire et reste à la discrétion de l'entreprise.