Un vent de changement souffle sur la politique monétaire mauricienne avec l'arrivée de Rama Sithanen à la tête de la Banque de Maurice (BoM). Cette nomination marque un tournant décisif dans la gestion de notre devise, la roupie, dont la dépréciation inquiète depuis plusieurs années.
Les Mauriciens financièrement aux abois
Au cœur de Port-Louis, la décision est au centre des discussions, dans un contexte où le nouveau Premier ministre Navin Ramgoolam souhaite rompre avec les pratiques du gouvernement précédent. Selon les analyses économiques récentes, 85 % de l'inflation subie par les Mauriciens serait directement liée à la faiblesse de la roupie.
Les chiffres sont frappants : depuis 2002, la roupie a perdu 76 % de sa valeur face au dollar américain. Cette dépréciation continue a lourdement impacté le pouvoir d'achat des familles mauriciennes, notamment à travers la hausse des prix des produits importés.
L'ancienne administration est critiquée pour avoir délibérément affaibli la monnaie nationale. Si cette politique a permis de réaliser des recettes fiscales record (146 milliards de roupies), elle a également engendré un coût social majeur, avec une érosion du pouvoir d'achat des Mauriciens et une flambée des prix des denrées alimentaires.
Les données de juillet 2024 confirment l'urgence d'agir
En effet, malgré une intervention massive de la Banque de Maurice, qui avait injecté 50 millions de dollars sur le marché des changes au taux de 46,76 roupies, notre devise nationale avait continué sa chute pour atteindre un nouveau record historique à 48,605 roupies pour un dollar. Cette première intervention en trois mois de la BoM n'avait alors pas suffi à enrayer la spirale baissière, révélant la profondeur du problème.
L'économiste Vinaye Ancharaz pointait déjà « une pénurie aiguë de dollars et de devises majeures sur le marché ». Plus inquiétant encore, les entreprises mauriciennes qui disposent de devises étrangères préfèrent les conserver, anticipant une nouvelle dépréciation de la roupie. Cette perte de confiance alimente un cercle vicieux qui complique davantage la tâche des autorités monétaires.
Mais comment redresser la barre ?
Les experts s'accordent sur plusieurs points clés. D'abord, le renforcement des réserves en devises étrangères apparaît comme une priorité absolue. Cela passera notamment par une relance du secteur touristique, poumon économique de notre île, et par l'attraction de nouveaux investissements étrangers.
La réforme de la Mauritius Investment Corporation (MIC) constitue un autre chantier majeur. Cette institution, jusqu'ici rattachée à la BoM, devrait connaître une profonde restructuration. Certains analystes suggèrent même qu'elle pourrait jouer un rôle clé dans la gestion des futurs revenus liés à Diego Garcia.
À court terme, le gouvernement envisage également une baisse des prix des carburants pour soulager immédiatement le budget des ménages. Toutefois, cette mesure devra s'accompagner de mécanismes de contrôle pour garantir sa répercussion effective sur les prix à la consommation.
La tâche qui attend Rama Sithanen est donc considérable. Son expérience en tant qu'ancien ministre des Finances sera précieuse pour mettre en œuvre cette nouvelle philosophie monétaire. Toutefois, le contexte international complexe, notamment marqué par les fluctuations du dollar américain, pourrait compliquer cette mission de stabilisation.
La prospérité socio-économique de Maurice est étroitement liée à la santé de sa monnaie. Le succès de cette nouvelle politique monétaire dépendra non seulement des décisions techniques prises par la BoM, mais aussi de la confiance que les acteurs économiques, nationaux et internationaux, accorderont à ces réformes.
Un défi de taille
Il s'agit aujourd'hui de trouver le juste équilibre entre une roupie plus forte et le maintien de la compétitivité de notre économie. Les contradictions entre le discours officiel, qui affirme que les entrées de devises dépassent les sorties, et la réalité du marché des changes devront être résolues. La capacité de Rama Sithanen à restaurer la confiance des acteurs économiques sera déterminante. Les prochaines semaines, plus que les prochains mois, permettront d'évaluer l'efficacité de cette nouvelle approche et son impact sur le quotidien des Mauriciens.