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LES GRANDES MIGRATIONS
La France, un vieux pays d'immigration
Les grandes migrations - par Gérard Noiriel dans collections n°46 daté janvier 2010 à la page 72 | Gratuit
Depuis la fin du XIXe siècle jusqu'aux années 1970, la France a eu massivement recours à la main-d'oeuvre immigrée. Le thème du « problème de l'immigration » a fait irruption dans le débat public dans les années 1880. En des termes que l'on retrouve encore cent trente ans plus tard.
L'HISTOIRE : La France est un très ancien pays d'immigration. Est-il possible de mesurer l'apport démographique des étrangers au peuplement de la France d'aujourd'hui ?
Gérard Noiriel :
A l'échelle du millénaire, nous sommes presque tous issus de « l'immigration* » ; évidemment cela peut être dit de n'importe quel peuple. Mais cela n'a pas toujours le même sens. En réalité, je ne pense pas que l'on puisse parler d'immigration avant la construction définitive de l'État-nation qui trace une distinction claire entre les nationaux et les étrangers*. L'immigration au sens où nous l'entendons aujourd'hui implique toujours deux choses : un déplacement dans l'espace et le franchissement d'une frontière. Ce n'est pas un hasard si le mot s'est imposé dans le vocabulaire français dans les années 1880, à l'époque où le droit de la nationalité se mettait en place. Comment estimer le nombre de Français « issus de l'immigration » ? Contrairement aux États-Unis où dans le recensement chacun se classe dans une communauté, la IIIe République a interdit la recension de la religion ou de l'origine ethnique. On peut néanmoins estimer par divers recoupements comme l'a fait Michèle Tribalat qu'entre le tiers et le quart des personnes qui vivent aujourd'hui en France sont issues de l'immigration si on remonte aux arrière-grands-parents. Cela fait de notre pays l'un des plus importants au monde pour le nombre d'étrangers dans la population - en 1931, la France se plaçait devant les États-Unis près de 7 % d'étrangers. Dans les années 1880, déjà, Paul Leroy-Beaulieu, un célèbre économiste libéral, écrivait que la France était comme l'Argentine : un pays qui ne pourrait pas se développer sans une immigration massive. Le million d'étrangers est atteint en 1881 ; ils sont 2,7 millions en 1931, et entre 3,5 et 4 millions aujourd'hui. Les Belges sont les plus nombreux jusqu'en 1901, puis les Italiens resteront en tête jusqu'en 1968, date à laquelle les Espagnols les devancent.
immigré et émigré et pas expatrié