La fermeture des universités affecte grandement la santé mentale des étudiants, comme le prouve la tentative de suicide d'un étudiant lyonnais. « 75 % des pathologies psychiatriques à l'âge adulte ont pour cause des situations vécues entre 16 et 25 ans », alerte la psychiatre Dominique Montchablon.
Dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 janvier, un étudiant en master de droit s'est jeté par la fenêtre du quatrième étage d'une résidence universitaire, à Lyon. Le jeune homme se trouvait entre la vie et la mort, mardi 12 janvier. La fermeture des universités, en raison de l'épidémie de Covid-19, la difficulté à trouver un petit boulot, l'arrêt des activités sportives, culturelles et festives ont plongé les étudiants en plein désarroi, malgré le recrutement de 20 000 « référents étudiants », annoncés fin novembre. Dans cette population, la détresse globale a augmenté de 30 %, rappelle la psychiatre, Dominique Montchablon, cheffe de service à la Fondation santé des étudiants de France. Entretien.
Comment se portent psychologiquement les étudiants ?
Pour les lycéens, qui sont dans des classes formatées, un milieu relativement homogène, ça va. Pour les étudiants, qui étaient les seuls à qui on avait imposé des cours à distance au printemps, c'est plus compliqué. Lors du premier confinement, on a constaté une augmentation de 30 % de la détresse globale de cette population avec un doublement des troubles anxieux, des troubles dépressifs et des idées suicidaires.
Mais, dans le même temps, une baisse de 5 % du nombre effectif de suicides. Cela s'explique par l'effet de sidération – on enregistre moins de suicides dans les crises importantes, comme les guerres, par exemple – et par le très fort soutien social que les étudiants ont reçu, notamment de la part de leur famille.
Ils semblent davantage souffrir depuis la rentrée…
Les grandes vacances, qui ont été une bouffée d'oxygène, ont été un moment de grâce. Mais de courte durée. La reprise de l'épidémie à la rentrée et l'impossibilité pour les étudiants de reprendre les cours en présentiel ont été très mal vécues. L'effet dépressogène est global : il affecte les plus fragiles, en priorité les primo-étudiants, mais aussi les plus anciens, avec une morosité globale, une démotivation, une perte de concentration, des capacités cognitives et des performances universitaires amoindries et, parallèlement, une augmentation des addictions : toxiques, sexuelles, Internet.
Les cours à distance ont un effet démobilisateur
Quel est l'impact de l'enseignement à distance ?
Dans un premier temps, le télé-enseignement a été bénéfique pour les étudiants, en les obligeant à se lever le matin, à rester d'autant « connectés » qu'ils étaient en quelque sorte « pressés » par le système académique. Mais, en se prolongeant, le télé-enseignement a aujourd'hui un effet démobilisateur.
Rester derrière son ordinateur a un côté aride. Alors que, durant un cours dans un amphithéâtre, il y a une interaction entre les élèves mais aussi avec l'enseignant, qui peut faire des plaisanteries, des digressions. Tout ce temps interstitiel, parfois affectif, est aussi important que le contenu du cours. Or cette transmission horizontale des connaissances est devenue très verticale. Être étudiant, c'est aussi le temps où l'on passe d'une filiation biologique – la famille – à une filiation intellectuelle, où l'on construit, où l'on devient amoureux. C'est tout cela qui est aujourd'hui balayé.
L'incertitude sur l'avenir semble aussi peser…
Un étudiant, ça passe son temps à anticiper, à planifier : ses cours, ses travaux à rendre, ses examens, ses voyages, un échange Erasmus… Tout ça s'effondre. Comme Sisyphe, il doit infléchir son parcours et faire face à un climat d'incertitude, sans savoir ce qu'il fera dans six mois.
Un étudiant non soigné risque de désocialiser
Quel soutien pouvez-vous apporter aux étudiants ?
Face à une souffrance réactionnelle à une situation critique, on travaille tous les facteurs de résilience. On va relativiser, les inviter à se resocialiser, étudier avec eux les éventuels antécédents : est-ce qu'ils ont déjà connu des situations de perte, de douleur, que la crise actuelle aurait pu réactiver ? La plupart du temps, les étudiants se ressaisissent.
Parfois, il faut en passer par des soins. Avec cette difficulté qui est propre à notre discipline qui veut que plus on est malade, moins on a le courage d'appeler à l'aide. Beaucoup d'étudiants ont du mal à faire cette démarche. La téléconsultation est ici un formidable outil.
Il y a donc du bon dans cette crise ?
La crise aura eu au moins ce mérite que beaucoup de psychiatres se sont mis à la téléconsultation. Ce qui est une bonne chose quand on voit la paupérisation des services de santé des étudiants : la France est le dernier des derniers pays en Europe en la matière, avec quatre fois moins de moyens que le pays juste devant elle.
Aujourd'hui, il faut quatre mois d'attente pour espérer avoir un rendez-vous dans un bureau d'aide psychologique universitaire (Bapu) à Paris. Or, un étudiant qui n'est pas soigné risque de désocialiser. Et ces pathologies vont se réveiller plus tard : on sait aujourd'hui que 75 % des pathologies psychiatriques à l'âge adulte ont pour cause des situations vécues entre 16 et 25 ans.
Covid-19. Le malaise des étudiants est une bombe à retardement
https://www.ouest-france.fr/education/e … nt-7116177 . jean luc
commentaire: je suis un peu perplexe avec ce problème-là, je comprends leurs problèmes, beaucoup ont perdu leurs boulots, sont sans ressources, vont aux restos du coeur, et son isolé pas facile à vivre . , ils ne sont pas seuls dans le cas là, les vieux par exemple, sont aussi confinés, ceux à qui il manque la réunion de la machine à café, je me demande si c'est jeune sont-ils vraiment armés pour la vie