En ces temps de turbulences, vivre à l’étranger ne fait qu’amplifier les aspects spécifiques de notre vie loin de nos racines, de notre famille.
Au tout début de la pandémie, personne n'aurait pu imaginer que les semaines, les mois allaient se succéder dans cette incertitude tant sanitaire, qu'économique un peu partout dans le monde. Avec l'imposition de mesures, plus ou moins drastiques, fermeture de certaines frontières, restrictions, couvre-feu, quarantaine, nous sommes tous touchés dans nos libertés individuelles. Le ressac économique devient d'ailleurs dramatique pour certains. Et même si la bonne volonté pour le bien commun est généralement de mise, ne plus pouvoir se déplacer à notre guise est, pour ceux qui vivent à l'étranger, un défi de plus, peut-être un défi de trop.
Que reste-t-il de nos amours ?
Parce que oui, même si nous vivons loin, l'idée que nous pouvons sauter dans le premier avion pour rejoindre notre terre natale, famille ou même amis, fait souvent partie des prérequis pour se sentir à l'aise. On sait qu'on peut « rentrer » à tout moment si les circonstances l'exigent ou si nous sommes en manque. Mais voilà, la pandémie a tout changé. Impossible de rentrer en urgence pour la naissance du petit dernier de notre frère ou plus triste encore, impossible de braver les fuseaux horaires pour arriver à temps au chevet d'un être cher à l'article de la mort. Mais quand on laisse sur sa terre natale des gens qu'on aime, être « coincés » ailleurs est un tribut terrible à payer.
D'aucuns souligneront à grands traits que vivre à l'étranger est un privilège, certes. Oui, nous avons la chance de pouvoir avoir le cœur entre deux pays, profiter des richesses culturelles de nos racines et en même temps s'enrichir d'un vécu différent. Mais quand nos liens affectifs souffrent de l'impossibilité du retour, quand notre décision de vivre loin a des répercussions aussi douloureuses pour les êtres chers restés dans notre pays d'origine, la raison même de l'expatriation ou de l'immigration se pose.
Braver les tempêtes, mais garder le cap
Tous nos repères ont été bousculés, quelle que soit la géographie de notre lieu de vie. Mais cette impossibilité de nous rendre dans notre pays d'origine avec facilité met en perspective notre dépendance au voyage pour notre équilibre. Que nous ayons monté un projet fou et enthousiasmant de partir vivre de notre propre chef au Mexique ou au Sénégal, ou que nous ayons acquiescé à une mission lointaine en Amérique latine, il n'en reste pas moins dans un coin de notre tête, nous étions toujours à un avion de pouvoir « rentrer » si besoin.
Cette période inédite nous aura amenés, de gré ou de force, à nous poser des questions essentielles. Au milieu du chaos, retrouvons l'essence même de ce qui est important, vraiment important. Nous touchons à l'intime, au cœur même de nos vies. Est-ce que vivre loin de nos racines premières est ce que nous voulons encore ? Pour certains, le prix de l'aventure est trop élevé en coût humain, pour d'autres malgré le chagrin, la frustration, l'aventure en vaut toujours la peine.
Même les plus grands navigateurs après avoir parcouru les mers les plus lointaines rentrent au port. Si Ulysse a mis 20 ans pour revenir à Ithaque, nous pourrons rejoindre notre terre natale avant !
Un privilège d'être contemporain est d'avoir à notre portée tous les moyens de communication actuels. N'allez pas me faire dire ce que je n'ai pas dit, je sais pertinemment que ce n'est pas la même chose, mais quel plaisir de pouvoir à tout moment entendre la voix de ceux qu'on aime, de voir la bouille des enfants par visioconférence et d'échanger des photos de nos vies respectives en simultané.
Alors face aux vents contraires, gardons le cap contre vents et marées, soyons vigilants face aux écueils. Parce que quel que soit notre ancrage, ici ou ailleurs, l'important est de savoir ce qui est profondément primordial pour nous et de veiller à ajuster nos voiles en conséquence car le voyage va continuer.