Plus d'une semaine après le coup d'envoi de la 22e édition de la Coupe du monde, la tension monte pour des équipes qui bataillent encore pour décrocher leur place en 8e de finale. Pour certaines, c'est déjà la fin. D'autres ont assuré leurs arrières avant leur dernier match de poule. Comment les expatriés au Qatar vivent-ils cette ambiance « Coupe du monde » ?
Clap de fin pour le Qatar, victoire du Sénégal
Vendredi pluvieux pour le Qatar. « On espérait au moins aller en 8e de finale, mais on s'est bien battus », confie un supporter au sortir du match. Il vit en Arabie saoudite et a fait le déplacement pour soutenir le Qatar. Le pays organisateur du mondial a perdu vendredi contre un Sénégal conquérant. Mathématiquement, le Qatar est éliminé. C'est le deuxième pays (après l'Afrique du Sud en 2010) à sortir dès le premier tour du mondial.
« Est-ce que c'est une surprise ? Non, bien sûr. Moi je pense que c'est encourageant pour le Qatar », analyse une expatriée anglaise. « La victoire, c'est déjà d'avoir la Coupe du monde ici, à Doha. La défaite, c'est aussi formateur. Bien sûr, on aurait aimé aller plus loin. On veut toujours aller plus loin. Il ne faut pas oublier que le Qatar a été champion d'Asie en 2019. Ça, personne ne le dit. La pression, tout ça, il y a beaucoup de choses qui peuvent expliquer une défaite. C'est aussi formateur. Le Sénégal aussi s'est bien battu. Il avait des choses à prouver. J'ai suivi les matchs chez moi, mais j'ai profité de l'ambiance dans les rues. Pour le Sénégal, c'est historique. Ils ont très bien joué, et ont toutes leurs chances pour les 8e. Bravo aux deux équipes. »
L'Argentine relève la tête
D'autres équipes espèrent, comme le Sénégal, décrocher leur place pour les 8e de finale. Samedi, l'Australie bat la Tunisie 1-0. La Pologne l'emporte sur l'Arabie saoudite (2-0). Les Saoudiens n'ont pas pu reproduire l'exploit qui les a fait battre l'Argentine de Messi. « Il est où, Messi ? » s'écriaient alors les supporters saoudiens. Beaucoup d'expatriés ont fait le déplacement jusqu'à Doha. D'autres, déjà résidents sur place, espéraient que « le plus dur » avait déjà été fait. « On méritait de gagner. Mais bon, c'est le jeu. Rien n'est perdu. On peut encore gagner ! » espère Roka, expatrié à Doha depuis 5 ans. « On l'a prouvé avec l'Argentine. On peut encore le faire. Moi j'y crois. »
« L'Argentine de Messi », justement, a « redoré son blason ». Elle s'impose 2-0 face au Mexique et redonne le sourire à ses fans. « On a eu très peur. On n'a pas compris la défaite face à l'Arabie saoudite. Maintenant, c'est bon, on respire ! » À Doha, les supporters argentins mettent l'ambiance, à grands coups de « Messi ! » et de « Fernandez », les deux hommes du match. Interrogé par l'Agence France Presse, Fernando raconte : « J'étais très nerveux. On a beaucoup souffert en première partie. J'étais nerveux pour les joueurs. En deuxième période, c'était différent. J'ai vu qu'on allait gagner. » Côté Mexique, c'est la douche froide. « Catastrophique. Aucun mot n'est assez fort pour dire à quel point je suis déçue. Je suis en colère, déçue. Venir jusqu'ici et ne rien gagner, c'est horrible », résume une supportrice.
L'équipe de France passe le premier tour
Les expatriés français et les autres supporters des Bleus n'en finissent plus de fêter la victoire des champions en titre et leur qualification en 8e de finale. Environ 5000 Français vivent à Doha. Les plus chanceux ont pu avoir des billets pour suivre la victoire de la France face au Danemark (2-0). Ils célèbrent la victoire à grands cris de « Mbappé ! », l'homme du match. L'attaquant est le 2e meilleur buteur français de la compétition avec 3 buts en 2 matchs, 7 au total en Coupe du monde. Interviewé au sortir du match (samedi 26) pour le journal télévisé du média France 2, un fan joue les poètes : « Quand Mbappé est sur le terrain, tout le monde est serein ».
Les doutes d'avant Coupe du monde font place aux espoirs. « En route pour la 3e étoile ! » crie un supporter au sortir du match. D'autres fans restent prudents. « Il reste encore le match contre la Tunisie. C'est que le début. On reste confiants et concentrés. »
Certains expatriés en profitent pour pousser un petit coup de gueule, comme Lola, qui vit à Doha depuis 3 ans. « Je n'aime pas comment la France parle du mondial. On ne les voyait pas aussi virulents contre la Chine ou la Russie, pourtant loin d'être des modèles. Ici, c'est safe, même la nuit. Pas comme à Paris où t'as peur de te faire voler toutes les deux secondes. Ici, il y a toutes les communautés qui vivent tranquilles. Pas comme en France où on crie « droits de l'homme » alors que le racisme monte en flèche. OK, il y a des choses à améliorer, mais pas la peine de jouer les donneurs de leçon. Ici, l'ambiance est dingue, tout le monde est sympa, y'a pas de jugement. »
Après l'exploit, la douche froide pour le Japon
Élimination du Canada, qui s'incline 1 à 4 face à une Croatie surpuissante. Le Maroc s'impose aussi devant la Belgique (2-0). Une victoire surprise célébrée comme il se doit par des expatriés euphoriques. « Plus que la victoire du Maroc, c'est la victoire du monde arabe », crie un résident à Doha. Le Japon ne réussit pas l'exploit et s'incline 0-1 face au Costa Rica. Fair-play, les supporters gardent le moral : « On se prépare pour le prochain match contre l'Espagne. On y croit, bien sûr ! »
Interrogé par la chaîne TJ Sport USA, un ancien expatrié au Japon témoigne : « J'ai toujours supporté le Japon et je suis vraiment heureux de les voir ici, à la Coupe du monde. Aujourd'hui, ils auraient certainement pu gagner. Ils le méritaient. Mais ce n'est pas arrivé. » L'homme a vécu 15 ans au Japon avant d'immigrer à Londres. Il est venu à Doha pour encourager son équipe. « Je supporte toujours le Japon. Je regarde tous leurs matchs, je les suis aussi quand ils jouent à l'étranger, je suis les carrières des joueurs, en Allemagne, en Angleterre… Je sais qu'ils peuvent aller plus loin, plus haut. C'est juste qu'aujourd'hui, c'est une défaite malheureuse. » L'expatrié insiste sur le mental des joueurs et des supporters : « On le prend avec philosophie. C'est la culture japonaise : tout le monde respecte tout le monde. Les joueurs, quand ils ont battu l'Allemagne, ils ont fait la fête et tout nettoyé après. Là, ils ont perdu face au Costa Rica et ils resteront aussi courtois. C'est dans leur culture. Être respectueux, propre, avoir une bonne façon de vivre. […] J'aurais bien voulu que l'Espagne batte l'Allemagne aujourd'hui pour augmenter les chances du Japon de progresser dans la compétition. Mais on verra ce qu'il se passera. »
L'Allemagne sauve sa place
Le premier grand choc du mondial s'est soldé par un match nul. Mercredi 23 novembre, l'Allemagne s'était inclinée face au Japon, 1 but à 2. « Vive Asano Takuma ! » le goal japonais a créé la surprise, et les fans crient son nom au sortir du match. Dimanche 27 novembre, la Mannschaft fait jeu égal avec l'Espagne, 1 but partout. Le pays a joué gros, et s'en est sorti. Reva, qui supporte l'Allemagne, n'en revient pas. « Franchement, c'était serré. J'étais sonnée après la défaite contre le Japon. Je ne pensais pas qu'on pouvait perdre contre eux. Mais ils ont très bien joué, c'est vrai. Et j'aime beaucoup leur fair-play. Contre l'Espagne, j'y croyais à fond. On aurait dit une finale. Quand ils ont marqué le premier but, je me suis dit « On peut encore remonter ! ». Et puis on a égalisé. J'y ai cru jusqu'au bout. Comme quoi, c'est pas la fin tant que c'est pas la fin. »
Pour les supporters de l'Espagne, tout reste permis. « On peut toujours se qualifier pour les 8e », rappelle Anil. L'expatrié, grand fan de foot, a emménagé à Doha il y a quelques mois. Il n'a pas pu avoir de billets pour la compétition, mais profite de l'ambiance. « C'est bienveillant, ici. Tout le monde est là pour le sport, tout le monde est content. D'où que tu viennes, tu es bien accueilli. Mais c'est vrai que les billets coûtent cher. Surtout si tu viens de loin, je n'imagine même pas le budget. Être fan, c'est aussi ça ! J'espère pouvoir assister aux autres matchs de l'Espagne. Ils iront loin. J'en suis sûr. »
Une organisation compliquée ?
Pour assister aux matchs, il faut user de patience et prévoir assez d'économie. Le 20 novembre, l'équipe de l'After foot (chaîne RMC sport) donne la parole à Tami, un Français venu 4 jours avec son ami participer à la Coupe du monde. Si l'ambiance est festive, la note est salée. « On fait 3 matchs : Sénégal-Pays-Bas, France-Australie et Maroc-Croatie. […] Ça a été très compliqué. »
En effet, les billets s'obtiennent par tirage au sort. « […] Quand j'ai été tiré au sort pour les billets, la première chose qu'on ne savait pas c'est qu'on allait nous demander de choisir un certain nombre de matchs. Donc j'en avais choisi plus : le match du Sénégal, les deux premiers matchs du Maroc. J'avais […] aussi postulé pour Argentine-Mexique, en me disant « ça va caler toute une semaine de match ». Le problème, c'est que quand on est tiré au sort, on est obligé de payer tous les billets sur lesquels on a été tirés. Alors qu'initialement, ils nous avaient laissés entendre qu'on pourrait désélectionner certains matchs. Le problème, c'est que si on se rétracte sur un match, on se rétracte sur tous les matchs. Donc moi, je connais certaines personnes qui avaient pris tous les billets et qui avaient une addition à la fin de 8000 euros. » L'ami de Tami avait sélectionné tous les matchs des Bleus, jusqu'à la finale éventuelle. « C'était 7800 euros, et du coup, je me suis rétracté parce que ce n'était pas possible. »
Chère Coupe du monde
Coupe du monde festive pour ceux qui ont les moyens. Les expats de Doha n'ont « que » les coûts (élevés) des billets à supporter. Pour ceux venant de plus loin, le casse-tête commence. Ils sentent une ambiance moins populaire que pour d'autres rencontres internationales auxquelles ils ont pu assister. Le coût financier est un vrai frein pour beaucoup d'entre eux. Tami a payé environ 4600 euros pour 4 jours de Coupe du monde au Qatar. « L'organisation est bonne : de l'aéroport pour arriver jusqu'au bateau, y'a pas de soucis. Par contre, pour venir en ville ensuite, au niveau du transport [et pour trouver un logement], c'est une galère énorme. […] »
Les Français voient une Coupe du monde festive, mais peut-être un peu moins populaire que les autres évènements internationaux auxquels ils ont participé. Rentrés depuis en France, ils laissent les expatriés continuer de chauffer l'ambiance à Doha.