Bonjour à tous,
Ma fille et moi sommes britanniques (écossaises). Elle a 9 ans, elle est dys grave, et la meilleure école francophone pour les enfants dys est à côté de Mons (le CPESM à Ghlin), en Belgique. En France, c'est très loin du compte (je vous raconterais pourquoi si quelqu'un me le demande).
Nous habitions en France, où ma fille est née et où j'ai une carte de résident longue durée.
Avant de partir, j'ai cherché sur internet et lu des informations concernant les logements d'urgence et ce genre de choses. Ca avait l'air prometteur. Pas de formulaire pour faire une demande en ligne, donc je me dis que nous demanderons sur place. Sur place, on me dit qu'il n'y a pas de logements d'urgence disponibles. Il y a bien un foyer d'urgence, qui annonce en ligne qu'il accepte les gens "sans exclusions". Une fois sur place, j'ai découvert qu'ils pratiquaient une exclusion de taille : ils n'acceptent pas les enfants! Nous sommes aussi allées voir un autre foyer, du côté de Charleroi. Au téléphone, ils avaient de la place. Arrivées sur place, ils attendaient une famille plus prioritaire que nous et donc ils n'avaient pas de place. En allant aux toilettes, j'ai vu de nombreux lits inoccupés. Ils nous ont donné de la nourriture avant de nous faire partir. Pas mal de trucs qui nécessitent du matériel de cuisson. Je suppose que j'étais supposée aller dans un bois et allumer un feu de camp.
J'avais lu que quand on s'installait, il fallait déclarer son arrivée dans les 3 jours à la commune (mairie). Avant de partir, je regarde une dernière fois, pour trouver l'adresse où on devait aller s'inscrire, et là je vois qu'il faut prendre RdV 3 semaines à l'avance! Première déconvenue : pas moyen de respecter la loi et de se déclarer dans les 3 jours.
Tant pis, je prend RdV pour 3 semaines plus tard et on va en Belgique. Comme nous sommes légales en France, je compte sur la libre circulation à l'intérieur de l'UE pour que les choses s'arrangent vite.
Ha.
On nous dirige d'abord vers le CPAS. C'est un ensemble de grands bâtiments avec des belles cours intérieures, des grands arbres, un immense pigeonnier. Un lieu plaisant. L'un des bâtiments est consacré aux demandeurs divers. Eh bien, ce bâtiment-là est séparé des autres par des barrières! Il a une entrée dédiée qui donne sur un grand parking. Les demandeurs n'ont pas le droit d'admirer les beaux arbres?
Arrivées là, on doit prendre un ticket et attendre son tour. J'ai eu l'impression d'avoir fait un saut en arrière dans le temps et d'être de retour au 20ème siècle. En France, je fais toutes nos démarches en ligne depuis des années, le coup de la salle d'attente avec les tickets dans une administration, je n'avais pas vécu cela depuis je ne sais même pas combien d'années.
Le CPAS me fait tourner en bourrique. Pour de nombreuses démarches en Belgique (la plupart, en fait), il faut "être inscrit sur le registre de la population", ce qui me semble être synonyme d'"être domicilié". Il y 3 moyens de se domicilier : on peut se domicilier chez un particulier (à condition de ne pas y habiter !!!), on peut se domicilier chez soi à condition que le CPAS soit d'accord, ou on peut se domicilier au CPAS même à condition de passer régulièrement chercher son courrier.
Le CPAS de Mons refuse de nous domicilier où que ce soit, et nous dirige, suivant notre interlocuteur, vers tel ou tel service, où, à chaque fois, on me demande un papier qui nécessite une domiciliation (par exemple une "composition de ménage"). C'est le serpent qui se mord la queue.
Lors de notre RdV à la commune, pour l'inscription d'arrivée, on me conseille de déposer une demande "9 bis". Ca coûte dans les 360 euros et une conseillère juridique me dit que je ne l'aurais pas. Notre cas correspond au "9 ter". Le "9 ter" est gratuit. Ces demandes doivent être déposées par un avocat.
Je commence à bosser mais pas moyen d'ouvrir un compte en banque sans domiciliation. Donc je n'ai toujours pas pu toucher mon salaire. Grrr. C'est ça leur vision de la libre circulation à l'intérieur de l'UE? On a le droit d'aller en Belgique, on a le droit d'y travailler, mais on n'a pas le droit de se faire payer?
Je me renseigne pour trouver un avocat qui accepte l'aide juridictionnelle (ils appellent ça un avocat "pro deo"). J'en contacte plusieurs, l'un après l'autre. Certains ne répondent pas, certains refusent au bout de quelques jours, certains demandent des infos complémentaires et, au final, refusent. Je cherche l'aide du barreau. Je trouve la liste des pièces à fournir pour demander un avocat commis d'office. La toute première de la liste est une "composition de ménage". Donc, sans domiciliation, on oublie.
Mêmes embrouilles du côté de la sécurité sociale. Avant de partir, j'ai demandé et obtenu une carte européenne d'assurance maladie. C'est supposé fonctionner en Belgique. C'est faux. En Belgique, on me donne des formulaires pour demander l'"aide médicale urgente". Ca permet d'obtenir le remboursement partiel de certains médicaments. Certains remboursements sont à l'appréciation du CPAS, (par exemple les anti-douleurs!). Ah oui, et ils vont me rembourser comment, si je n'ai pas le droit d'ouvrir un compte en banque? Encore un serpent qui se mord la queue.
On me dit que la carte européenne d'assurance maladie fonctionne seulement à l'hôpital.
Je tombe malade. Je ne vais voir un docteur, pas les moyens, j'espère que ça va passer. Ca s'aggrave, je vais à l'hôpital. On me soigne gratuitement sans me demander la carte européenne d'assurance maladie. Je leur ai dit que je l'avais, ils m'ont dit ne pas en avoir besoin. En sortant de l'hôpital, j'ai une ordonnance que je n'ose pas zapper. A la pharmacie, j'en ai pour 110 euros. Ils refusent la carte européenne d'assurance maladie. Ils ne me donnent aucun formulaire me permettant de demander un remboursement ultérieur. La Belgique est considérée comme le centre de l'UE, au point où les journalistes français utilisent "Bruxelles" comme synonyme d'"UE". Pour nous pondre des milliers de normes, ils sont champions, mais pour respecter les accords de l'UE ils repasseront.
Du côté de l'école, tout se passe bien. On n'entre pas directement dans une école spécialisée, donc ma fille commence par une petite école primaire dont la directrice accepte de l'inscrire dans la classe inférieure d'une année à la classe correspondant à son année de naissance. Ensuite, la procédure d'orientation scolaire commence. Ca prend du temps, mais ça c'est normal. Les certificat médicaux venant de France sont pris en compte par l'école primaire mais pas par le centre PMS (psycho-médico-social) qui décide de l'orientation. Ma fille aime bien son école mais ne progresse guère. Elle oublie même certains acquis, comme lire l'heure sur les pendules analogiques. La "volatilité des connaissances" est typique des troubles dys. La petite école a fait de son mieux avec elle et je leur suis très reconnaissante.
A la rentrée, si tout se passe bien, ma fille ira dans l'école spécialisée. Nous devons encore voir une pédopsychiatre en Belgique pour un bilan neuro-psychologique. Je lui présenterai la carte européenne d'assurance maladie de ma fille, mais sans aucun espoir. Juste histoire de pouvoir dire que j'aurais essayé. Ma fille aurait besoin d'être suivie par une orthophoniste (en Belgique ils appellent ça une logopède) mais je n'ai pas les moyens.
En Belgique, nous sommes hébergées chez un ami. Nous restons officiellement domiciliées en France pour le moment, et peut-être définitivement. Comment vais-je faire pour être payée pour mon travail en Belgique, je ne sais pas.
Tous conseils bienvenus.