Jhabite à lhôtel - Kuendu beach
Ils sont de plus en plus nombreux. Au Kuendu Beach, les jeunes Métropolitains ayant tout quitté pour sinstaller en Nouvelle-Calédonie remplissent les bungalows. Un choix dicté par la difficulté à se loger, se révélant parfois inconciliable avec lintimité.
« Deux jeunes infirmières sympas cherchent colocation avec deux jeunes hommes, courant mars au Kuendu Beach. Faré au bord de mer, meublé, équipé du micro-onde à la petite cuillère, 60 000 francs par personne. »
Lhôtel du Kuendu Beach est devenu, depuis deux ans, le point de chute de clients particuliers. Exit les tourtereaux japonais ou les visiteurs de passage, désormais, les bungalows sont en majorité occupés par des résidents longue durée.
Cest le cas dErwan, Marc, Alexis et JB, qui, quelques semaines auparavant, ne se connaissaient ni dEve ni dAdam. Ces quatre Métropolitains viennent darriver sur le Caillou sans CDI, sans garant, et avec peu de budget pour payer lameublement ou plusieurs mois de caution. Aussi, lorsque vient le moment de quitter les joies de lauberge de jeunesse, ils choisissent loption colocation, non pas dans une grande villa, mais à lhôtel, pour le même prix. « Ici, on ne nous demande rien, à part un mois de caution. Ça, cest fait par facilité. Il nous manquait quand même une personne pour remplir deux farés. On a donc passé une annonce. »
Arrivés à Nouville il y a deux semaines, leur départ vers un autre hébergement dépendra de leur recherche demploi. De même pour Julien, Charles, Sylvain et Anne-Sophie, installés seulement depuis une nuit. Pour linstant, lespace restreint dune dizaine de m2 par personne ne les dérange « pas vraiment ». Ils se contentent de commenter un tarif « un peu cher pour la surface », rapidement compensé par « le cadre extérieur exceptionnel ».
Cette nouvelle orientation commerciale du Kuendu Beach paraît, à première vue, convenir à tout le monde, clients comme hôtel. Des tarifs « dégressifs » auraient même été mis en place. Dun minimum de 12 000
francs par nuit et par personne, la location mensuelle dun faré est actuellement comprise entre 148 000 et 240 000 francs, pour quatre personnes.
« Ici, on ne nous demande rien, à part un mois de caution. Ça, cest fait par facilité. »
Mais rapidement, des murmures se font entendre, sur la difficulté de concilier vie quotidienne et site touristique. Vanessa(*) est là depuis plus longtemps. « Le problème, dit-elle, vient du fait que puisquon na pas signé de contrat. On ne sait pas si on est considérés comme des clients dhôtel ou des locataires. Du coup, ils font un peu ce quils veulent. »
Premier constat dans la bouche des résidants, « les règles changent tous les quinze jours » : interdiction davoir des visites le soir, de faire dormir son petit ami, sil na pas payé sa nuit, de commander des doubles de clé pour chacun des colocataires, mais aussi des intimidations, comme des mots posés en évidence dans le salon, pendant labsence des habitants.
« La gérance nous met la pression constamment, en menaçant de nous faire expulser pour un oui ou pour un non. Il n y a pas de dialogue. On dirait quils aimeraient nous voir partir. »
Outre les problèmes de personne, les résidants assurent ne pas bénéficier des avantages de la clientèle hôtelière « traditionnelle » : pas de femmes de ménage, un entretien et une manutention à la traîne, et une sécurité trop faible notamment le soir. Mi-janvier, une jeune femme résidant au Kuendu Beach avait été agressée sexuellement alors quelle rentrait chez elle. La direction de lhôtel, pour sa part, nie alléger ses services. Elle explique, quen règle générale, « il ny a pas de problème ». « On les connaît presque tous. Et entre eux, cest devenu comme une petite famille ».
Seulement, la publicité sur cette clientèle particulière semble déranger lhôtel. Sur place, une employée commencera par nier la présence de ce genre de clients, assurant que les touristes les plus anciens de lhôtel ne dépasseraient pas les huit jours de séjour. Cela, alors même que le propriétaire du Kuendu, Henri Morini, déclarait dès le 8 décembre dernier dans nos colonnes : « On na pas de touristes », « Ce sont plutôt des personnes qui viennent sinstaller sur le territoire. »
Il faut dire que pendant un laps de temps, le Kuendu Beach a connu des abus. Familles entières relogées après des expulsions, laisser-aller, concentration de jeunes. La sédentarisation de la clientèle, si elle fait à présent vivre lhôtel, ne contribue pas à une image de marque. « Ce quil faut bien comprendre, cest que nous avons aussi des touristes de passage, réitère-t-on au Kuendu Beach. Et si, lorsquils se réveillent, ils voient, étalés dans lherbe, quinze mecs bière à la main, en terme dimage cest compliqué. Cest pour ça que nous sommes sévères. »
(*) Prénom demprunt