Effectivement quand tu restes plus de deux ans, trois ans ou cinq ans (effet de seuil pour certaines missions ou pour percevoir l'intégralité de certaines primes ou avantages), pas mal de Guyanais te demandent étonnés et souriants: "ah vous restez avec nous?" tenant bien à marquer ainsi qu'ils font le distinguo avec le mercenaire chasseur de prime.
On a prêté aux Guyanais la réputation d'être peu accueillants, j'ai souvent entendu "je n'ai jamais été invité chez eux" à quoi quand je répondais "et toi, tu en as invité combien?" j'avais en face de moi un type interloqué qui ouvrait la bouche comme un poisson en pleine asphyxie.
Quand on va dans un pays, on respecte ses coutumes et la coutume en Guyane, c'est que l'arrivant fait le premier pas. Autre habitude: on ne reçoit pas comme chez nous "à la fortune du pot" du genre "je mets une assiette de plus et on partage" mais on se donne du mal pour démontrer qu'on témoigne de la considération à ses hôtes (lesquels se montreront parfois exigeants dans leurs demandes, ce qui nous surprend, mais dans leur culture c'est pour aider la puissance invitante à se mettre en valeur en démontrant ainsi le mal qu'elle se donne)
Faites ça et vous aurez des retours. J'avais été briefé avant d'arriver et à peine installé, j'ai offert à mes collègues et à leurs conjoints un apéritif dinatoire non pas en dépensant des fortunes mais en montrant que je m'étais donné du mal (canapés, etc.)
Dès le lendemain, les gens assez réservés avant me donnaient des conseils "comme ça, en passant", ou m'invitaient à la pêche, à la chasse, au carbet sauf quelques uns bien sûr qui n'avaient pas datomes crochus avec moi, ce qui était leur droit. Le fait d'avoir passé les premières réunions professionnelles à poser des questions et à limiter au maximum l'expression de "mes solutions" (attendant qu'on me demande mon avis) a aussi beaucoup aidé à ne pas me donner une image de gars qui vient d'arriver et qui veut tout nous apprendre
Enfin il y a des croyances tenaces qui à nos yeux relèvent de la superstition, mais j'en ai entendu dans toutes les provinces. Même si ça vous semble ridicule, gardez votre opinion pour vous, ne vous moquez pas de vos interlocuteurs. Après tout c'est un peu de la sociologie et de l'anthropologie, que de répertorier ces croyances et une chose m'a frappé en Guyane: il est de bon ton de s'esbaudir et d'admirer ces croyances quand elles émanent des Amérindiens, et de ricaner bêtement quand elles émanent des Créoles.
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