Mon approche de la Cote d'Ivoire

a) L'accueil à mon arrivée à Abidjan

Le 27 févier 2017, j'effectuais mon arrivée en Côte d'Ivoire par un vol d'Ethiopians Airlines en partance de Paris d'où j'avais effectué une semaine plutôt, une formation de préparation à l'expérience de volontariat. J'ai été accueilli à l'aéroport Houphouët-Boigny par Monsieur Alexis SOUNGALO. Le premier mot qu'il m'a adressé dès lors que nous nous sommes vus est « AKWABA » qui veut dire « Bonne arrivée » en langue locale. Je me suis senti en confiance car dans ce lieu où circulait un tas de monde, j'avais l'impression d'être seul jusqu'au moment où le service d'accueil de l'aéroport prononce mon nom pour m'avertir de la présence de quelqu'un venu spécialement m'accueillir. J'étais ravi, et en même temps soulagé. Nous sommes alors allés à Cocody Mermoz, au siège de la représentation de Côte d'Ivoire où j'ai eu l'occasion de faire la connaissance de toute l'équipe présente. Après cette
séance de présentation et d'échanges de civilités, j'ai été logé dans un appartement meublé non loin de l'école de gendarmerie, toujours dans la commune de Cocody non loin de l'espace volontariat ; c'était donc ma première nuit en terre ivoirienne.

b) Mon intégration

Mon intégration en Côte d'Ivoire fut bonne de manière générale. A mon arrivée, j'ai pu bénéficier du stage d'intégration organisé par la représentation nationale de France Volontaires. Outre la facilitation des procédures administratives et la présentation aux différents acteurs du CLUB-ER, j'ai pu bénéficier d'une séance de causerie « garba party » pendant lequel j'ai pris connaissance des habitudes humaines locales, des bons plans et de quelques mots utilisés. La présence d'autres volontaires en Côte d'Ivoire a également facilité mon adaptation au pays. Les volontaires de France Volontaires en particulier présents depuis déjà plusieurs mois m'ont accueilli et guidé dans mes débuts. Mes voisins dans la cité où je vivais ont joué un rôle très important dans mon intégration ; grâce au rapprochement et à ma facilité d'approche, j'ai été invité dès les premiers jours, à des concerts de zouglou dans la commune de Youpougon. Certains aussi m'ont invité à prendre part à leurs tables lors des évènements festifs les concernant. L'espace volontariat d'Abidjan est très accueillant et très bien situé ce qui a rendu mon
séjour particulièrement agréable.

c) L'inter culturalité

Je n'ai pas trop senti une différence entre la culture ivoirienne et celle de mon pays le Cameroun. J'ai eu quelque fois l'impression de n'avoir pas voyagé, de n'être pas quitté de mon lieu de vie habituelle pour ce pays hospitalier qu'est la Côte d'Ivoire. Sur le plan des coutumes et des rites, j'ai été surpris de constater plusieurs similitudes avec les réalités déjà observées au Cameroun, au Congo et dans d'autres pays africains que j'avais précédemment visités. Mais il ressort quand même quelques différences qui ont retenues mon attention :

- Concernant l'attitude des ivoiriens à l'égard de l'égalité de sexe, la religion, les classes sociales et
l'origine ethnique : la posture des ivoiriens envers l'origine ethnique a totalement changé. Autrefois terre d'accueil de toutes les nationalités, le pays est aujourd'hui confronté au tribalisme religieux et une
xénophobie artificielle encouragée par certains politiciens. La religion et l'origine ethnique sont donc
devenues deux pôles très sensibles, surtout en milieu professionnel. La classe sociale est aussi importante dans la considération que les ivoiriens s'accordent entre eux. Quant au sexe, il a peu d'influence sur le comportement des gens en milieu de travail. En effet, lorsqu'on connait le DG, le Ministre, le Président, on est respecté et écouté qu'on soit du sexe masculin ou féminin. Bien que l'ivoirien connait en général l'apport inestimable de la femme dans la société, l'ivoirien croit peu à « l'égalité de sexe ». pour eux, certaines choses doivent être réservées aux hommes et le chef de famille reste et demeure l'homme. Ces croyances fortement ancrées sont cependant questionnées par les générations montantes. Peu de femmes occupent des postes cadres ou sont actives en politiques. Les deux principales religions sont l'islam et le catholicisme en plus des croyances animistes et traditionnelles. Que ce soit dans une religion ou dans l'autre, on retrouve peu de manifestations d‘intégrisme, ce qui contribue à la bonne cohabitions et à la tolérance entre les ivoiriens de confessions différentes. La religion a peu d'influence dans le milieu professionnel. Les classes sociales sont importantes tout comme le standing et les marques de réussite. L'ivoirien qui a réussi doit redistribuer autour de lui, en prenant en charge l'éducation ou les frais de santé de certains membres de la famille, en trouvant un travail pour son frère ou en aidant un cousin à lancer son petit commerce. Les gens qui ont les moyens et qui n'aident pas autour d'eux sont mal perçus et s'exposent même à des représailles (sorcellerie, empoisonnement). Historiquement, la Côte d'Ivoire est un ilot de sécurité et de stabilité en Afrique de l'Ouest, où les membres de différents groupes ethniques (ainsi que des ressortissants d'autres pays africains) cohabitent sans trop de heurts. Cependant, depuis une dizaine d'années (essentiellement depuis la mort du président Houphouët-Boigny), des tensions ont vu le jour entre le nord et le sud du pays, et entre les groupes ethniques qui habitent ces régions. La crise post-électorale de 2011 qui a secoué le pays démontre que la Côte d'Ivoire est un pays de plus en plus divisé car l'origine ethnique peut être source de conflit ou de discrimination dans certains milieux de travail.
Entre amoureux ou entre époux, les démonstrations d'affection sont très rares. Cela est considéré comme étant quelque chose d'intime que l'on garde pour les moments en privé. Les jeunes couples se permettent parfois d'être expressifs. Entre amis/amies de même sexe et entre les membres d'une même famille, les marques d'affection sont assez fréquents (se tenir par la main, se donner des bises ou se faire de l'accolade) et peuvent s'exprimer en public, tant qu'on respecte les règles hiérarchiques et qu'on adopte le type de langage approprié. Les jeunes ivoiriens adorent aussi aller prendre un pot dans des espaces publics à l'air libre appelés « maquis » ou se retrouver dans des restaurants libanais où ils pourront fumer de la chicha.

- Concernant les relations personnelles avec un collègue ou un client avant de faire des affaires : il
est essentiel d'établir une relation cordiales ou du moins cordiale avec quelqu'un avant d'aborder le sujet des affaires. Les réseaux familiaux et sociaux ont une grande importance en Côte d'Ivoire et c'est dans ce contexte que les ivoiriens brassent des affaires, signent des contrats, établissent des partenariats. Un lien de confiance doit être préalablement établit avant de parler affaires. Pour établir un lien de confiance avec un ivoirien, il faut l'inviter boire un verre, ou encore l'inviter à la maison afin de le connaitre dans un contexte familier. L'habillement est aussi important dans le milieu de travail. Les ivoiriens sont toujours bien mis, particulièrement les femmes. Cet aspect revêt une importance encore plus grande lors des évènements spéciaux : mariage, visites familiales, inauguration d'un barrage, etc. … En Côte d'Ivoire, l'habillement et le soin qu'on porte à son apparence sont importants et interprétés comme un signe de sérieux et d'accomplissement social.

- Concernant la culture des peuples de Côte d'Ivoire et du rôle des médias : la meilleure façon de
connaitre les ivoiriens c'est d'aller vers eux. Tous les coins de Côte d'Ivoire sont intéressants. Abidjan avec ses gratte-ciel, ses grands magasins et ses restos branchés est ne représente pas ce que vit l'ivoirien moyen. La cuisine ivoirienne est riche et diversifiée, selon les régions et l'accessibilité à certains produits. Les journaux, la radio et la télé sont d'autres moyens de prendre le pouls du pays. Il est important d'aller chercher l'information auprès de médias plus alternatifs et critiques, car les principales chaines et organes de presse sont souvent à la solde du gouvernement. Les publications satiriques et/ou humoristiques sont particulièrement représentatives de ce qui préoccupe les gens. La liberté de presse est encore assez relative. En général, les ivoiriens ne disent pas ce qu'ils pensent directement à la personne concernée :

« ils disent oui, même quand ils veulent dire non ». les ivoiriens adorent lorsque vous connaissez leurs
cousins, leurs voisins et leurs amis. J'ai aussi constaté qu'il est préférable de ne pas trop aborder les sujets touchant de près ou de loin à la politique ivoirienne, tant aussi longtemps qu'on n'a pas atteint un certain niveau d'intimité avec la personne. Lorsqu'un ivoirien me demandait par exemple mon avis sur une situation de politique interne, j'ai toujours émis une opinion diplomatique et réservée, ou encore il m'ait arrivé des fois où j'ai directement dit que je ne connaissais pas suffisamment les enjeux pour émettre un avis clair sur le sujet. L'ivoirien est trop sensible aux critiques du pays, aux mœurs et aux traditions. Et les débats de comparaison entre mon pays le Cameroun et la Côte d'Ivoire ont toujours été de mauvais gout car l'ivoirien est quelqu'un de trop fier et pas très ouvert aux débats contradictoires.

- Concernant la production artistique de Côte d'Ivoire : j'ai constaté la présence des séries de vidéos
clips réalisées par des comédiens locaux qui critiquent les pratiques sociales, des comportements de
politiciens ou la vie en général. Vous pourrez demander entre autres, « les guignols, Faut pas fâcher, et
qui fait ça ? ». le cinéma ivoirien est riche malgré des moyens plus que réduits (exemple : « les invisibles » qui est une création canal + tournée dans la commune d'Abobo à Abidjan)

- La peur de l'étranger : un évènement vécu dans ma cité en Côte d'Ivoire m'a permis d'expérimenter un
autre aspect de la relation qu'entretient l'ivoirien avec l'étranger. Pendant le mois de septembre 2018, une série de vol s'est produite dans la cité où j'avais élu domicile. Deux appartements de mes voisines avaient été cambriolés durant leur absence. J'ai été sommé par acte d'huissier de quitter la cité car j'étais perçu comme le principal suspect. Alors qu'aucune enquête de police n'avait été menée au préalable, j'ai été choqué à l'idée de savoir que tous les soupçons de vol se reposaient essentiellement sur moi. Juste parce que j'étais le seul étranger de la cité, en plus discret et ne communiquant pas trop sur la nature de mes activités en Côte d'Ivoire, tous les ingrédients étaient mis en œuvre pour que je sois indexé de voleur. Grace à une action de communication entre le représentant national de France Volontaires et le gérant de l'immeuble, la demande d'expulsion fut levée et des excuses m'ont été adressées.

- Qui sont les héros nationaux de Côte d'Ivoire ? : j'ai constaté qu'il y'a peu de héros nationaux qui font
l'unanimité. L'ancien président Houphouët-Boigny qui a régné sur le pays pendant les trente premières
années suivant l'indépendance, jouit encore d'un certain culte de la personnalité. Mais on se permet de
plus en plus de critiquer certains aspects de sa gouvernance et de son héritage. Les grands joueurs de
football à l'échelle mondiale ainsi que les membres de l'équipe nationale sont vénérés et admirés, tous
comme les grandes stars de la musique d'origine ivoirienne (exemple : Alpha Blondy pour le Reggae, Bébi Philip ou Dj Arafat pour le coupé – décalé, Kerozen DJ pour le zouglou). Certains acteurs dans les
téléromans jouissent également de la ferveur populaire (Exemple : Michel Bohiri, Akissi Delta, Nastou et Gohou Michel dans la série « Ma famille »).

d) Difficultés rencontrées

Je n'ai pas rencontrée de difficultés particulières en ce qui concerne ma vie quotidienne. J'ai en effet très peu été malade et je ne me suis pas senti en insécurité pendant ces années passées à Abidjan. Au départ, c'était un peu difficile de comprendre les signes des chauffeurs taxi pour emprunter une voiture allant dans ta direction souhaitée. Les orientations et indications des bus de ville n'étaient aussi facilement compréhensibles pour moi, il a fallu l'aide d'un ami ivoirien pour que je comprenne mieux les écrits donnant les indications sur le trajet affecté à chaque moyen de transport. J'étais aussi parfois dérangé lorsque certains ivoiriens, après avoir compris que j'étais camerounais, m'indexaient au sujet des prises de positions de certains médias ou hommes politiques de mon pays sur l'actualité ivoirienne. Je comprenais que les reproches ne me concernaient pas spécialement, mais c'était une
façon pour eux d'adresser un message aux autorités de mon pays de ne plus s'occuper des affaires de ce pays. Certains expression comme : « occupez-vous de votre vieux Biya et laissez la Côte d'Ivoire ; les camerounais sont des spécialistes en tout mais ne sont pas capables de se lever contre la dictature dans leur propre pays ». Les évènements concernant les mutineries et les grognes des militaires m'ont effrayé au début de mon arrivée dans ce pays. J'ai été aussi impressionné par les mouvements de grèves estudiantines (FESCI) et du syndicat des enseignants qui bien qu'ayant paralysé pendant un moment la circulation et les activités, m'ont permis de mesurer l'impact de la contestation populaire en Côte d'Ivoire. Les réactions de joie d'un côté et de colère d'un autre en particulier dans les communes de Youpougon et d'Abobo, suite à la libération de l'Ex- première dame Simone Gbagbo et l'acquittement à la CPI de l'ancien président Laurent Gbagbo ont donné une image réelle sur les divisions et les tensions qui existent encore entre les ivoiriens. Ce qui ne fut pas sans éclat de voix ; d'où un risque élevé d'enlisement.

Merci pour ce partage d'expériences avec autant de détails c'était très intéressant à lire.

je t'en prie VALERIANE

Dans le fond c'est une assez belle synthèse de ce que pourrait  être la CI  dans sa généralité. Merci pour ce beau  portrait  .
Les quelques traits que vous soulignez  sont justes  mais quelle motivation vous a poussée  pour nous exposer vos observations  ?