Un « 60-Zéro » historique
La défaite est particulièrement marquante pour l'Alliance Lepep du Premier ministre sortant Pravind Jugnauth, qui n'a récolté que 27,8 % des suffrages. Dans la symbolique circonscription de Pamplemousses/Triolet, fief de Ramgoolam et considéré comme un baromètre électoral, la victoire de l'Alliance du Changement résonne comme une approbation massive. Victoire écrasante qui rappelle celle de 2000, lorsque l'alliance MMM-MSM avait également réalisé un « 60-zéro ».
Cette victoire « 60-zéro » de l'Alliance du Changement laisse théoriquement le Parlement sans opposition ! Une situation suffisamment rare, dans laquelle la totalité du pouvoir législatif est confiée à un seul bloc politique. Pour apporter un tant soit peu d'équilibre, la Commission électorale a également désigné quatre « best losers », issus de la population électorale, ce qui porte ainsi à 64 le nombre de députés. Ce mécanisme a vu le jour pour corriger la sous-représentation de certains groupes et garantir une opposition minimale au sein de l'Assemblée, malgré la déroute des autres alliances aux suffrages directs.
Changements politiques et institutionnels
Dans les couloirs du pouvoir, le séisme politique a provoqué une onde de choc institutionnelle. La démission en cascade de hauts responsables, dont celle du Commissaire de police Anil Kumar Dip, illustre l'ampleur des bouleversements en cours.
Les chiffres clés
- Participation : 79,3 % ;
- Alliance du Changement : 62,5 % ;
- Alliance Lepep : 27,8 % ;
- Linion Reform : 5,1 % ;
- Muvman Bruneau Laurette : 1,4 %.
Les priorités du nouveau gouvernement
Parmi les 25 grandes priorités du nouveau gouvernement, présentées dans le manifeste de l'Alliance du Changement, on retrouve :
- Lutte prioritaire contre l'inflation : création d'un fonds de 10 milliards de roupies pour stabiliser les prix des biens de première nécessité et alléger la charge des familles.
- Introduction d'un nouveau modèle économique centré sur un master plan pour l'économie verte, les nouvelles technologies, et l'économie de l'océan.
- Engagement à augmenter graduellement les pensions de vieillesse, d'invalidité et autres allocations sociales pour atteindre un minimum de Rs 21 500
- Réduction des prix de l'essence et du diesel, réorganisation du CEB pour diminuer les tarifs d'électricité ; accès gratuit à Internet pour chaque famille.
- Gratuité des transports publics pour tous, y compris les vans scolaires ; refonte et modernisation de l'industrie des bus pour un service plus efficace, fiable et sécurisé.
- Réduction du coût des médicaments et bons pour l'achat de médicaments non disponibles dans les centres de santé publique.
- Suppression de l'impôt sur le revenu pour les revenus inférieurs à 1 million de roupies par an, sur les pensions de base de retraite et d'invalidité, et exonération fiscale pour les 18-28 ans.
- Paiement unique des droits d'enregistrement à l'achat d'un véhicule neuf.
- Réforme électorale majeure avec un minimum d'un tiers de femmes sur les listes des candidats aux élections générales, législation transparente sur le financement des partis, loi anti-transfuges et introduction de la Freedom of Information Act.
- Mise en œuvre de solutions innovantes pour atteindre les objectifs de « zéro déchet » et « zéro enfouissement », en réduisant l'enfouissement des déchets domestiques et en valorisant les déchets par le compostage, le recyclage, la valorisation énergétique, ainsi que le traitement sécurisé des déchets médicaux pour éliminer tout risque biologique.
Ces mesures visent à répondre à plusieurs enjeux économiques, sociaux et environnementaux, tout en restructurant certaines institutions clés du pays.
Perspective internationale
Cette transition politique à Maurice est suivie avec attention par les partenaires régionaux et internationaux. La Banque mondiale et le FMI observent particulièrement la mise en place du Fonds de stabilisation de 10 milliards de roupies, une mesure qui pourrait influencer les politiques anti-inflation dans d'autres économies insulaires.
La Chine, qui a massivement investi dans les infrastructures mauriciennes ces dernières années, suit également de près ce changement de cap politique. L'île Maurice, considérée comme un modèle de stabilité dans l'océan Indien, entame un nouveau chapitre de son histoire politique.
Les défis de la transition
Les 100 premiers jours du gouvernement Ramgoolam seront décisifs, avec des attentes particulièrement élevées sur :
- La mise en œuvre rapide des mesures économiques ;
- La réorganisation des institutions publiques ;
- Le lancement des réformes structurelles promises.
Le « mandat historique » du 60-0 confère au nouveau gouvernement une légitimité forte, mais aussi une responsabilité exceptionnelle. L'île Maurice entame ainsi une nouvelle page de son histoire politique, dont les premiers chapitres s'écriront dans les semaines à venir.