Alors que de nouvelles pluies torrentielles ont frappé une Espagne déjà meurtrie par le lourd bilan de la tempête méditerranéenne, personne n'ose chiffrer le coût de la reconstruction. Le gouvernement a promis des aides aux particuliers et aux entreprises sinistrés, mais peine à rassurer. Le Premier ministre Pedro Sánchez multiplie pourtant les annonces, et rappelle la force de l'Espagne.
Bien qu'actuellement fragilisée, l'Espagne reste l'un des champions européens de la croissance en 2024. S'il affirme que le temps du « débat politique » autour de la gestion des inondations meurtrières viendra, il insiste : sa priorité est de « […] relancer l'activité économique et sociale. » Une relance qui passera nécessairement, pour le Premier ministre, par une politique d'immigration ouverte.
Une croissance économique stimulée par l'immigration
Avec Malte (4,2%), la Pologne (4 % de croissance), Chypre (3,7%), la Croatie (3%), le Danemark (2,5%), la Grèce (2,3%), la Slovaquie et la Bulgarie (2,1%), l'Espagne s'érige en maillon fort de l'Union européenne (UE). D'après les projections de l'OCDE, le pays enregistrera une croissance de 2,8 % à la fin de l'année. Selon l'Institut national de la statistique (INE), l'Espagne est la 4e économie de la zone euro. Seule ombre au tableau : le chômage. Bien qu'en légère baisse, le taux de chômage en Espagne reste le plus élevé de l'UE (11,2%), loin devant la Pologne et la République tchèque, qui enregistrent les taux les plus faibles (respectivement 2,9 et 2,6 %, selon Eurostat).
Le taux de chômage espagnol enregistre néanmoins une baisse plus importante sur l'année, signe du dynamisme économique du pays. On compte -140 000 chômeurs sur les 12 derniers mois. Autre signe de la forte croissance économique : le nombre de travailleurs, estimé à 21 823 000 par l'INE à la fin du 3e trimestre 2024. C'est 138 300 actifs de plus qu'au trimestre précédent.
Pour le Premier ministre Pedro Sánchez, ces bons indicateurs sont le signe d'une exceptionnelle croissance économique. Croissance stimulée par l'immigration. Contrairement à ses voisins européens et aux autres grandes puissances mondiales, l'exécutif espagnol mise sur la main-d'oeuvre étrangère pour soutenir sa croissance. Fin octobre, Pedro Sánchez prononce devant le Parlement un discours ouvertement favorable à l'immigration. Le Premier ministre la présente comme essentielle pour relever le défi démographique et le défi de la croissance. Il présente un « plan d'intégration et de coexistence culturelle » pour attirer les étrangers, et pas seulement les hauts diplômés.
Politique mise en place pour attirer les travailleurs étrangers
A contre-courant des discours de ses homologues européens, Pedro Sánchez affirme que l'immigration est une chance. Il réitère ses propos le 23 octobre, au cours d'une conférence de presse à Faro (Portugal), à l'occasion d'un sommet bilatéral avec le Portugal. Selon Sánchez, il y a actuellement 150 000 emplois vacants en Espagne. Le recours à la main-d'œuvre étrangère est pour lui indispensable. Pour mettre à bien son projet, le Premier ministre a lancé une réforme de l'immigration. Actuellement en phase de finalisation, la réforme entend encourager l'immigration des étrangers non européens (les Européens peuvent travailler et séjourner librement en Espagne).
Mesures pour faciliter l'entrée des étrangers sur le marché du travail
Tout d'abord, le gouvernement veut s'attaquer aux délais : la réforme, si elle est adoptée, réduira les délais d'obtention des permis de travail et des titres de séjour. Les étudiants, les travailleurs, les familles et les demandeurs d'asile ayant vu leur demande de régularisation refusée seraient les premiers bénéficiaires de ces correctifs.
Assouplissements pour les étudiants étrangers non européens
La loi prévoit une simplification des démarches pour les étudiants étrangers. Ils pourront changer plus aisément de statut, notamment s'ils décrochent un emploi. La conversion de leur permis d'étude en permis de travail sera facilitée.
Regroupement familial
Alors que les grands pays d'expatriation tendent à réduire les possibilités de regroupement familial, l'Espagne veut rendre ce droit plus ouvert. La réforme compte réactiver la loi sur le droit de toutes les familles, y compris celui des familles d'immigrants. Elles auraient un accès équitable aux services publics, comme la santé ou l'éducation.
Mesures pour les travailleurs étrangers en situation irrégulière
L'exécutif veut également faciliter la régularisation des travailleurs sans papiers. En cas d'adoption de la loi, les personnes éligibles pourront demander un permis de séjour ou de travail après 2 ans de séjour irrégulier, contre 3 ans actuellement.
Naturalisation des familles
Pour favoriser le regroupement familial, une loi permet aux enfants et petits-enfants de parents espagnols nés hors du territoire espagnol de demander leur nationalité. Le 11 novembre, le gouvernement a annoncé la publication d'un décret qui allonge la période de dépôt de cette demande jusqu'en octobre 2025. Un bonus temps bien accueilli par les familles, qui pourront finaliser leur dossier et être plus nombreuses à demander leur naturalisation.
Accords sur l'immigration conclus avec plusieurs États africains
Début septembre, le Premier ministre espagnol entreprend une tournée en Afrique de l'Ouest pour conclure de nouveaux accords sur l'immigration légale. Des « accords de migration » ont déjà été conclus avec le Sénégal, le Maroc et la Mauritanie. Sánchez étend ces partenariats stratégiques à la Gambie. Le plan de Sánchez vise à promouvoir « la migration circulaire » : le dispositif permet aux expatriés de venir travailler temporairement en Espagne dans des secteurs sous tension, comme l'agriculture. Le système promeut aussi l'embauche de ces étrangers dans leur pays d'origine. Objectifs : décourager l'immigration illégale vers les Canaries, principal point de passage des expatriés en provenance de la Mauritanie, de la Gambie et du Sénégal. Les sceptiques rappellent cependant que ces emplois temporaires sont souvent une porte vers l'exploitation des expatriés. De son côté, le gouvernement espagnol veut compléter son plan par un renforcement des partenariats commerciaux et éducatifs avec ses partenaires africains.
Quelles implications pour les projets d'expatriation ?
Pour l'extrême droite et la droite traditionnelle, la réforme gouvernementale favorisera l'immigration de masse, et surtout l'immigration illégale. Mais pour Sánchez, elle s'inscrit plutôt dans un « plan national d'intégration et de coexistence interculturelle ». Le Premier ministre rappelle l'histoire de l'Espagne, qui « il n'y a pas si longtemps, était aussi un pays de migrants ». Sánchez reconnaît les bienfaits de l'immigration et des échanges culturels. Un discours positif et empathique à l'opposé du discours sécuritaire dominant en Europe et dans le monde. Mais pas question pour Sánchez de favoriser l'immigration illégale. S'il est pour l'octroi de permis aux travailleurs étrangers sans papiers éligibles, il soutient la lutte contre l'immigration illégale.
Pour les candidats à l'expatriation, les annonces du gouvernement espagnol présentent une opportunité nouvelle. Confrontée à la l'émigration de sa main-d'oeuvre locale et au vieillissement de sa population, l'Espagne manque de bras. Plusieurs secteurs sont touchés, notamment la santé, la construction, l'ingénierie, la technologie, la logistique et les transports. La finance, l'immobilier, l'énergie (notamment les énergies renouvelables) et le secteur des biens et services de consommation comptent également recruter en 2025.
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