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C'est parti pour une semaine riche en couleurs et en ferveur à l’île Maurice. La communauté hindoue, ainsi que d'autres composantes de la société mauricienne, débutent leur pèlerinage vers le lac sacré du Grand Bassin en marge de la célébration du Maha Shivaratri le jeudi 11 mars.
A partir du début de la semaine prochaine, impossible de passer à côté de l'un des principaux aspects culturels du pays ! Des milliers de Mauriciens de foi hindou et autres convergeront de différentes parties de l'île vers le sac sacré du Grand Bassin. Par différents moyens, en voiture, en bus, ou encore à pied, vêtus d'habits blancs pour la plupart, les fidèles s'y rendent chaque année pour recueillir de l'eau sacrée qu'il déverseront sur le Shiva-Lingam, une pierre sacrée représentative du Dieu Shiva, lors de la Grande nuit de Shiva que nous expliquons plus bas.
Les aspects culturel et folklorique de la fête
Maha Shivaratree, à l'île Maurice, est bien plus qu'une fête religieuse. Au fil des années, elle a eu la capacité de réunir des pèlerins de toutes origines confondues. En effet, il n'est pas rare de croiser aux côtés des fidèles des touristes et expatriés armés de leurs appareils photos, curieux, pour la plupart, mais aussi certains désireux d'en savoir plus sur la culture mauricienne et l'aspect religieux du pays. Mais qu'y a-t-il de si particulier au sujet de cette fête célébrée également à l'île Rodrigues avec autant de ferveur ?
Selon la légende, le Grand Bassin serait connectée au fleuve du Gange en Inde. C'est d'ailleurs en 1898 que les premiers pèlerins commencèrent à se rendre au Grand-Bassin, autrefois appelé « Pari Talao » ou Lac des fées, pour recueillir de l'eau sacrée. En 1972, toutefois, de l'eau provenant du Gange a effectivement été déversée dans le lac, ce qui a permis de renforcer le lien entre ces deux cours d'eau sacrés. Aujourd'hui, le Grand Bassin est bien plus qu'un simple lac entouré de verdure. Des temples de différentes dimensions et couleurs ont été érigés autour du lac et sur ses flancs pour abriter les statuettes de plusieurs divinités, permettant aux fidèles de se réunir pour prier à leur aise.
Maurice à l'heure du pèlerinage
Mais Maha Shivaratree ne se résume pas à cela. Le pèlerinage autour de cette fête est d'autant plus intéressant. Les hindous observent généralement 40 jours de jeûne avant la Grande nuit de Shiva, c'est-à-dire, ils ne consomment que des aliments végétariens. Pendant cette période, ils sont nombreux à confectionner des « kanwar ». Il s'agit de structures de bois ou de bambous, de différentes dimensions et ornées de guirlandes multicolores et de représentations de leurs divinités préférées. Tantôt en forme d'éléphant symbolisant le dieu Ganesh, tantôt en forme de Shiva ou en forme de serpent, il y en a pour tous les goûts, alors profitez-en pour en faire de belles photos !
Quelques jours avant la Grande nuit de Shiva, tous vêtus d'habits blancs, ils quittent leur domicile pour se diriger vers le lac sacré en parcourant des milliers de kilomètres à pied. Ne soyez donc pas surpris de voir des pèlerins au départ du nord, de l'est, de l'ouest ou du sud de l'île, portant leurs « kanwar » sur leurs épaules au son au chants et de musiques religieux. Mais attention ! Il faudra faire preuve de patience sur les routes car le pèlerinage peut entraîner des embouteillages à certains endroits stratégiques, principalement le long de la route de Saint Jean, en passant par Quatre-Bornes, et ce jusqu'à Vacoas et la Marie, mais aussi dans la capitale et autres régions du pays.
Une autre particularité de cette fête est le côté bénévole des Mauriciens. En effet, ils sont nombreux à se regrouper aux abord des rues principales menant vers le Grand Bassin et à offrir des aliments, comme des « rotis » et des « ti puri » fourrés de currys végétariens, du briani, des fruits, ainsi que de l'eau et des boissons rafraîchissantes aux pèlerins. Certains vont même jusqu'à ériger de petites marquises voire des tentes où les pèlerins peuvent se reposer pendant quelques instants avant de reprendre la route.
La Grande nuit de Shiva
La Grande nuit de Shiva sera observée dans la nuit du 11 mars, soit le 4e jour de la nouvelle lune, à partir de 18h avec la première séance de prières. Cette nuit est d'ailleurs marquée par 4 séances de prières au total, connues comme le « char pahar ki puja ». La dernière séance se terminant aux petites heures du matin. Selon la croyance, le dieu Shiva aurait sauvé le monde de la destruction cette nuit-là. La gorge mauve que vous avez peut-être vu sur les représentations de cette divinité provient de cette croyance. Shiva aurait ingurgité un poison ayant surgi des profondeurs de l'océan alors que le Saints (Devas) et les Démons (Asuras) étaient en quête du nectar de l'immortalité.
Emilie, Francaise, nous parle de son expérience du pèlerinage
« Je suis partie deux fois faire le pèlerinage à l'occasion de Maha Shivaratri. La première fois c'était en 2019 lorsque j'étais en stage à Maurice. J'étais arrivée il y a peu sur l'île et j'avais visité Grand Bassin une dizaine de jours avant la fête, lorsque tout était encore relativement calme.
Mes collègues m'avaient parlé du pèlerinage mais m'avaient déconseillé d'y partir pendant le week-end en raison du monde. Je n'avais pas vraiment prévu d'y aller et c'est un peu par hasard que j'ai décidé d'y partir un samedi. Je venais de rencontrer d'autres expatriés sur place, en stage ou en Volontariat International et ils m'ont proposé de venir avec eux le soir même. J'étais plutôt intriguée par cet événement donc j'ai décidé de les suivre. J'ai donc préparé un sac à dos et je suis partie en direction de Vacoas, où nous avons débuté la marche en début de soirée, pour éviter la chaleur.
J'ai tout de suite été frappée par le monde et le nombre de personnes qui marchaient, ça m'a tout de suite plu. L'atmosphère était vraiment particulière. J'étais étonnée par ces stands distribuant de la nourriture gratuitement aux pèlerins. J'ai presque failli leur demander combien coûtait ce qu'ils proposaient. J'avais amené quelques snacks avec moi qui se sont avérés totalement inutiles tant les stands étaient nombreux.
Dans cette foule vêtue de blanc, marchant dans la nuit qui était en train de tomber, à côté de ces chars illuminés, je me suis sentie porter par une énergie folle, l'énergie du groupe. Je ne suis pas une grande sportive mais l'effort ne m'a pas coûté, grâce aux sourires chaleureux et aux encouragements des volontaires et aux personnes qui marchaient avec moi et avec qui j'ai pu faire connaissance.
Quand on est arrivé à Grand Bassin, j'ai été comme hypnotisée par ce que je voyais, tant les couleurs, les musiques que je percevais m'étaient inédites. Après avoir mangé un biryani végétarien pour la première fois, je me suis baladée parmi la foule, les chars, les musiciens et autres stands présents. Puis je suis descendue au bord du Ganga Talao, le lac sacré où se pressaient de nombreux fidèles en train de prier, de faire des offrandes et de remplir des bouteilles d'eau pour les ramener chez eux.
Après avoir passé quelque temps sur place, nous avons opté pour le bus pour rentrer jusqu'à Vacoas. Après une attente d'une heure en raison du monde, nous avons réussi à nous frayer un chemin dans le bus. La route étant bloquée par les voitures et les pèlerins, nous avons mis plus de temps pour arriver jusqu'à la voiture qu'à l'aller en marchant.
Je garde un excellent souvenir de cette expérience et c'est pour cette raison que j'ai décidé d'y retourner l'année passée. Peut-être que ce pèlerinage deviendra une tradition pour moi. La légende raconte même que j'y ai rencontré mon compagnon actuel… »