J'essaye de me convaincre que partout dans le monde, on est confronté aux mêmes problèmes. Il serait donc loisible d’habiter là où l’on me donne une table de travail, mais en ancrant ma réflexion davantage dans le réel. Il me fallait aborder plus frontalement mes angoisses et celles des autres.
J’ai la chance d’être heureux dans mes activités de recherche et d’enseignement, malgré l’austérité de la vie bruxelloise par le manque d’accueil de certains belges dans leur majorité. On doit savoir où l’on est et être heureux d’avoir une place, même si elle est petite. Je dis quelque chose, j’espère, de beaucoup plus modeste et de plus simple : que ma patrie, c’est là où je peux travailler. Quel que soit le pays si on me donne une table de travail.
Je suis persuadé qu’être accueilli de façon satisfaisante, permet d’accumuler du temps. On gagne quelques heures d’avance. La maîtrise de soi s’accentue, la pensée vise mieux ses cibles, on parle sa propre langue. Adieu, brume, brouillard, pluie, nuage venteux, mauvais rêves, voix hostiles. On sait ce qu’on veut, on le peut, les équations sont resplendissantes de jeunesse et de beauté harmonieuse, les théories vous saluent, les démonstrations sont bien construites, on s’exprime en métaphore, on raisonne. Surtout on compose mieux, allegro, adagio, presto. Alors, j’invite les belges d’ouvrir leurs bras, de rompre avec une certaine frilosité… La nature n'a créé les hommes que pour qu'ils s'amusent de tout sur la Terre, c'est sa plus chère loi, ce sera toujours celle de mon cœur.
La vie suit son cours à Bruxelles, résume, évoque, entraîne le temps. Les équations mathématiques, après tout, peuvent être chauffées, palpées, ponctuées, trouées, caressées, touchées par la grâce de l’imagination et de l’intuition. Keep clear ! Il y aura toujours, ici ou là, un sujet et une idée, et aussi une table, quelques feuilles de papier et un stylo pour écrire. Rien d’autre n’est-ce pas ?
Pour finir, je vous propose cette modeste pensée : « La tristesse et la joie, le courage et la lâcheté, l’alternative terrestre, le rire et la mélancolie sont les deux faces d’un même dénuement, l’envers et l’endroit du désarroi. Mais la tristesse est une mauvaise question que l’homme adresse au monde – la question d’un sourd à un muet –, alors que la joie est une belle réponse qui remplace la morale par les bonnes manières, et les larmes par un sourire de silence. Sans espoir, nulle déception : si le mal a triomphé de l’amour, rien n’empêche l’inimitié, mais si l’amour est à réinventé, tout espoir est permis. Le goût déçu des relations humaines ne survit pas à l’art d’obtenir du réel plus qu’il n’offre. Face à la légèreté, la pesanteur ne fait pas le poids. Restons optimistes, l’avenir dépend de ce que j’en ferais… »
Cordialement