Comme je suis un peu fatiguée de lire ici tous les reproches que certains adressent aux malgaches en général et à leurs salariés en particuliers, du style : fainéants, lents, peu professionnels, je-m'en-foutistes, indolents... j'ai eu envie de dresser un peu leur quotidien qui est bien loin du "mora mora" qu'on leur attribue...
En effet, pour peu qu'on s'y intéresse, ce que je lis en permanence dans les yeux qui m'entourent, ce n'est pas la quiétude d'une douceur tropicale, mais un stress permanent, des inquiétudes sourdes, une certaine gravité... une sorte "d'agitation" intérieure...
Je lies tout cela à leur quotidien extrêmement dur... car même pour ceux qui sont nantis d'un travail, la vie se résume à une course poursuite éperdue contre le temps et la précarité...
Donc voilà un salarié moyen... qui espérons le, gagne au moins les 125 000 ariary du salaire minimum...
Il travaille 6 jours sur 7, pas toujours à coté de chez lui... donc au mieux ce sera, s'il le peut, le bus bondé pour aller au travail (500 ariary le trajet) où il devra se présenter propre et assez en forme pour 12h de travail...
Il a une petite maison avec la jirama (quand elle marche) qui lui permet de ne pas suivre le lever et coucher de soleil... il n'a pas forcément l'eau courante et partage avec ses voisins douche et toilettes...
S'il a pu dormir (les quartiers sont rarement calmes) il va commencer sa journée par aller chercher l'eau communale (s'il n'y a pas de coupure), se faire un petit repas au fataper - un repas de riz très simple car il n'a pas de frigidaire et ne peut donc rien conserver- attendre son tour de douche et de toilettes...
A midi, s'il n'a pas emporté de quoi manger, aura t'il les moyens de prendre un repas (2000 ariary environ)... au pire il ne mangera pas...
A la fin de sa journée de travail, re course poursuite... acheter un petit morceau de viande ou de poisson, un peu de légumes s'il le peut, une portion de charbon... retour à la maison... préparation du repas au fataper... gestion de la maison (ménage, linge...)...
Nous qui n'avons qu'à tourner un robinet pour avoir de l'eau courante, avons un frigo pour conserver nos denrées, une cuisinière à gaz pour préparer nos repas, des employés de maison pour entretenir notre environnement... et une salle de bain personnelle... imaginons mal le temps que prend tout acte de la vie quotidienne quand on a pas accès à ces facilités... le stress que cela génère...
Et encore, je n'ai pas ajouté à ce salarié au quotidien difficile, une famille, avec l'écolage des enfants, la maladie... voire le décès d'un proche qui va le forcer à s'endetter... la découverte le soir en rentrant du vol de ses affaires, la fuite du toit à la saison des pluies, le linge qui ne sèche pas.... les vacances qu'il ne prendra pas, préférant se les faire payer... l'angoisse de perdre son travail... et le peu de perspective pour sa vieillesse...
Moi je suis plutôt admirative de ce peuple... je le trouve extrêmement courageux, besogneux, aimable... au regard de ce qu'est leur vie de tous les jours... et j'avais envie, par ce message, de lui rendre hommage...
J'éprouve de la satisfaction à les payer plus qu'il ne faudrait, à prendre en charge l'écolage des enfants par exemple afin que l'école ne soit pas la variable d'ajustement... je peux me le permettre, j'ai peu de salariés...
Dans les regards qui m'entourent je lis un peu d'apaisement... et cela me va...