Fausse couche en expatriation : ces pays accordent un congé pour les deux parents 

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Publié le 2024-06-19 à 10:00 par Asaël Häzaq
De nombreuses voix dans le monde pressent les gouvernements de mieux prendre en compte la souffrance des parents confrontés à une fausse couche. Des médecins appellent d'ailleurs à parler « d'interruption involontaire de grossesses », un terme qu'ils jugent plus approprié que celui de « fausse couche ». La Belgique crée l'évènement avec sa récente réforme. Mais les États sont encore loin de s'aligner sur cette position. Que faut-il savoir quand on vit à l'étranger et qu'on se retrouve dans une telle situation ?

La Belgique instaure le congé de fausse couche pour les deux parents : une première en Europe

Vendredi 3 mai, le conseil des ministres belges instaure le « congé de circonstance ». Il entra en vigueur le 1er juillet. Cette mesure permettra aux couples de bénéficier de 2 jours de congés pour fausse couche. Pour bénéficier du congé, l'interruption involontaire de grossesse doit intervenir avant 24 semaines. La grossesse doit également avoir été préalablement signalée à l'employeur.

Le congé de circonstance instauré par la Belgique est une première en Europe. Depuis l'annonce, la presse européenne et internationale relaye les propositions des pays dans lesquels la mesure n'existe pas encore. Et ils sont largement majoritaires. Les droits de la femme peuvent être reconnus (ils ne le sont pas toujours), mais pas ceux du père.

D'autres voix rappellent que le congé belge reste limité aux fonctionnaires fédéraux. La ministre de la Fonction publique Petra De Sutter reconnaît la portée relative de la loi, qu'elle juge avant tout « symbolique ». La très courte durée (2 jours) est elle aussi symbolique. Elle se félicite néanmoins que l'annonce de l'exécutif belge ait relancé le débat à l'international. Elle espère étendre sa mesure au secteur privé. Accueil froid de la Fédération des entreprises de Belgique, défavorable à toute extension du congé.

Congé pour fausse couche : quels autres pays ont fait le pas ?

L'Inde est un pionnier. La loi de 1961 instaurant les prestations en cas de maternité (Maternity Benefit Act 1961) prévoit un congé payé de 6 semaines en cas de fausse couche. Le congé se déclenche le jour même de la fausse couche, sous réserve que la bénéficiaire présente la preuve de son interruption involontaire de grossesse. Les femmes qui contractent une maladie en conséquence de cette fausse couche bénéficient d'un congé payé d'un mois maximum. Là encore, elles devront au préalable présenter des preuves médicales « pertinentes ».

Contrairement à la Belgique et à d'autres pays proposant le congé payé pour fausse couche, la loi indienne n'impose pas de temps limite après lequel ledit congé ne serait plus envisageable. En revanche, le congé n'est pas ouvert aux hommes. D'autres États accordent un congé payé pour fausse couche. À Maurice, les femmes bénéficient de 3 semaines de congés payés en cas de fausse couche. La durée varie entre 2 et 4 semaines au Honduras et en Colombie. Elle s'étend à un mois et demi en Afrique du Sud, en Indonésie et au Costa Rica. Les Philippines accordent un mois de congé payé. Au Panama et au Nicaragua, la durée du congé est déterminée par les médecins.

À Taiwan, la durée du congé est fonction de la période durant laquelle survient l'interruption involontaire de grossesse : 4 semaines de congés si la fausse couche survient après 3 mois de grossesse, 1 semaine en cas de fausse couche durant le 2e ou le 3e mois de grossesse, et 5 jours en cas de fausse couche survenant moins d'un mois après la grossesse. Au Canada, la prise en charge du congé de fausse couche dépend de chaque province.

Ces pays qui étendent le congé pour fausse couche au partenaire

En ouvrant le congé pour fausse couche au partenaire, la Belgique s'est alignée sur la Nouvelle-Zélande. En 2021, la Nouvelle-Zélande adopte une mesure délivrant 3 jours de congés payés en cas de fausse couche. Les congés sont disponibles pour la femme enceinte et son ou sa partenaire. Ils s'étendent à l'adoption ou la gestation pour autrui. La même année, l'Australie institue un congé payé de 5 jours pour fausse couche. Ce congé est étendu au partenaire.

Le Royaume-Uni accorde 56 jours de congé au partenaire, avec une indemnité de « paternité légale ». Ce congé est limité à l'accouchement d'un enfant mort-né après la 24e semaine de grossesse. À noter que, dans ce cas, la femme bénéficie de 56 semaines de congés maternité. Le congé pour fausse couche varie selon plusieurs critères. Une fausse couche survenant avant la 24e semaine de grossesse donne lieu à un congé payé pour « maladie liée à la grossesse ». Ce congé ne vient pas se soustraire aux autres congés pour maladie.

Le Danemark accorde 14 semaines de congé aux femmes et 2 semaines de congé au partenaire. Ce congé est cependant réservé aux cas d'accouchements d'un enfant mort-né 21 semaines après le début de la grossesse.

Congé pour fausse couche : entre le principe et la pratique

Si la loi indienne se veut progressiste, sa mise en pratique est loin d'être généralisée. De nombreuses entreprises réinterprètent la loi et en diminuent la portée. Le congé payé de 6 mois et écourté à 1 semaine, quand il n'est pas tout simplement supprimé. Cadre législatif oblige, aucune entreprise ne se lève officiellement contre la loi, mais de nombreuses salariées attestent que tout semble fait pour ne pas les inciter à prendre leur congé. Pressions internes, menaces de rétrogradation… Nombre de femmes renoncent à leur droit par crainte d'être mal vues par leur hiérarchie. Une situation difficile pour les cadres, et encore plus contraignante pour celles travaillant dans des secteurs précaires. Pour ces femmes, les congés de fausses couches sont tout simplement ignorés. En cas d'absence pour fausse couche, les travailleuses sont privées de salaire.

D'autres pays sont confrontés à des problèmes équivalents. Au Royaume-Uni, certaines entreprises montent au créneau pour défendre publiquement le droit au congé en cas de fausse couche. Contrairement à la mortinatalité, la fausse couche est loin d'être toujours reconnue. Les congés en cas de mortinatalité restent davantage reconnus. C'est le cas aux États-Unis, en Belgique, en Suisse ou en Allemagne. La France avance à petits pas. En janvier 2024, elle lance un arrêt maladie sans jour de carence aux femmes enceintes faisant face à une interruption involontaire de grossesse. Mais la mesure ne concerne pas les partenaires.

Pour une protection de la maternité au sens large

Les associations et médecins militant pour le droit au congé pour fausse couche revendiquent un élargissement de la conception de la maternité. Il est pour eux indispensable d'inclure les femmes faisant une fausse couche dans les dispositifs de protection de la maternité. La fausse couche souffre encore d'un manque de considération. Le sujet reste tabou, alors qu'on estime que chaque année, environ 23 millions de femmes sont confrontées à une fausse couche. Pour elles, il s'agit d'un véritable deuil, qui devrait être pris en charge comme tel.

Les médecins s'alignent sur cette vision et plaident pour une prise en charge étendue au conjoint. Le développement de congés pour les deux parents est une manière de reconnaître leur souffrance et de faciliter leur rétablissement. Car le traumatisme de la fausse couche peut entraîner des pathologies graves (dépressions, troubles anxiogènes, etc.). Reste à évaluer les implications financières. À l'heure des coupes budgétaires, la question fait reculer bien des gouvernements. Mais les militants comptent bien profiter de l'annonce belge pour relancer le débat.