Expatriation et discrimination : faut-il quitter le pays ?

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Publié le 2024-06-26 à 10:00 par Asaël Häzaq
Quand la grande aventure expatriation prend un mauvais virage, c'est tout le projet de vie à l'étranger qui menace de s'écrouler. Les discriminations subies peuvent entacher le pays entier, et rendre le quotidien difficilement supportable. Que faire de ses ambitions professionnelles et de sa soif de découverte ? Les discriminations subies entachent-elles le pays tout entier ? Faut-il rester ou partir ?

Vivre la discrimination en expatriation

En 2016, une Française expatriée à Tokyo raconte sa « première mauvaise expérience en tant qu'étrangère ». Elle est debout dans le métro. Les portes s'ouvrent. Un Japonais veut entrer, mais s'arrête. « Il m'a fixé avec une insistance dérangeante. Il était comme dégoûté ». L'homme quitte précipitamment sa rame pour monter plus loin. Elle en est sûre : il n'a pas voulu entrer à cause d'elle.

Choquée, elle reconnaît n'avoir jamais subi de discrimination en France. « Je suis Blanche, je n'ai jamais eu de problème. Je comprends maintenant ce que peuvent ressentir les autres. On dit ça pour les immigrés. Mais je ne l'ai jamais utilisé pour moi alors que j'étais immigrée au Japon. J'ai compris la leçon. » Marquée par cette expérience « et quelques autres au cours de mon immigration au Japon », la Française n'a cependant pas remis en cause son voyage. Elle dit avoir « pesé le pour et le contre », et jugé que les quelques faits de discrimination ne la poussaient pas vers la sortie, au contraire. « Je suis venue au Japon pour travailler et apprendre la langue. Je suis restée jusqu'au bout de mon objectif. »

Désormais de retour en France après quelques voyages, plus courts, en Nouvelle-Zélande et dans des pays européens, elle garde un bon souvenir de sa vie au Japon. « C'était mon premier grand voyage à l'étranger. » Elle a subi d'autres « petites expériences pénibles » au cours de ses expériences à l'étranger, mais là encore, rien qui ne la dégoûte des voyages. « D'autres vivent ça bien plus que moi, et tous les jours. Peut-être même que je fais tout un cirque pour un regard de travers, quand les autres subissent des trucs vraiment horribles et ne peuvent rien dire. »

Expatriation : se rendre compte qu'on subit une discrimination

Effectivement, d'autres expatriés vivent des situations bien plus difficiles à gérer au quotidien. Car les discriminations peuvent surgir partout et à tout moment : dans la rue, dans les transports, dans le milieu professionnel. La difficulté, pour les étrangers, est tout d'abord de savoir bien les identifier. On ne se rend pas toujours compte qu'on est victime d'une discrimination.

Au travail, par exemple : pour se faire bien voir de l'employeur, on est tenté d'accepter l'impossible ou de fermer les yeux sur de « petites vexations ». Elles ne sont d'ailleurs peut-être pas liées à la qualité d'étranger, mais pourraient toucher l'aspect technique du travail. Si les moyens de défense peuvent différer (selon la législation de l'État contre les discriminations, contre les abus au travail, etc.), les dégâts psychologiques sont importants. Le cas des discriminations est jugé plus pernicieux, car il touche à l'être : l'expatrié est discriminé à cause de ses origines, de son genre, de son handicap… Sa personne est niée, raillée, brisée.

On imagine bien les conséquences à long terme d'un tel cadre de vie. Il ne faut d'ailleurs pas penser que les discriminations subies à l'étranger doivent être « impressionnantes » ou nombreuses pour être qualifiées comme telles. Dès lors que le malaise survient, que le quotidien d'expatrié devient pesant, il faut s'interroger. Cette prise de recul, nécessaire, est néanmoins difficile, car l'expatrié reste confronté plus ou moins régulièrement à ces discriminations.

Prendre du recul malgré les difficultés de la vie à l'étranger

La prise de recul permettra de prendre la bonne décision, et de ne surtout pas réagir « à chaud ». Bien entendu, lorsque la gravité des faits l'exige, il faudra au contraire réagir le plus vite possible, pour sa sécurité (contacter les services de l'immigration, par exemple). On pense notamment aux situations mettant en péril la santé physique et/ou mentale de l'expatrié : abus, agressions, violences psychologiques…

Après avoir identifié les causes du malaise, il faut se demander quelle place prend ce sentiment d'inconfort dans le quotidien à l'étranger :

  • La vie est-elle devenue insupportable ?
  • Le sentiment de malaise disparait-il ou est-il permanent, même lorsqu'on n'est plus dans une situation inconfortable ?
  • Arrive-t-on encore à apprécier des « plaisirs simples » dans sa ville d'expatriation (promenades dans ses quartiers favoris, etc.)
  • A-t-on noué des amitiés/est-on en relation avec des connaissances ? Ces relations procurent-elles un apaisement ?
  • Se souvient-on des premiers temps de l'expatriation ? Ces premiers temps étaient-ils joyeux ou non ? Comment s'en rappelle-t-on aujourd'hui ? Les bons moments sont-ils devenus moins heureux ?
  • La confiance en soi est-elle atteinte ? Est-on devenu fataliste ?

Un inconfort qui s'installe a tendance à tout ternir, y compris les situations joyeuses. Lorsque chaque jour passé dans le pays étranger devient une souffrance, la question de partir ou de rester s'impose.

Rester ou partir : comment prendre la bonne décision ?

Avant de répondre à cette question, il faut partir des bonnes bases : qu'on décide de rester ou de partir, l'expatriation ne sera pas un échec. On reste parfois pour de mauvaises raisons. On veut prouver « aux autres » sa bravoure. On ne sera pas l'expatrié qui s'en va, mais celui qui encaisse. Cette décision a souvent de lourdes conséquences sur le plan psychologique et physique. Car on reste à contrecœur. De même, partir en imaginant être « celui qui a raté » n'est pas non plus la bonne option.

Prendre la bonne décision, c'est d'abord penser à soi. Quels étaient nos rêves ? Quels sont nos rêves aujourd'hui ? Pour les retrouver ou en créer de nouveau, il peut être sage de rentrer chez soi, de partir dans un autre pays, ou même de rester, mais loin de l'environnement toxique (en cas de discrimination au travail, par exemple). Quelle que soit la décision prise, elle s'accompagnera d'un accompagnement indispensable pour retrouver confiance en soi et aller de l'avant.