Faut-il s'expatrier pour mieux se retrouver ?

Vie pratique
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Écrit par Asaël Häzaq le 06 septembre, 2024
Tout quitter pour changer de vie, « tout plaquer » pour s'expatrier au bout du monde ou dans le pays d'à côté, monter son entreprise à l'étranger, faire carrière, réaliser un rêve… Derrière toutes ces raisons se cache une quête de soi. Et si l'expatriation était une manière de renouer avec soi ? 

Fuir ou partir ? 

« On arrête tout ici, et on recommence là-bas ». Voilà l'esprit d'une expatriation pour mieux se retrouver. Quand le quotidien devient pesant, quand les objectifs professionnels se perdent dans une routine qui ne correspond plus à rien, partir peut être une façon de « remettre les pendules à l'heure » et de se recentrer sur soi. L'expatriation est aussi un moyen concret de s'éloigner d'une situation douloureuse : conflit familial, rupture amoureuse… Là encore, la distance facilite la reconnexion avec soi.

Mais s'agit-il d'un nouveau départ ou d'une fuite ? Deux écoles s'opposent. La première assimile ce genre d'expatriation à une fuite en avant. Or, les problèmes ne s'effaceront pas avec le changement de pays. Cette théorie est celle qu'on entend le plus. Il ne faut pas fuir les problèmes, mais les affronter. Le mot « fuite » a toujours une connotation négative (on l'assimile à la faiblesse), sauf lorsqu'il s'agit de fuir le danger.

La seconde école estime au contraire que fuir n'est pas une marque de faiblesse. Les personnes qui se lancent dans un projet d'expatriation savent que les problèmes n'ont pas besoin de visa pour passer la frontière. Le changement de pays et d'environnement permet plutôt de mettre une distance physique propice à l'introspection. On fuit le milieu dans lequel on étouffait pour s'entendre mieux et mieux comprendre ce qui nous entoure. On part pour se préserver et prendre du recul.

L'expatriation pour faire la paix avec soi

On connaît le « voyage thérapie » : voyage qui sert à retrouver la confiance en soi et à se retrouver. Il s'agit de partir pour mieux se retrouver, de se rappeler de quoi on est capable, de prendre de l'assurance. L'expatriation suit cette même idée, avec néanmoins une grande différence : il ne s'agit pas d'un voyage de quelques jours ou de quelques semaines, mais bien d'une immigration d'une ou plusieurs années. 

Bien entendu, cette « expatriation thérapie » se construit. On ne sait pas à l'avance quels seront les effets du séjour à l'étranger. Mais on se donne une nouvelle chance pour faire la paix avec soi. Il existe encore de nombreuses idées reçues, en grande partie héritées de la culture, concernant la vie active. Une erreur de parcours est encore vue comme un échec insurmontable. Cette vision du « chemin tout tracé » n'autorise pas les sorties de routes. Pourtant, l'erreur de parcours ou la sortie de route sont aussi une occasion de prendre un nouveau départ. En partant, les voyageurs veulent justement faire la paix avec eux, pour rebondir.

Expatriation sans pression

Mais attention : il ne s'agit pas de se mettre la pression. Il n'y a pas de « recette d'immigration parfaite » ou de route toute tracée pour trouver le bonheur à l'étranger. C'est plus une histoire d'équilibre entre le cheminement intérieur et les actes qu'on pause à l'extérieur. 

Au sortir de la crise sanitaire, par exemple, nombre de nouveaux voyageurs se sont lancés dans un projet d'expatriation. Poussés par leur désir de fuir les confinements et leurs conséquences, ils se sont mis en quête d'un ailleurs qu'ils espéraient meilleur. Certains étaient animés par le désir d'entreprendre une expatriation au moins une fois dans leur vie. D'autres aspiraient à vivre leurs rêves d'enfants. L'immigration devenait un moyen de reprendre le contrôle sur la vie, mais sans pour autant faire une fixation sur les projets à accomplir à l'étranger. 

Les rêves auxquels on s'accroche ou les objectifs que l'on se fixe agissent plutôt comme des propulseurs. Ils mettent l'expat en mouvement, sans l'enfermer. Il n'y a pas d'obligation de réussite. Le simple fait de mettre en marche le projet d'immigration est une réussite. L'absence d'obligation de réussite n'empêche pas d'être ambitieux. Mais sans pression. S'il veut réaliser son projet, l'expat ne doit pas devenir son propre tyran ou reproduire ce qu'il essaie de fuir. 

Ce que l'expatriation n'est pas

L'expatriation n'est pas un remède miracle. En cas de grande souffrance, de grand mal-être qui nécessite une prise en charge médicale, c'est vers le médecin qu'il faut se tourner. Le projet de vie à l'étranger pourra éventuellement venir en fin de parcours de soins. Mais il ne faut pas surinvestir dans l'expatriation, au risque de se mettre une pression inutile et de reporter sur le pays étranger des aspirations non réalistes ni réalisables.

L'expatriation n'a pas à être un « grand projet extraordinaire », ni même « le projet d'une vie ». Il n'est pas nécessaire de partir au bout du monde. Le projet ne perd pas en intérêt si le voyage se fait dans le pays d'à côté. Il ne faut pas forcément « tout plaquer et aller au bout du monde » pour se retrouver.

L'expatriation ne conviendra pas à tout le monde. Certains se retrouveront davantage dans un voyage court. D'autres ne voyageront pas du tout, mais mettront en place des changements tout en restant dans leur environnement.

L'expatriation n'est pas « un projet fou ». Ce n'est pas un projet hors du commun, mais un projet qui demande d'avoir les deux pieds sur terre pour remplir correctement sa demande de visa et de titre de séjour. Le projet doit être réaliste pour être réalisable. Sinon, il restera au stade du rêve. Or, le projet est de vivre l'expatriation, pas un rêve d'expatriation (qui risquerait d'entraîner une frustration).

Ce que l'expatriation est 

Certes, l'expatriation peut être un challenge, un beau parcours de vie, une redécouverte de soi et une découverte des autres. Mais l'expatriation, c'est d'abord :

  • Une demande de visa, de permis de séjour ;
  • Des démarches souvent longues ;
  • Beaucoup de patience ;
  • Des dépenses ;
  • Des contacts réguliers avec les services de l'immigration.

Un tel projet nécessite beaucoup d'énergie. Le voyage à l'intérieur de soi ne commence pas dans le pays étranger, mais dans les papiers à remplir pour y aller. C'est là que le voyageur testera sa capacité à se renseigner et à faire le tri dans les infos, à demander de l'aide, à apprendre la langue du pays étranger s'il y a besoin, à se motiver quand les portes se ferment, à adapter le projet aux différentes contraintes, à être réaliste. 

S'expatrier pour mieux se retrouver : les conseils en plus

Mieux vaut envisager le projet d'expatriation en fonction de ses forces actuelles. Il ne faut pas hésiter à mettre en pause ou à recalibrer un projet d'expatriation difficile à mettre en œuvre. Il faut garder à l'esprit que l'expatriation demande beaucoup d'énergie. Mieux vaut préserver sa santé mentale et éviter de se lancer dans un projet trop ambitieux si les forces manquent.

Pour mieux se retrouver, on peut aussi tester le voyage de plusieurs semaines ou mois, en profitant des exemptions de visa permises par sa nationalité. Les ressortissants au « passeport fort » ont la chance de pouvoir voyager dans un grand nombre de pays jusqu'à 3 mois sans visa.

On insiste sur l'importance de ne pas trop attendre de l'expatriation. À lire les récits palpitants d'expats partis « sans rien attendre du pays étranger » et ayant découvert « le bonheur, la paix, l'amour et la richesse », on est tenté de croire que l'expatriation est une roue de la fortune. Bien sûr, ce genre de témoignage motive. Mais il ne faudrait pas attendre de vivre la même chose. Le point de départ est le bon : partir sans rien attendre du pays étranger (pour la simple raison que personne ne sait ce qu'il s'y passera…). Il ne s'agit bien sûr pas d'être pessimiste, au contraire. On s'engage positivement dans sa nouvelle vie à l'étranger, en pensant avant tout à soi.

S'expatrier c'est aussi affronter la solitude. Il convient de garder cela à l'esprit pour éviter les déconvenues. Il y aura peut-être des moments de solitude involontaire. À contrario, des expats recherchent justement ces instants de solitude pour mieux se retrouver. 

Plutôt que d'attendre des objectifs précis, vaut mieux se laisser porter, apprécier simplement la nouvelle dynamique sans exiger des choses que le pays étranger ne pourra pas régler. On se verra progressivement changer au contact des autres et de leur culture. On est capable d'apprendre une nouvelle langue, de faire des rencontres, de se débrouiller dans un nouvel environnement… Cette redécouverte de soi est une nouvelle rencontre avec soi qui inspire et motive.